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Le secteur, un pivot incontournable de la psychiatrie infanto-juvénile

Philippe JEAMMET - Chef de département de la psychiatrie de l’adolescent et du jeune adulte. Institut Mutualiste Montsouris - Paris

Année de publication : 2005

Type de ressources : Rhizome - Thématique : Psychiatrie, SCIENCES MEDICALES, Pédopsychiatrie

Télécharger l'article en PDFRhizome n°18 – Pour-parlers, enfance-psychiatrie (Mars 2005)

Il est de bon ton d’annoncer périodiquement la mort du secteur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Au motif qu’il ne répondrait pas ou plus, en en tout cas insuffisamment, aux besoins de la population concernée. En fait ne lui reproche-t-on pas surtout d’exister, et du fait même de son existence, d’exacerber les insatisfactions liées à la persistance de besoins non satisfaits. A défaut de pouvoir répondre à ces besoins, changeons les structures supposées les satisfaire.

Cette utopie est probablement facilitée par la part d’utopie qui fut à l’origine de la création des secteurs : une organisation rationnelle doit générer réponses aux besoins de santé, qualité et égalité des soins. Si cela ne marche pas c’est que l’organisation n’est pas bonne. C’est oublier que l’efficacité requiert les moyens correspondants, mais aussi les compétences et les motivations des soignants en particulier de ceux en charge de diriger et d’animer ces structures. Les moyens sont loin d’avoir suivi les intentions et ont été très inégalement répartis. Quant aux compétences et aux motivations, elles n’entrent pas en ligne de compte pour assurer la direction d’un secteur. Certes les compétences minimales sont garanties par la formation et les diplômes délivrés. Mais ni la formation ni les diplômes ne garantissent les qualités managériales pour diriger une équipe ; quant aux motivations elles restent à la discrétion des intéressés.

La promotion et la pérennisation des responsables sont gérées par les règles d’ancienneté et aucune évaluation n’est prévue. Le confort et la sécurité matérielle (qu’il est légitime d’assurer jusqu’à un certain niveau du moins) mais surtout narcissique des fonctionnaires passe avant la qualité des services rendus aux usagers et à la collectivité. Il y va de la sérénité des intéressés considérée volontiers comme de première nécessité pour la qualité des soins. On ne peut pas répondre uniquement en termes quantitatifs aux insuffisances du système de soin dont le coût d’ailleurs ne diminue pas mais va plutôt en croissant.

Alors, place à la créativité et aux innovations. L’Etat donne l’exemple qui favorise souvent la création hors secteur des structures nouvelles comme ce fut le cas pour la toxicomanie et on ne se préoccupe pas toujours d’inclure le secteur dans toute action nouvelle concernant la santé mentale, contribuant à conforter une image du secteur jugée par certains insuffisamment dynamique.

Mais par quoi le remplacer ? Je n’ai pas connaissance d’alternatives sérieuses. Il est toujours plus facile de détruire que de construire. Ce ne sont pas telle ou telle initiative ponctuelle qui remplaceront cette chance extraordinaire qu’offre le secteur : un maillage de l’ensemble du territoire français par des structures basiques de soins et d’évaluation qui font que toute famille, tout enfant, tout organisme ayant en charge un enfant ou un adolescent peut trouver concernant la santé mentale un interlocuteur compétent, un avis, une aide à la recherche d’un soin sinon un soin suffisant. C’est un acquis qui offre une sécurité minimale qu’il serait irresponsable de détruire après avoir mis 30 ans à le construire.

Le secteur existe. C’est une chance et un atout. Aux responsables politiques, administratifs, soignants de le faire vivre et de le faire développer quantitativement sûrement mais aussi qualitativement. Il nous appartient à tous de nous en donner les moyens. Comment ? En faisant du secteur le pivot de toutes les actions en santé mentale. Un pivot incontournable, au centre du dispositif de prévention et de soin. La direction du secteur nécessite bien sûr des compétences régulièrement mises à jour dans un champ d’expertise spécifique mais aussi, et ce sera de plus en plus le cas, des compétences managériales auxquelles nos études ne nous ont pas préparées mais qu’il est possible d’acquérir. Il s’agit d’un travail spécifique qui peut convenir à certaines personnalités et pas à d’autres. Vouloir le faire suppose une formation correspondante, des mesures de valorisation adéquates mais aussi une évaluation. Un cahier des charges des objectifs du secteur pourrait être établi en collaboration avec la Tutelle et les partenaires du réseau dans lequel le secteur s’inscrit nécessairement.

Cessons de pérenniser le secteur tout en rêvant d’autres dispositifs. Redonnons au secteur son rôle d’outil majeur de la santé mentale en France en précisant clairement ce qu’on attend de lui et en fixant un contrat d’objectifs avec ceux qui en acceptent la direction. Ceux-ci doivent en retour accepter d’être recrutés et jugés en fonction d’autres critères que leurs seules compétences médicales, et ce pour un temps qui n’est pas nécessairement indéfini. Comme toute structure,  le secteur ne peut répondre aux attentes que s’il s’adapte à celles-ci et non par la démarche inverse. Il ne peut demeurer vivant, c’est-à-dire mobilisateur et efficace, que s’il s’appuie sur la double motivation de ses concepteurs et de ses acteurs. On a l’outil, ne le cassons pas. Il faut le faire vivre. Donnons nous en les moyens. Ils sont à portée de main.

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