Historique
La loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice a prévu dans son article 48 : « l’hospitalisation avec ou sans son consentement d’une personne détenue atteinte de troubles mentaux est réalisée dans un établissement de santé, au sein d’une unité spécialement aménagée ».
La décision de construire un dispositif spécifique pour les personnes détenues présentant des troubles psychiatriques a été prise parce que la majorité des psychiatres exerçant dans les secteurs de psychiatrie adulte avaient à maintes reprises signalé leur souhait de ne plus accueillir de détenus dans le cadre de l’article D 398 du code de procédure pénale1. Par ailleurs, les conditions de prise en charge des détenus dans ce cadre dans les services de psychiatrie n’étaient pas satisfaisantes : séjour du patient-détenu dans une chambre d’isolement durant tout son séjour, absence de mise en œuvre des droits fondamentaux des personnes détenues (accès au téléphone, visites, etc.).
Le programme de construction envisageait la construction de 705 places. L’arrêté du 20 juillet 2010 fixe la liste des neuf Unités Hospitalières Spécialement Aménagées (UHSA) de la première tranche (soit 440 places) avec leur établissement de santé de rattachement et leur compétence. La première UHSA a ouvert en mai 2010 à Lyon, dans l’enceinte de l’hôpital du Vinatier. D’autres UHSA ont vu le jour à Orléans, Villejuif, Rennes et Seclin portant le nombre de places actuelles à 380. Deux autres UHSA sont prévues : l’une à Cadillac en Gironde et la seconde à Marseille. Une deuxième tranche de neuf unités correspondant à 265 places est envisagée. Leur implantation et leur capacité sont encore à l’étude.
Mise en place et fonctionnement
Les travaux préparatoires et comités de pilotage ont abouti à la rédaction d’un cahier des charges relatif aux UHSA sous la forme d’une circulaire DHOS du 16 juillet 2007 puis de l’arrêté du 11 février 2011 (paru au Journal Officiel du 10 mars 2011).
La conception architecturale des UHSA prend en compte les contraintes de leur utilisation tout en créant un environnement favorable aux soins. Certaines ont fait appel à des architectes renommés afin de créer un espace de conception nouvelle (Nancy, Orléans, Toulouse…). Il est possible d’admettre à l’UHSA un patient aussi bien en soins libres que sur décision du représentant de l’État. Cette possibilité élargit considérablement les possibilités de soins2. Par ailleurs, les UHSA reçoivent des patients hommes, femmes et mineurs. Les admissions peuvent se faire en urgence, ce qui allège la situation des personnels (soignants et pénitentiaires) dans l’établissement d’origine. La loi du 5 juillet 2011 relative au contrôle systématique des mesures d’admission sans consentement par le juge des libertés et de la détention s’applique dans les UHSA.
Cependant, dans l’attente de la finalisation des deux tranches du programme UHSA, les hospitalisations au sein des établissements de santé restent possibles dans le cadre de l’article D398 du CPP, ce qui crée une inégalité de prise en charge sur l’ensemble du territoire.
Les UHSA offrent des soins de qualité dans un environnement adapté à la population accueillie. Elles permettent aux patients-détenus de séjourner le temps nécessaire à leur état clinique dans un lieu de soins offrant un confort d’hébergement et l’accès à leurs droits fondamentaux : téléphone, visites, promenade, tabac… De plus, le projet de soins individualisé offre dans chaque UHSA une large palette d’activités thérapeutiques.
Quelle évaluation ?
Au moment de la mise en place, la première critique du dispositif a été émise par les psychiatres de secteur adulte, pourtant à son origine. Elle concerne son coût qui aurait détourné de leurs services selon les psychiatres l’argent public dans ces périodes d’économies budgétaires. Certains ont abordé les questions sécuritaires que poserait la présence de personnes détenues au sein d’un établissement hospitalier. Il faut également évoquer la distance entre le lieu d’incarcération d’origine – où vivent les familles et les proches – et l’UHSA qui crée des difficultés pour les parloirs et donc le maintien des liens familiaux.
Une critique argumentée a été faite par l’association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire (ASPMP) dans un communiqué daté du 29 mars 2003. Elle rappelle le coût des UHSA, le fait que « les UHSA vont à l’encontre des tendances politiques actuelles (conférence de consensus sur la prévention de la récidive) », énonce le « risque d’une filière ségrégative et d’une incitation à l’incarcération des malades mentaux du fait d’un dispositif complet de soins en prison ». Elle demande, comme cela avait été prévu dans la circulaire de mars 2011, une évaluation financière et organisationnelle de la première tranche avant de s’engager dans la seconde.
En conclusion, la mise en œuvre des UHSA a été difficile du fait des difficultés à installer un nouveau dispositif. Malgré tout, suite aux visites effectuées par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, il apparaît que les UHSA améliorent considérablement la prise en charge des personnes détenues présentant des troubles psychiatriques.
Cependant, il est justifié de procéder à une évaluation du dispositif avant de commencer la construction de la seconde tranche. Toutefois, celle-ci s’avère nécessaire afin que l’ensemble de la population pénale puisse bénéficier des avancées
offertes par les UHSA.
Notes de bas de page
1 Celui-ci dispose : « les détenus atteints de troubles mentaux visés à l’article L 3214-3 du code de la santé publique (CSP) ne peuvent être maintenus dans un établissement pénitentiaire. Au vu d’un certificat médical circonstancién et conformément à la législation en vigueur, il appartient à l’autorité préfectorale de faire procéder, dans les meilleurs délais, à leur, hospitalisation d’office dans un établissement de santé habilité au titre de l’article L 3214-1 du CSP. Il n’est pas fait application à leur égard de la règle posée au second alinéa de l’article D 394 concernant leur garde par un personnel de police nou de gendarmerie pendant leur hospitalisation ».
2 Le premier groupe de travail avait envisagé également des admissions à la demande d’un tiers, ce qui n’a plus été retenu par la suite.