Introduction
L’origine du mémoire et la problématique
J’accompagne des personnes en situation de précarité depuis trois ans et demi, la plupart d’entre eux, concernés par l’asile (demandeurs, bénéficiaires ou déboutés). Parmi elles, il y a des personnes que j’ai rencontrées quand elles étaient en demande d’asile, qui sont aujourd’hui, après deux ans d’attente, bénéficiaires de la protection internationale. J’ai donc observé ce changement administratif, de demandeur d’asile à réfugié2 accompagné par un changement psychique qui m’a interrogé. Après une souffrance silencieuse, dont je n’arrivais pas à réaliser l’intensité pendant la demande d’asile et dont je pouvais seulement deviner l’existence, j’ai découvert, une fois le statut obtenu et le début des démarches entamé une expression de la colère de manière répétée et intense. J’ai assimilé cette colère à de la souffrance et plus particulièrement de la souffrance psychosociale, étant due aux problématiques sociales des personnes concernées (1).
Est-ce qu’il s’agissait de la souffrance réprimée auparavant qui émergeait maintenant que la situation était plus stable ou maintenant qu’ils se sentaient désormais légitimes de l’exprimer ? Est-ce qu’il s’agissait d’une nouvelle forme de souffrance ? Qu’est-ce qui la causait ? Contre qui elle était dirigée ? Quelle était son intensité et ses conséquences ? Quels facteurs de protection mettaient en place les personnes pour s’en dégager ?
Toutes ces questions sont celles que je me suis posée au cours de ce mémoire, dans le but de comprendre la colère que m’exprimaient les personnes récemment reconnues réfugiées et ce que cela en disait sur leur rapport avec le pays d’accueil, la France. (…)