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Pour une boxe populaire et solidaire

Boxe populaire X-Rousse

Année de publication : 2025

Type de ressources : Rhizome - Thématique : SANTE MENTALE, PUBLIC MIGRANT

Télécharger l'article en PDFRhizome n°92 – Détours sportifs

La boxe populaire offre un moyen d’accès parmi les plus universels possibles à la boxe et en particulier pour celles·eux qui, pour diverses raisons (qu’elles soient financières, administratives ou d’appartenance à une minorité…), y ont le moins accès. Ainsi, elle permet à des personnes qui n’auraient peut-être pas été en club « classique » d’acquérir des bases de la boxe, tout en renforçant leur confiance en elles et en leur permettant de réagir plus sereinement en situation de défense.

L’association Boxe populaire X-Rousse s’inscrit dans une démarche d’autogestion, d’autonomie des pratiques et des luttes de notre quartier, la Croix-Rousse. Pour ce qui est des moyens financiers, et en cohérence avec nos idées et nos visions politiques, nous avons essayé de développer une autonomie financière qui pourrait se résumer par l’un de nos slogans : « On n’a pas d’argent, mais on a des gens. » Nos moyens matériels reposent essentiellement sur des pratiques solidaires1. Les fondateurs de l’association et ses premiers membres étaient essentiellement des militant·e·s et des sympathisant·e·s de la gauche révolutionnaire du quartier. Puis, différent·e·s habitant·e·s du quartier se sont joint·e·s à l’expérience. D’autres militant·e·s politiques d’ailleurs ont aussi renforcé le collectif au fil du temps. Les années passant, l’association a commencé à s’ouvrir sur l’extérieur. Des personnes LGBTQIA+ y ont, par exemple, périodiquement participé. Afin de mettre à l’abri des mineur·e·s non accompagné·e·s (MNA) – un public concerné par le phénomène migratoire, principalement originaire d’Afrique de l’Ouest – des espaces d’habitation2 ont été ouverts et occupés par un collectif de militant·e·s du quartier. Le collectif compte aujourd’hui presque pour moitié des MNA. Leur arrivée a amené un développement très important du club. Depuis, l’association a organisé ses premières compétitions sportives et ses premiers événements publics. La boxe populaire offre un espace où l’attention est portée sur le sport et l’humain. Nos membres sont toujours accueilli·e·s par la même phrase : « Ici, il n’y a que des boxeur·se·s, les questions financières et administratives restent dehors. La seule chose qui permet de réussir dans la boxe, c’est l’entraînement. » Dans ce sens, cet espace est réfléchi comme un lieu où chacun·e doit pouvoir trouver sa place, au-delà des questions de minorité, de genre, de langue, d’orientation sexuelle ou autre. Par exemple, si des membres du collectif ne maîtrisent pas suffisamment le français, d’autres membres vont faire les traductions nécessaires. Nous veillons aussi à éviter et à déconstruire certaines habitudes de langage discriminatoires3. Les cours sont encadrés par quelques entraîneurs « attitrés ». Le sac de frappe peut être considéré comme un outil thérapeutique pour les personnes ayant besoin d’extérioriser physiquement un trop-plein d’énergie, des frustrations, du stress, ou des angoisses, par exemple. Nous avons accueilli plusieurs MNA qui souffraient visiblement d’importants traumatismes. Le sac de frappe est un excellent thérapeute : vous pouvez tout lui exprimer et tout lui dire, il gardera le secret. Souvent, lorsqu’un·e nouvel·le arrivant·e ne parvient pas assez à canaliser son énergie, il·elle va travailler au sac le temps nécessaire pour retrouver une sérénité et un certain contrôle de lui·elle-même. À la fin des entraînements, nous procédons à une réunion, une sorte d’assemblée générale. Chacun·e donne son avis sur les points positifs de la séance ainsi que sur les points d’amélioration à apporter. Chaque personne peut donc exprimer ce qu’elle souhaite voir au programme du prochain entraînement, mais aussi amener et proposer ses apports au niveau pédagogique. Nous discutons des conflits éventuels qui doivent être gérés collectivement. C’est également à ce moment que les grandes orientations, les événements sportifs ou politiques sont proposés, débattus et votés. Nous souhaitons par ce moyen avoir un fonctionnement horizontal où chacun·e est consulté·e et décisionnaire.

Bien qu’il ne s’agisse pas d’un sport collectif, la façon dont nous envisageons la boxe permet une belle cohésion d’équipe. Les niveaux et les gabarits étant très différents au sein du groupe, chacun·e doit s’adapter à la personne qu’elle a en face, communiquer, donner ou demander des conseils. Cette adaptation permet une pratique sportive fluide, enrichissante, et diminue aussi les risques de blessures4. Pour plusieurs de nos membres, l’exigence (autant physique que mentale), la discipline et la régularité qu’ils·elles s’imposent – essentielles à la progression –, ont pu s’étendre à d’autres domaines de leurs vies. Si ces qualités sont travaillées lors des entraînements, elles n’y sont pas nécessairement cantonnées. En cela, les sports de combat diffèrent des autres sports.

Notes de bas de page

1 Nous avons très peu de frais financiers fixes et nous les assumons avec les cotisations des membres, ainsi que par l’organisation ponctuelle d’événements. Depuis peu, nous faisons des demandes de subventions publiques, mais nous souhaitons y recourir uniquement dans le cadre de certains projets spécifiques (pour remplacer certains équipements vieillissants, par exemple). Des individus, des structures, des collectifs et des entreprises nous fournissent l’essentiel de ce dont nous avons besoin, que ce soit par dons ou par prêts. Via nos réseaux sociaux, nous essayons de visibiliser ces actes de solidarité afin de montrer qu’il existe d’autres façons de fonctionner que par la monétisation des biens.

2 Il s’agit du collège Maurice-Scève et de l’ouverture de l’espace d’habitation collective « Le chemineur ».

3 Soit tout propos, insulte ou blague à caractère sexiste, raciste ou homophobe.

4 Les entraînements mettent plutôt l’accent sur la justesse des mouvements que sur la violence des coups

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