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La souffrance psychique des exilés confrontée aux failles des services de psychiatrie publique. L’Humanité.

Malorie GENY-BENKORICHI
Gwen LE GOFF
Halima ZEROUG-VIAL

Année de publication : 2012

Type de ressources : Articles scientifiques - Thématique : Psychiatrie, SCIENCES MEDICALES, PUBLIC MIGRANT, SANTE MENTALE

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Le réseau Samdarra, rattaché à l’hôpital psychiatrique du Vinatier (69), est un dispositif ressource pour les professionnels en Rhône-Alpes. Il a mené un « État des lieux national de la prise en charge et de la prise en compte de la santé mentale des demandeurs d’asile et réfugiés au sein du DNA »1.

Quelles que soient les répercutions ou menaces subies, les personnes sollicitant l’asile ont en commun la fuite de leur pays d’origine, la confrontation au déracinement, aux pertes matérielles, affectives et symboliques. Elles sont également toutes concernées par une même procédure d’asile et un même dispositif national d’accueil (DNA), dont la disparité des réponses et des services laisse planer un fort sentiment d’arbitraire.

En Rhône-Alpes, la problématique de la santé mentale des demandeurs d’asile et réfugiés a émergé il y a une dizaine d’années, avec la mobilisation de « psychistes » dans le cadre de cellules psychologiques d’urgence à destination des personnes ayant fui la guerre des Balkans. Les effets bénéfiques de ces dispositifs ont suscité une attention croissante sur la question de la souffrance psychique des demandeurs d’asile, notamment dans les structures d’hébergement où les travailleurs sociaux se font porteurs de l’expression de cette souffrance.

Mais, du côté de la psychiatrie publique, les professionnels sont souvent désemparés par la complexité de ces situations où s’enchevêtrent les enjeux administratifs et juridiques, la précarité sociale, l’exil, la dimension interculturelle et la souffrance psychique. Ces difficultés s’articulent autour de deux points centraux : la formation des professionnels d’une part et les pratiques d’autre part.

La souffrance psychique des demandeurs d’asile découle du cumul des différents facteurs évoqués ci-dessus, et qui constituent le contexte vulnérabilisant de la demande d’asile. La considération des effets de l’environnement sur la santé psychique d’un individu, la question des troubles post-traumatiques, ou encore de l’interculturalité dans le soin, restent majoritairement absentes des cursus de formation professionnelle. Ces manques constituent un élément important des difficultés d’accès aux soins de ce public.

Le second niveau de difficultés s’exprime dans le concret des pratiques. Dans le fonctionnement du système de santé, le principe de la sectorisation, par exemple, se heurte à la réalité des populations précaires telles que les demandeurs d’asile : souvent contraints à la mobilité, leur rattachement à un secteur et leur inscription dans un suivi stable sont régulièrement compromis.

L’interprétariat apparaît comme un autre élément central de la fluidité des parcours de soins. Peu de services de psychiatrie assument les coûts d’interprétariat à hauteur des besoins. Lorsque le financement est assuré, le problème de l’absence de formation au travail avec interprète se pose souvent : les soignants se disent déstabilisés par cette pratique pour laquelle ils n’ont pas été formés. Par ailleurs, la logique de plus en plus pressantes de gestionnarisation et d’efficience des soins peut rendre difficile l’acceptation institutionnelle de l’interprétariat, considéré comme coûteux et chronophage.

A ces difficultés vont s’ajouter les enjeux éthiques souvent aigus dans le champ de la demande d’asile, où la posture professionnelle est régulièrement déstabilisée par la dimension citoyenne et politique.

Si les centres de soins spécifiques tels que Primo-Levi sont indispensables pour leur connaissance approfondie des problématiques de ce public, ils ne peuvent assumer à eux seuls les milliers de patients concernés. Il devient primordial de renforcer les compétences et ressources des établissements de santé publique, et de penser des articulations interinstitutionnelles avec les centres de soins et dispositifs d’hébergement spécifiques, afin de permettre un soin de qualité aux personnes contraintes à l’exil.

Notes de bas de page

1 Financement du fonds européen pour les réfugiés et l’Office français de l’immigration et de l’intégration, http://orspere-samdarra.com/

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