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Les défis associés à la fonction de médiateur de santé pair : enjeux pour la formation initiale et continue

Olivia GROSS - Docteure en santé publique et chercheuse en sciences de l’éducation et de la formation, Chercheuse associée au laboratoire Éducations et Pratiques de santé (LEPS, EA3412), université Paris 13, Paris

Année de publication : 2020

Type de ressources : Rhizome - Thématique : SCIENCES HUMAINES, Sociologie, SCIENCES MEDICALES, Médecine, PUBLIC MIGRANT, Demandeurs d'asile

Télécharger l'article en PDFCahiers de Rhizome n°75-76 – Pair-aidance, interprétariat et médiations (mars 2020)

À la base du rétablissement (Davidson et al., 2005 ; Provencher et Keyes, 2012 ; Demailly, 2017) se trouve le soutien entre pairs (Sarradon-Eck et al., 2012). Cette pratique a débordé du cadre des groupes d’autosupport et de plus en plus de professionnels de santé s’y adossent, y compris dans des espaces institutionnels. En particulier, il est devenu courant que ces derniers proposent à des personnes ayant une expérience de la vie avec un trouble psychique de participer à l’accompagnement d’un usager. Dès lors que des pratiques de pair à pair sont mobilisées par des professionnels de santé, on se situe dans le champ d’approches dites « par les pairs », qui peuvent être bénévoles comme professionnels. Les pairs-aidants qui se professionnalisent deviennent des travailleurs-pairs, appelés aussi en santé mentale des « médiateurs de santé pairs » (MSP). Ce sont des membres de l’équipe de soin recrutés pour leur expérience du rétablissement. Il est attendu qu’ils participent à « la mise en œuvre des plans de soin » et à « améliorer la qualité de la prise en charge et de l’accueil de l’usager » (CCOMS, 2019), sachant que ce dernier objectif peut notamment les conduire à agir comme défenseur des droits des patients (Sarradon-Eck et al., 2012).

Les services qui recrutent des MSP doivent de préférence prodiguer des soins orientés sur le rétablissement et s’être préparés à accueillir ces professionnels. De leur côté, les MSP ont besoin d’être formés pour renforcer leur légitimité auprès des équipes soignantes, faciliter leur changement identitaire et s’assurer de leurs compétences. Ils le sont actuellement à l’université Paris 13 où ils suivent une troisième année de licence en « sciences sanitaires et sociales, parcours “Médiateurs de santé pairs (MSP)” ». Mais, concevoir une formation pour les MSP est une vraie gageure. D’une part, « définir la nature et le sens du soutien par les pairs pour les usagers est une tâche complexe » (Cyr et al., 2016) et, d’autre part, la formation serait vaine si elle ne se donnait pas pour objectif principal d’outiller les MSP pour qu’ils s’intègrent au mieux dans les services de soins dans lesquels ils vont être amenés à travailler. Mais l’objectif susmentionné de « participer à améliorer la qualité des soins » pourrait compromettre leur intégration, car leurs contributions en ce sens pourraient être perçues comme trop critiques par leurs collègues. Or leur intégration doit être aboutie pour qu’ils s’y épanouissent. À défaut, c’est même leur propre rétablissement qui peut être déstabilisé (Demailly et al., 2014 ; Roelandt et Staedel, 2016). Aussi, que recouvre cet objectif « d’amélioration de la qualité des soins » ? Est-ce que cet objectif est vraiment inhérent à cette fonction ? Et surtout est-il celui des principaux concernés ?

Pour répondre à cette dernière question, nous nous sommes interrogés sur la motivation des candidats à la licence à devenir MSP et en particulier sur leurs représentations de cette fonction avant qu’ils ne l’exercent. Pour ce faire, nous avons analysé leurs lettres de motivation à s’engager dans le parcours les y préparant. Dans une première partie, nous présenterons les résultats de cette analyse. Dans une deuxième, nous tenterons de définir leur motivation, puis discuterons des tensions entre les enjeux susmentionnés et de la façon de les traiter sur le plan pédagogique, pour conclure sur des principes qui nous paraissent importants à invoquer dès lors que l’on entend intégrer un MSP dans un service de soins.

Motivation d’anciens usagers de la psychiatrie à devenir MSP

Méthode

Sur les 35 étudiants ayant été recrutés en 2018 pour intégrer le parcours de licence 3 « sciences sanitaires et sociales parcours MSP », 28 avaient complété leur envoi de CV par celui de lettres de motivation. Ces lettres ont été analysées selon une approche émique, compréhensive et descriptive. La méthode utilisée a été qualitative, thématique et inductive.

Résultats

Les lettres sont inégalement structurées autour de six domaines renvoyant respectivement à : 1) la personne ou la structure qui a orienté ces candidats vers ce parcours ; 2) leurs diplômes et parcours professionnels ; 3) leur parcours dans la santé mentale (maladie, parcours de soins, relations de soins et rétablissement) ; 4) leur parcours antérieur comme pair-aidant ou praticien-pair (dans des associations ou institutions) et les éventuelles formations suivies y afférent ; 5) ce qui les attire dans le métier de MSP et les projets qu’ils ont envie de mener à bien ; 6) leurs ressources personnelles (compétences et qualités).

Afin de répondre à la question soulevée, soit celle des facteurs motivationnels des candidats et des projets visés, l’analyse a essentiellement porté sur ces deux derniers domaines.

Ce qui les attire

De nombreux candidats sont attirés par la fonction de MSP car elle leur permet de mobiliser diverses compétences et de trouver du sens à leur parcours de vie, ce qui est parfaitement résumé par l’expression de l’un d’entre eux : « une boucle bouclée ».

Un candidat évoque la notion de « coconstruction » qu’il relie à la phrase de Nelson Mandela : « Ce qui est fait pour nous sans nous est fait contre nous. » Deux autres ont principalement exposé être dans une stratégie de retour à l’emploi : « Je cherche dorénavant à me reconvertir professionnellement. » Trois candidats mentionnent l’importance de la formation : un candidat a centré sa lettre sur son désir d’étudier, une autre a mentionné son appétence pour la recherche et une dernière a mentionné que ce diplôme lui serait utile en termes de reconnaissance auprès des professionnels. Il faut souligner qu’un candidat a mentionné ses craintes (« pouvoir résonner en étant exposé à des malades »), ce qui a priori n’est pas courant dans une lettre de motivation, et qu’un autre reconnaît explicitement avoir des difficultés à se maintenir dans un emploi dans la durée.

Les actions visées par ces candidats

Vers les usagers

Toutes les personnes ayant candidaté expriment l’idée de mettre leur expérience au service du rétablissement des personnes accompagnées, le projet de leur donner de l’aide et de l’espoir – « Je suis en capacité d’accompagner une personne vers un retour à la vie » –, et pour certaines, une meilleure compréhension de la maladie. Sans surprise, celles qui expriment le mieux ce que peut apporter un pair ont elles-mêmes bénéficié de ce type de soutien dans leur parcours de rétablissement. Certaines actions envisagées sont à la marge des soins (art, jardin…) en fonction des compétences des candidats.

Vers le grand public

Les candidats en provenance de groupes d’entraide mutuelle (GEM) mentionnent avoir déjà mené – et avoir de ce fait une appétence pour continuer à mener – des actions de déstigmatisation, notamment en participant à des conférences publiques.

Vers les équipes de soins

Deux candidats, seulement, mentionnent ce qu’elles entendent apporter aux équipes de soins. Deux notions émergent : « faire connaître la maladie d’un point de vue interne pour mieux l’appréhender et mieux la gérer » et « apporter un point de vue complémentaire ». Un dernier mentionne vouloir « les aider », sans plus détailler ce qu’il entend par là.

Vers les familles

Un seul candidat mentionne vouloir aider les familles des personnes en souffrance psychique. Elle indique vouloir leur « faire passer un message d’espoir ».

Les ressources mises en avant

En dehors d’un candidat ayant mis en avant ses compétences relevant des attendus universitaires, tous les candidats ont surtout fait valoir leurs savoir-être : « capacité d’écoute », « grande empathie », « naturel positif et dynamique », « rigueur et sérieux », « ouvert aux autres », « capacité d’adaptation », « être dans un rapport de pair tout en gardant la distance nécessaire ». Un d’entre eux a fait valoir sa bonne connaissance des ressources associatives territoriales. De manière plus implicite, on remarque, pour la grande majorité d’entre eux, leur capacité à se raconter. Force est de souligner qu’ils sont relativement nombreux à avoir exercé des métiers socio-éducatifs ou de médiation (culturelle ou interculturelle).

Discussion

Une motivation salutogénique fondée sur le retournement du stigmate

Au vu de nos résultats, ni le modèle de la motivation des patients experts (Gross et Gagnayre, 2014 ; Gross, 2015), ni celui des acteurs/agents sociaux (Weber, 1921 ; Harrisson, 2012), ni celui des bénévoles qui s’engagent dans une cause (Gidron, 1978 ; Ferrand-Bechman, 2010), pas plus que celui des personnes se situant dans une stratégie de retour à l’emploi ne permettent de rendre compte de la motivation de ces candidats. En effet, les lettres analysées ne font pas état du « sentiment de l’inefficacité d’autrui » qui caractérise la motivation des patients experts, ce qui explique peut-être que les candidats n’expriment qu’à la marge le désir de contribuer à améliorer les pratiques de soin. D’après ce que l’on peut déduire de leurs lettres de motivation, ils sont davantage guidés par la recherche d’une utilité auprès de leurs pairs que par la transformation des milieux, ce qui diffère de la motivation des acteurs/agents sociaux. Contrairement au public de bénévoles auprès desquels les travaux sur la motivation ont été menés, le champ qui les mobilise n’a pas été choisi volontairement, mais relève de turbulences subies. S’ils sont nombreux à se situer dans une stratégie de recherche d’un emploi qui fasse sens pour eux, cette notion ne peut être assimilée à celle de personnes qui se questionnent sur le sens au travail. Le sens qui les guide est bien plus existentiel que cela, puisqu’ils visent une réconciliation identitaire entre un parcours de vie et un emploi, ce qui évoque une démarche salutogénique (Gross et Gagnayre, 2017) et témoigne du retournement du stigmate qui caractérise ce type de démarche. Ainsi, les parcours chaotiques sur le plan professionnel et de santé sont valorisés, ce qui ailleurs les stigmatiserait est présenté comme une force.

La nature bidirectionnelle de la médiation

En amont de leur formation, d’après leurs lettres de motivation, les MSP sont essentiellement motivés par la pair-aidance, soit le soutien de pair à pair, au point qu’ils n’évoquent pas même leur rôle comme défenseurs des droits. Or, la médiation en santé est par nature bidirectionnelle : elle doit venir en soutien aux usagers et permettre d’influer sur les services de santé pour améliorer l’accueil, la prise en charge et le suivi du public au sein des structures (Teoran et Rustico, 2014). Si l’institutionnalisation des MSP se justifie, c’est bien parce que les MSP peuvent agir comme des amis critiques et relever ce qui, au quotidien, altère l’expérience des usagers. C’est pourquoi les travaux les plus conséquents sur l’apport des MSP se sont centrés sur les transformations qui ont découlé de leurs interactions avec les autres professionnels (Godrie, 2015).

Toutefois, poser que les pratiques pourraient être à améliorer revient à dire que « l’institution elle-même est justiciable d’une approche thérapeutique » (Calais, 2016) et, en dehors du cadre rassurant de la psychothérapie institutionnelle, cela ne se fait pas facilement. D’autant plus quand ce sont des tiers qui s’en mêlent (Bernadou, 2014), qui plus est des usagers (même anciens), que ce soit dans le champ de la psychiatrie comme ailleurs. Mais la psychiatrie a ceci de particulier que le paradigme de la santé mentale n’est pas outillé pour faire face à des critiques, puisqu’il a lui-même émergé pour faire taire celles des siècles précédents qui accusaient la psychiatrie de tous les maux. Pour survivre, la psychiatrie s’est réinventée et, à première vue, les orientations actuelles comme la réadaptation, l’empowerment, le rétablissement et le bien-être des personnes ne présentent plus beaucoup d’aspérité aux critiques. Or ceci est discutable, notamment parce que l’injonction au rétablissement ou à l’empowerment est aussi difficile à vivre que n’importe quelle autre injonction, avec le risque de plus en plus avéré que la captation des principes du rétablissement par l’institution psychiatrique ne produise une forme de rejet chez certains usagers, par un phénomène de réactance qui conduit à s’opposer à ce qui devient normatif (Gross et Gagnayre, 2014)1. De plus, si on n’y prend garde, ces orientations peuvent être au service de la performance ou d’intérêts politiques. Quant au paradigme du rétablissement – qui provient des usagers –, il peut souffrir de dévoiements quand il est invoqué par des professionnels, notamment parce que, pour évaluer les effets des pratiques, ces derniers en viennent à le mesurer selon des critères réducteurs (Linder, 2018 ; Beresford, 2019a), tels ceux renvoyant à l’employabilité. De plus, les soins en psychiatrie ont ceci de particulier qu’ils s’adressent à des personnes qui souvent n’identifient pas qu’elles en ont besoin et « où la personne doit accepter de souffrir, de se sentir malade pour mieux se soigner » (Roelandt, 2005). Ce qui revient à dire qu’il faut déconstruire des mécanismes de défense mis en place sur des années avant que de pouvoir accompagner le processus de résilience et de rétablissement qui est souhaité. On voit ici à quel point cette entreprise peut être violente si on n’y prend garde. Enfin, toute institution est un espace où les pratiques se sclérosent assez facilement.

Les MSP seuls n’arriveront pas à limiter ces risques. Mais ils peuvent alerter sur des pratiques qui ne produiraient pas les effets attendus. Il est donc essentiel que les équipes de soin soient préparées à accueillir leurs points de vue et à prévoir les espaces pour ce faire.

Enjeux pour la formation des médiateurs de santé-pairs et celle de leurs collègues

Il s’agit de profiter du temps de formation pour faire prendre conscience aux MSP des enjeux suscités. Toute formation universitaire vise à développer l’esprit critique des étudiants en leur apprenant à mettre en doute les idées reçues (de Vecchi, 2016). Aussi, dans le cadre de la licence, certains enseignements invitent les MSP à développer leur esprit critique, tant sur le plan théorique que pratique. Dans cette dernière visée, il leur est notamment proposé de revisiter leur parcours de soins et d’identifier ce qui les a aidés comme ce qui a pu desservir leur rétablissement. Lors de ces cours qui permettent aussi de les entraîner à se dévoiler, il s’agit de faire ressortir, à partir de leurs expériences de vie, leurs similitudes, mais aussi leurs différences interindividuelles. Ce faisant, ils apprennent à voir le même dans l’autre (quand bien même cet autre n’a pas le même âge, le même diagnostic, le même genre…) et l’autre dans le même pour être en capacité de devenir un acteur de la subjectivation de ceux qu’ils accompagneront. Il leur est aussi proposé de définir par eux-mêmes ce qu’est la qualité des soins, de manière à ce qu’ils aient une vision claire des objectifs qu’ils entendent poursuivre comme acteurs de la qualité des soins. De plus, n’est pas évacuée la possibilité d’écarts entre les pratiques soignantes et les leurs, considérant qu’il est tout à fait légitime que leurs postures soient différentes, voire que leur valeur ajoutée réside dans ces écarts2. L’invocation de ces principes convoque des pédagogies critiques qui multiplient les conflits sociocognitifs et éloignent toute idée de « formatage » ainsi que cela est parfois craint, comme le relève Stéphanie Wooley (2017).

Parallèlement à cela, il leur est donné un grand nombre de clés pour qu’ils s’intègrent au mieux dans les services qui les ont recrutés. Ainsi, leur attention est attirée sur l’importance de s’accorder sur des objectifs communs et respecter les valeurs soignantes non négociables comme celles qui renvoient à la déontologie d’équipe.

Mais ces différents objectifs pédagogiques sont en partie antinomiques. D’une part, n’y a-t-il pas, en effet, une impossibilité à devenir un collègue comme les autres, tout en assumant la posture d’un ami critique ou en se marginalisant par des pratiques spécifiques ? Et d’autre part, comment faire afin d’éviter que l’acculturation qui découle d’une intégration réussie n’atténue tout esprit critique, qui est nécessaire pour qu’ils restent un levier de transformation des pratiques ?

Résoudre ce dilemme ontologique en renonçant à encourager l’esprit critique des MSP confortera ceux – parmi lesquels Darbey Penney (2018) et Peter Beresford (2019b) – qui soulèvent que les MSP pourraient ne révéler leur efficacité qu’en dehors des institutions. D’où le fait qu’il soit essentiel d’invoquer dans ce cadre les fondements de la démocratie en santé, à savoir que « l’entrée de l’usager sera un levier d’amélioration des pratiques » (Caniard, 2000). Cet objectif nécessite que les MSP aient la possibilité de faire des propositions innovantes et aussi de leur laisser une marge critique, parce que les démarches participationnistes sont dénuées de sens quand elles sont vidées de leur charge contestatrice (Godrie, 2019). De plus, les autres professionnels doivent s’ouvrir à accepter des pratiques déviantes des MSP si celles-ci servent leur rôle particulier, comme ils doivent réaliser qu’intégrer un MSP devrait les conduire à solliciter sa perspective pour interroger leurs pratiques à son aune. D’une part, ils ont besoin d’être préparés à cela, dans ce contexte comme dans d’autres. Les professionnels amenés à collaborer avec des usagers doivent ainsi se former aux fondements de la démarche ayant conduit à les intégrer dans leur milieu. D’autre part, passé le temps de la formation initiale, il serait sans doute essentiel que les MSP prennent régulièrement du recul sur leur pratique pour s’assurer que leur acculturation n’ait que des effets bénéfiques.

Se réunir régulièrement dans un cadre associatif, voire dans un cadre plus formel de l’ordre d’une formation continue, serait sur ce point très utile, à condition que les thèmes traités soient identifiés par eux et que les séances soient animées par des MSP expérimentés. Lors de la licence, ils sont formés en alternance, ce qui permet d’organiser à intervalles réguliers des analyses de pratique, analyses qui sont en outre soutenues par des MSP des promotions précédentes. Ce type d’échange ne devrait pas se terminer avec l’obtention d’un diplôme, surtout dans le cas d’un métier émergent qui a encore besoin d’identifier ses propres normes, voire ses propres valeurs, sinon sa propre déontologie. Et parce qu’il est difficile de croire en un essentialisme subjectiviste, il s’agirait de poursuivre l’élaboration de leurs savoirs propres, d’entretenir leur différence ontologique, leur étonnement d’être là, voire leur capacité d’indignation (tout en la maintenant dans une forme institutionnellement compatible). Peut-être aussi que travailler en continu sur leurs spécificités évitera qu’ils ne reproduisent des rapports verticaux avec les usagers comme cela se constate dans les pays où cette fonction est plus répandue (Penney, 2018). Pour la même raison, il reste à créer une structure hiérarchique ad hoc dans les institutions qui leur permette de rendre compte à d’autres MSP, afin d’être soutenus et de s’autonomiser. À terme, ils auront un rôle à jouer dans la recherche, car, comme Peter Beresford (2019b) le souligne, c’est le moyen privilégié pour faire barrage aux violences épistémiques. Il ne s’agit pas tant ici de produire une contre-culture que d’invoquer les principes de la déconstruction qui autorisent à questionner les évidences, les savoirs, ce qui est a priori plus accessible à ceux qui ont un rapport au monde différent qu’à ceux qui les ont engendrés.

Limites

Cette étude souffre de limites dues au fait de s’être exclusivement fiée à des lettres de motivation pour identifier les facteurs motivationnels des candidats retenus dans le cadre de la licence 3. En effet, la désirabilité sociale pourrait avoir atténué les déclaratifs des candidats à ce stade de leur recrutement.

Conclusion

Les lettres analysées montrent qu’en amont de leur formation, les étudiants sont motivés essentiellement par la pair-aidance. Trois explications sont possibles : soit les candidats n’expriment pas ces derniers aspects parce qu’ils redoutent que cela ne les pénalise, soit ils n’en ont ni le désir ni l’idée, soit ceux qui ont été recrutés l’ont été justement parce qu’ils n’avaient pas de projet disruptif en termes de transformation des pratiques ou de défense des usagers. Dans tous les cas, cela ne peut qu’interroger. La pire des options serait que la transformation des pratiques ne soit pas plus à court terme le projet du CCOMS que le leur ni celui des établissements qui les recrutent. En effet, réduire le rôle des MSP à la pair-aidance est d’autant plus réducteur, voire contre-productif, que cette dernière peut se suffire d’intervenants extérieurs qui viennent assurer des interventions ponctuelles. On voit d’ailleurs de nombreux services de soin qui ont choisi cette option, ce qui a l’avantage supplémentaire de fonctionner pour la plupart du temps sur le bénévolat.

Notes de bas de page

D’où des mouvements comme celui de Recovery in the Bin qui revendiquent le droit à ne pas se rétablir.

Par exemple, afin de manifester leur proximité avec les personnes accompagnées, certains enseignants les invitent à ne pas hésiter à recourir au tutoiement.

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