Vous êtes ici // Accueil // Publications // Rhizome : édition de revues et d'ouvrages // Rhizome n°2 – Métamorphoses de la demande et engagement dans le soin (Septembre 2000) // Le cheminement de la demande : de l’insertion au soin

Le cheminement de la demande : de l’insertion au soin

Christian LAVAL - Sociologue ORSPERE

Année de publication : 2000

Type de ressources : Rhizome - Thématique : SCIENCES HUMAINES, Psychologie, Sociologie

Télécharger l'article en PDFRhizome n°2 – Métamorphoses de la demande et engagement dans le soin (Septembre 2000)

Une demande d’aide psychologique débute souvent bien avant la première demande adressée au psy.

Aujourd’hui, une partie  de l’action des professionnels de l’insertion consiste à travailler  l’écart de plus en plus important  entre les dimensions sociales (trouver un travail) et les dimensions psychiques (pouvoir l’investir) des actions qu’ils proposent et ce sans chercher à le réduire à une seule de ces deux  composantes.
En contexte d’insertion, l’élaboration d’une demande d’aide  est d’abord un processus intersubjectif entre deux ou plusieurs personnes où  percevoir la souffrance dans un cadre non soignant, puis pouvoir éventuellement en témoigner aux spécialistes de la souffrance psychique, reste fortement marqué du sceau de la contingence.
Une demande d’aide psychologique débute souvent bien avant la première demande adressée au psy. Elle se construit toujours circonstantiellement, casuellement, de personne à personne. Elle est peu prévisible à l’échelle  d’un dispositif car elle se construit dans l’interstice des procédures existantes dont la finalité affichée n’est pas l’accès aux soins. En conséquence, ses formes  d’expression sont souvent tributaires des représentations  que les individus se font des dispositifs dans lesquels ils évoluent. Par exemple, dans le cadre d’un programme de retour à l’emploi, les composantes personnelles ou familiales seront au moins dans un premier temps  hors-cadre  alors qu’elles arrivent souvent au premier plan dans les interactions.

Lorsque les énoncés contingents au cadre d’insertion ne peuvent être soumis à l’appréciation  de  thérapeutes, la souffrance n’est souvent envisagée que du point de vue  de ses causes, que celles-ci soient attribuées à une fragilité inhérente aux individus ou  lues comme une conséquence de politiques sociales défaillantes. Dans ces deux cas, l’incertitude sur la qualité proprement psychique et intersubjective de  la souffrance ne facilite pas  le processus d’émergence  d’une demande de soins. Parce que la souffrance présente  ne se conclue par aucune décision (de soins ou autres), l’avenir de la situation est perçu comme  imprévisible . Les intervenants se  disent alors paralysés dans leur pensée et leur action «une personne qui se laisse détruire, il n’y a pas que le côté financier. Il y a peut-être autre chose derrière. Moi, ça me gène parce que je me dis qu’il y a peut-être autre chose mais comme je ne connais pas, je ne vais pas m’aventurer. Quand les gens n’ont pas de demande ou que la demande est tellement flagrante, elle est physique, mais elle n’est pas formalisée par des mots ; on fait quoi?”
Dans cette situation, les professionnels de l’insertion  ne peuvent s’empêcher d’anticiper avec appréhension les conséquences futures sur la  santé mentale des personnes. L’in-décision  présente  actualise un risque pour le futur.  Même si la nature exacte de ce risque reste vague, les intervenants ne peuvent s’empêcher d’en mesurer les incidences. Ils déplorent l’absence d’informations, le peu de relais, l’impossibilité  de croiser les points de vue, la non-coordination  avec les équipes de soins, ou encore  l’aspect aléatoire de  l’offre psychiatrique. Mais surtout  ils pointent une corrélation  importante entre l’aspect contingent  du processus  d’élaboration  de la demande et le degré de coordination entre les acteurs de l’insertion et ceux de la santé mentale.

L’enjeu clinique consiste dès lors  à produire des cadres d’action  transitionnels ou  le «  pré-diagnostic » des tiers puisse  être discuté en confiance  avec les psys  sur les lieux même d’émergence de la souffrance psychique. Par exemple certaines Pré-CLI  invitent des assistantes sociales en psychiatrie, voir des psy, et fonctionnent déjà sur ce modèle.

Au niveau des principes, ce cadre à co-construire avec les usagers, les intervenants et les thérapeutes consiste à promouvoir un partenariat à demande réciproque afin de ne plus traiter la souffrance psychique selon une logique  de risque (celui de rater son insertion sociale et professionnelle pour l’usager et celui de se percevoir dépasser dans sa compétence pour l’intervenant) mais selon une logique  de prévention et de soins en partenariat.

Publications similaires

Rencontre avec une femme enceinte en situation de migration et de ruptures.

accompagnement - accès aux soins - exil - migration - errance - maternité

Ariadni SCHMITZ - Année de publication : 2014

Comprendre pour agir. La santé mentale dans les quartiers « politique de la ville »

accès aux soins - politique de la ville - conseil local de santé mentale (CLSM)

Clémence VIVANT - Année de publication : 2021

Quelle place donner aux animaux des patients en psychiatrie ?

animaux - accès aux soins - pouvoir d'agir - care - témoignage - psychiatrie publique