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Alternative à la prostitution par le droit au logement ou accès à l’intimité

Jean-Claude JOLLY - Directeur Amicale du Nid Rhône, Lyon

Année de publication : 2001

Type de ressources : Rhizome - Thématique : TRAVAIL SOCIAL, PUBLIC PRECAIRE

Télécharger l'article en PDFRhizome n°7 – Habiter (Décembre 2001)

Le cadre

Notre établissement est spécialisé  dans l’accueil de personnes concernées par la prostitution.

Il a mis en place, en juillet 1999, une action innovante, sélectionnée par la FNARS et la Direction Générale de l’Action Sociale (DGAS) pour son financement, qui permet à des femmes et à des hommes en situation d’exclusion d’avoir un logement personnel en sous-location (de droit commun) sans condition d’arrêt de leur activité prostitutionnelle.

Nous avons ainsi fait le pari que ces personnes pourraient envisager une insertion en qualité de citoyens à part entière.

La Loi du 29 juillet 98 nous permettait de promouvoir un accès au logement en amont des différents dispositifs de droit commun. Cette action complétait l’accueil des personnes en CHRS (Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale) arrêtant la prostitution dans une insertion plus « classique ».

Une assistante sociale très motivée a été chargée de la mise en place progressive du projet :

– Recherche de partenaires spécialisés dans le logement,

– Installation des logements avec du mobilier neuf et agréable,

– Accueil et suivi des sous-locataires,

– Contrats signés avec les sous-locataires incluant des rencontres et visites hebdomadaires. Une seule clause d’exclusion immédiate , en accord avec le Procureur de la République : la prostitution dans ce logement est interdite.

Notre équipe de Prévention qui connaît bien  les prostitué(e)s par le travail de rue est chargée de la sélection des candidat(e)s au logement tout en poursuivant un accompagnement social personnalisé.

Le projet de 12 logements a été atteint en 8 mois avec possibilité de « bail glissant » au nom des sous-locataires, après un à deux ans., avec conservation des meubles (financés par la Fondation de France, la Ville de Lyon et CAMIF Solidarité).

Le bilan, après deux ans

Sur 35 candidat(e)s à ce dispositif, 25 ont été logés, et 9 sont devenus autonomes.

50% des candidat(e)s ont cessé progressivement l’activité prostitutionnelle en élaborant un projet, et 25% se sont inscrits dans un parcours d’insertion par l’économique.

Une seule personne n’a pas tenu dans le dispositif.

L’action a été pérennisée grâce à la DDASS du Rhône. au Fonds Social au Logement (FSL), à la Ville de Lyon, et au Fonds social Européen (FSE) qui ont cofinancé cette action.

Les réflexions

Le logement espace de l’intime

Les femmes et les hommes volontaires dans ce dispositif étaient pour la plupart des sujets « désappropriés » de leur propre histoire.

Ils n’avaient jamais eu de logement personnel (hôtel, squat, foyers, errance, hébergements divers chez des tiers, camionnettes ou studios de prostitution…).

Avoir enfin un logement a permis la découverte d’une intimité devenue possible. En investissant leur habitat, ces personnes ont investi un « chez-soi » avec les possibilités et les difficultés que ce terme implique.

Les personnes logées se sont responsabilisées grâce au « contrat » passé avec elles.

Elles ont découvert entre autre un espace qui accueille et favorise une «bonne » solitude devenue ressourcement de soi au lieu d’être le « repliement antécédent ».

Le logement espace miroir

Lorsqu’ une femme ou un homme accepte notre contrat, nous sommes très présents, surtout dans les premiers temps, afin que ce domicile devienne le sien. Nous l’aidons à investir son logement qui va devenir un espace habité et le reflet de ce qu’elle est ou ce qu’elle aimerait être.

Une des premières choses importante placée dans ce logement c’est d’ailleurs un miroir.

Le logement, point d’ancrage

Les personnes arrivent au logement comme dans un port.

Elles étaient jusqu’ici ballottées à droite et à gauche, avec des problèmes multiples souvent graves, la violence de la rue, l’errance, le milieu prostitutionnel, la dureté de la solitude, le manque de revenus normaux. L’attache au port, c’est ce contrat passé avec le travailleur social devenu le garant du cap qui va être pris.

Mais cela ne se fait pas sans difficulté : combien de rendez-vous manqués, de démarches oubliées, de blocages devant les rigueurs administratives, de lettres non ouvertes, de peurs de s’engager et de faire un projet ?….

Le suivi social est donc indispensable et inscrit dans la durée. Un suivi chaleureux et professionnel, ni fusionnel, ni trop froid. Le travail d’équipe et l’analyse de la pratique sont alors nécessaires.

En conclusion, nous soutenons que ce projet est bien pertinent : l’accès à un logement de droit commun est un levier incontournable pour permettre à des femmes et à des hommes exclus d’avoir une place au sein de notre société.

Le bail glissant est un bon outil d’insertion car il favorise un accès au logement en deux temps et un investissement évolutif.

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