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Carnet de bord d’une maison médicale en Ecosse

Susan HENNESSY - Médecin généraliste, Lille

Année de publication : 2006

Type de ressources : Rhizome - Thématique : SCIENCES MEDICALES, Médecine

Télécharger l'article en PDFRhizome n°22 – La médecine générale à corps et à cris (Mars 2006)

L’institution : le National Health Service (NHS)

J’ai passé un an en Ecosse comme « registrar », équivalent d’un stage chez le praticien en France. Il s’agissait d’un poste salarié avec un maître de stage : 3 jours et demi de travail par semaine (½ journée de cours et topos avec le médecin, ½ journée de travail seule sur des projets, présentation etc., et ½ journée d’atelier avec d’autres « registrars »).

Un examen écrit terminait l’année avec un audit et 12 consultations filmées pour évaluer nos compétences. Les médecins là-bas gagnent, en travaillant 40 h par semaine, au moins 50% de plus que les généralistes français.

Le cabinet

• 4000 patients sur la liste.

• 4 médecins permanents et un autre à temps partiel. Pas de remplaçants, sauf pour des congés prolongés (maternité etc.) ; un tour de rôle est assuré pour les vacances.

•2 infirmières à temps plein

• 4 secrétaires

•1 « practice manager » : personne qui gère tout ce qui est administratif ; elle est présente dans les réunions, et assure le lien entre les personnels et les médecins.

•2 sites (un deuxième cabinet proche , surtout pour les personnes âgées à mobilité réduite).

•1 petite pharmacie sur place, un café (géré par des bénévoles), et une salle de conférence.

La structure elle-même peut énormément varier. Nôtre cabinet était rural, adapté aux besoins locaux et régionaux.

Depuis assez peu de temps, la permanence des soins la nuit est partagée avec les cabinets voisins. Le médecin peut être de garde une fois par mois ; c’est un choix qui donne un supplément de salaire. A côté, il y avait une équipe d’infirmières de ville qui travaillent parallèlement en utilisant nos lieux de travail comme base.

Un petit hôpital local où des généralistes, des chirurgiens généraux, et des spécialistes consultent une ou deux fois par semaine. Un service psychiatrique dans un hôpital à proximité, mais avec une équipe ambulatoire.

1 ou 2 psys avec 3 infirmiers psy consultent dans les 2 hôpitaux et visitent les cabinets pour des réunions multidisciplinaires sur les patients « difficiles ».

Les cas compliqués sont envoyés au centre spécialisé le plus proche. Dans notre cas, c’était Glascow, à 2 heures de route ; les AVC1 graves ou problèmes de maternité graves sont adressés par hélicoptère.

Le quotidien

2 séances de consultations par jour, et 10 minutes par patient.

Les dossiers sont informatisés mais le dossier papier existe (souvent c’est uniquement informatisé ailleurs). La plupart des patients sont reçus le jour même et au pire le lendemain, pratiquement toujours avec le médecin demandé. S’il n’y a plus de possibilité de rendez-vous, on donne un rendez-vous « d’urgence » de 5 minutes et on leur fait comprendre que la consultation va être brève.

Un tour de rôles est assuré entre les consultations pour les visites à domicile.

Nous avions plusieurs maisons de retraite y compris des maisons médicalisées.

Nos médecins étaient « les médecins » de ces maisons.

Les visites étaient regroupées et fonctionnaient comme à l’hôpital avec un tour des services.

Les dossiers papiers étaient utiles dans ces cas-là.

Il y avait des réunions entre médecins avec le practice manager au moins une fois par semaine et également une fois par semaine avec les infirmières du cabinet et de ville.

Une fois par mois le service psy nous rejoignait.

L’objectif de notre fonctionnement consistait à fournir un service holistique et un centre de la communauté, avec :

une coiffeuse sur place (ça n’était pas comme ça partout !) ; un petit café à côté de la salle d’attente géré par des bénévoles ; une petite bibliothèque médicale avec vidéos et livres à la disposition des patients ; une « newsletter » une fois par mois qui raconte les histoires locales et les mouvements du cabinet ; des projets pour trouver des fonds (par exemple pour une chaise roulante destinée à un enfant…). Egalement, un site internet sur le cabinet: http://www.taynuiltmedical.co.uk/.

Les différences qui existent avec le système français de médecine libérale sont nombreuses et souvent dues aux différences culturelles, politiques et économiques. A propos de la solidarité et de la précarité, je voudrais préciser :

• la visite chez le médecin est gratuite dans tous les cas,

• les médicaments sont gratuits pour ceux avec « exemption », les enfants, les personnes âgées, les maladies de longue durée.

• les gens prennent soin de leur voisin.

• le médecin se sent moins isolé puisqu’il travaille en équipe ;  même pour appeler les spécialistes, il y a toujours moyen. En France, je trouve que l’abysse qui existe entre  médecine générale et l’extérieur du cabinet est immense.

• la démarcation entre les acteurs de la santé et les bénévoles, les groupes pour s’entraider etc., est moins importante, ce qui donne lieu à une meilleure communication.

Par exemple une personne obèse peut profiter de séances à tarif réduit à la piscine avec un certificat du médecin ; ou bien des groupes « troisième âge » nous envoient leurs coordonnées.

Nous étions au courant des ressources et possibilités qui existaient autour de nous.

Malgré l’énorme budget consacré à la santé en France, les IRM et les spécialistes qui « poussent » partout, je me dis qu’il nous manque quelque chose.

Une personne a besoin d’être entourée par la société dans laquelle elle vit, d’avoir l’impression que, s’il lui arrive quelque chose de « mauvais », quelqu’un viendra volontairement à son secours. Sinon, même si « la mauvaise chose »  ne lui arrive jamais, elle meurt.

Notes de bas de page

1 AVC : accident vasculaire cérébral

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