Une question politique nouvelle et incontournable pour l’élu local
Les élus en charge de la santé sont sensibilisés à cette question, mais c’est l’ensemble des élus locaux qui devrait l’être, tant les interpellations sont d’origines diverses et fortement présentes dans notre quotidien.
De la plainte de voisinage, à l’incurie, à travers la lutte contre l’habitat indigne, avec les bailleurs sociaux, dans le domaine de l’action sociale et de l’urgence sociale ainsi que celui de la tranquillité publique et avec l’ensemble des associations partenaires de nos villes : chacun butte et exprime son impuissance.
Des situations qui s’expriment souvent à travers les plaintes de voisinage
On remarque à travers notre pratique la prégnance des troubles de voisinages dont voici quelques exemples issus de la centaine d’interpellations faites à la mairie de Grenoble ; ils associent trouble de voisinage et problèmes de santé mentale.
Mme A est une personne âgée qui terrorise ses voisins : bruit, insultes, bousculades ; les voisins déposent plainte pour harcèlement ; il n’y a pas de prise en charge.
Mme B pose aussi des problèmes de voisinage : dégradation des paries communes, insultes, dégâts des eaux ; elle est suivie par la psychiatrie de secteur.
Mme C est une personne très âgée qui harcèle sa famille par courrier et téléphone ; elle a déjà été hospitalisée sous contrainte ; elle est actuellement sans suivi social et médical.
M. D est signalé par sa famille pour repli, mutisme et isolement ; il était suivi par la psychiatrie mais ne se rend plus aux consultations.
Ces situations auxquelles les élus doivent faire face, sont le plus souvent des situations chroniques, anciennes liant plainte de voisinage, bruit, odeurs, menace d’expulsions, isolement familial, précarité importante et rupture de soins. Les élus sont également confrontés à des situations plus collectives avec les demandeurs d’asiles, les personnes sans domicile, les populations Rom, les squats ou de nombreuses personnes sont très éloignées du système de soins et le plus souvent sans droit ouvert.
De plus, les élus sont confrontés plus directement à la question des hospitalisations d’office.
En effet, à travers ses pouvoirs de police, l’élu local a aussi le pouvoir d’hospitaliser d’office. Cette lourde responsabilité se situe à la frontière entre la santé, la sécurité et la liberté individuelle. Les éléments de dangerosité avérés sont rares. La contrainte est utilisée pour palier à des ruptures de soins avec une défaillance du suivi des malades. Dans ce contexte, s’il n’a pas suffisamment de formation concernant cette expertise, l’élu local risque de participer à la banalisation de la contrainte, comme mode d’accès à la psychiatrie.
Renforcer l’action locale
Comment cadrer alors et consolider une intervention publique et locale pertinente tant l’Etat est absent au côté des collectivités locales dans son rôle de garant et pilote ? De même la psychiatrie, qui, faisant face à sa propre crise, interpelle rarement le politique localement comme acteur légitime et nécessaire ? Pourtant, l’action communale demeure un échelon d’intervention généraliste. C’est là que la proximité avec des situations individuelles de vie est la plus forte.
On note une forte mobilisation des villes sur cette question, en termes de diagnostic et de recherche de nouvelle forme de partenariats locaux.
On voit bien la difficulté de nommer la question (nouvelle hygiène ? Salubrité ? Santé mentale ?), et de dresser des priorités politiques tant l’éventail est large : difficulté des habitants à cohabiter, souffrance liée à la précarité, maladie mentale, accès aux soins, suivi des malades.
Aujourd’hui, l’action publique prend souvent la forme d’expérimentations locales. Ainsi à Grenoble l’action de la municipalité s’est significativement consolidée avec le renforcement des services de santé communal, la construction d’indicateurs locaux en matière de santé mentale, l’analyse des besoins sociaux, l’embauche de psychologues afin d’aller aux domiciles des personnes suite à des plaintes de voisinage, la formation des acteurs associatifs, les points écoute, les conseils locaux de santé mentale en construction…
Mais les propositions de réformes actuelles renforçant le rôle des élus dans le cadre de la prévention de la délinquance doivent être ainsi combattues car elles n’apportent pas les réponses à une problématique de santé : l’urgence étant de repenser la contrainte dans l’ensemble du parcours de soins des personnes malades.