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Les jeunes sont en bonne santé…mais certains plus que d’autres

Patricia MEDINA - Chargée d’études à l’Observatoire Régional de la Santé (ORS) Rhône-Alpes

Année de publication : 2010

Type de ressources : Rhizome - Thématique : Médecine, Psychiatrie, SCIENCES MEDICALES

Télécharger l'article en PDFRhizome n°38 – Pourquoi les adolescents inquiètent-ils les adultes ? (Avril 2010)

Les données statistiques montrent qu’aujourd’hui, en France, les « jeunes », c’est-à-dire globalement les « 15-24 ans », sont en bonne santé. Ils sont en meilleure santé que les moins de 15 ans (maladies infantiles), que les adultes et, cela va sans dire, que les personnes âgées. Enfin, c’est chez les jeunes que la mortalité est la plus faible et les pathologies les moins fréquentes. Les jeunes, eux-mêmes, déclarent dans les enquêtes avoir un bon ou très bon état de santé.

Ceci étant, la santé des 15-24 ans présente des spécificités. Les accidents de la route sont la première cause de mortalité chez les jeunes (près d’un décès sur deux), le suicide arrive en seconde position (mais reste bien moins élevé que chez les adultes et personnes âgées). Enfin, ils sont de plus en plus concernés par la consommation de substances psychoactives : tabac, alcool et cannabis, majoritairement.

Ce que l’on sait peut-être moins, c’est que les inégalités de santé liées au milieu social concernent également les jeunes. Les différentes études qualitatives réalisées par l’ORS Rhône-Alpes concernant les adolescents ou les jeunes en insertion, confirment que les jeunes « héritent » des difficultés socio-économiques de leurs parents, notamment en matière d’accès aux soins. Les jeunes issus de milieux précaires ont ainsi, notamment, des difficultés à financer, ou à faire financer par leurs parents, les soins de dentisterie, d’ophtalmologie et d’orthodontie, ce qui a un impact négatif sur leur qualité de vie, leur apparence physique, et par conséquent sur leur image d’eux-mêmes. Ces jeunes, comme leurs familles, sont confrontés à des arbitrages économiques quotidiens, défavorables aux consultations à visée préventive ou même curative et au suivi médical : la santé n’est pas la priorité. Enfin, au-delà de ces contraintes économiques, c’est au sein de la famille que les habitudes de « soin de soi » ou de « non soin », d’hygiène de vie, se transmettent : dans ce domaine également, la précarité sociale mais aussi psychologique des parents retentit sur les jeunes, qui vont plus ou moins s’approprier leur santé.

C’est par ailleurs autour de la souffrance psychique et des conduites à risques que se concentrent les problèmes de santé des jeunes. La précarité familiale, l’échec scolaire, le chômage, engendrent un fort mal-être : « déprime », anxiété, faible estime de soi, pessimisme quant à l’avenir, dysmorphophobie1, sont des thématiques récurrentes dans les entretiens avec les jeunes… Si certains ressentent et disent qu’ils « vont mal », qu’ils ont besoin de « parler », ils sont encore souvent réticents à l’idée de se confier à un « psy » : la peur du professionnel qui « ne dit rien » et la crainte d’être étiqueté comme « fou » sont récurrentes. Le mal-être se traduit parfois par des conduites à risques : chez les garçons ce sont surtout des consommations abusives d’alcool et de cannabis (ivresses, consommations chroniques), mais aussi la conduite automobile dangereuse… Chez les filles, les difficultés exprimées et les prises de risques ne sont pas tout à fait les mêmes : question du statut des filles dans la famille et dans le couple, craintes de la stérilité qui pousse à prendre des risques (tomber enceinte…), croyances optimistes et erronées sur les aides apportées aux mères célibataires, désir de reconnaissance sociale par la maternité, mais faible projet autour de l’enfant… Or, la parentalité ne va pas de soi, notamment dans un contexte de difficultés socio-économiques. Des différences sont également notables entre jeunes en difficultés d’insertion des zones urbaines et des zones rurales. Chez ces derniers, on observe parfois des pratiques à la fois « traditionnelles » et problématiques autour de l’alcool (initiation dans la famille, fêtes des conscrits, sociabilité familiale, etc…) mais aussi une « économie » spécifique des violences physiques : les rixes à la sortie des bals, des boîtes de nuit, entre bandes de villages voisins, sont une sorte de rituel pour certains. Enfin, les accidents de la route sont monnaie courante. En ville, les trafics, la petite délinquance (incivilités, deal, …) renvoient à la survie par l’économie « parallèle », mais aussi à un ressenti d’exclusion sociale et de stigmatisation.

Le fait d’être en apprentissage ou d’avoir un emploi n’est pas toujours une garantie en matière de santé : lorsque les revenus sont faibles, les conditions de travail mauvaises (règles de sécurité non respectées, pénibilité, contrats précaires…), le travail peut jouer négativement sur la santé (accidents, usure précoce des articulations, dépressivité,…).

Enfin, lorsque les relations sont conflictuelles avec les parents, lorsque le « portage » parental est faible ou inexistant, toutes les difficultés sont amplifiées : difficultés matérielles (notamment logement), affaiblissement des réseaux sociaux liés à la famille, désorientation par rapport au système de soins, difficultés à prendre « soin de soi », prises de risques accrues…

Au bilan, la précarité affective, cumulée à la précarité sociale et économique, est défavorable à une bonne insertion sociale et à un bon état de santé chez les jeunes aussi.

Notes de bas de page

1 NDLR : La dysmorphophobie est la crainte obsédante (à tort ou à raison) d’être laid ou malformé. C’est une maladie caractérisée par une préoccupation ou une obsession concernant un défaut dans l’apparence, fût-ce une imperfection légère réelle (taches de rousseur, grand nez, peau marbrée, rides, acné, cicatrices), voire imaginaire.

Bibliographie

Guitton E., Arnaud C., Godeau E., Navarro F., Grandjean H. Statut socio-économique, comportements de santé et santé des adolescents français : l’enquête Health Behaviour in School-aged Children (HBSC). Rev. Epidemiol. Santé Publique, 2005, 53, 383-392

Guignon N., Fonteneau L. La santé des adolescents scolarisés en classe de troisième en 2003-2004. Premiers résultats. DREES, Etudes et résultats, mai 2007, n° 573, 8p.

Choquet M., Com-Ruelle L., Le Guen N. et al. Les jeunes et l’alcool aujourd’hui. Principaux résultats. IREB, février 2008, 15p.

Aouba A., Pequignot F., Camelin L. et al. La mortalité par suicide en France en 2006. DREES, Etudes et résultats, septembre 2009, n° 702, 8p.

Danet S., Haury B., Fourcade A. L’état de santé de la population en France en 2008. Suivi des objectifs de la loi de santé publique. DREES, Etudes et résultats, décembre 2009, n° 711, 8p.

 

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