Les mesures sécuritaires ont une longue tradition en Allemagne. Les lois sécuritaires des nazis ne sont pas le début de ce genre des réactions sociales. Elles n’ont fait qu’élargir les mesures d’internement dans les foyers de travail réservés aux personnes dyssociales, sans travail, sans intégration sociale, voire alcooliques qui ont été introduites dans la pratique sociale allemande du XIXème siècle dans la poursuite des réflexions schréberiennes sur l’éducation à la droiture ; réflexions dans lesquelles la maladie était la conséquence du manque d’entraînement ou d’un manque de tenue morale.
Les lois de 1934 concernent les mesures de sécurité et de thérapie dans trois directions :
– L’internement en hôpital psychiatrique pour des malades mentaux criminels,
– L’internement dans une cure de désintoxication pour les criminels alcooliques,
– Et l’internement sécuritaire pour les délinquants ayant un penchant dyssocial et passés à l’acte.
Ces mesures avaient au premier plan des aspects sécuritaires. Au cours de la grande réforme du code pénal, dans les années 70, les idées de thérapie ont été mises en avant et ont marqué très clairement la pratique jusqu’aux réformes sécuritaires de 1998 et au delà. Ces réformes ont eu pour conséquence de transformer la question concernant le pronostic criminologique permettant de faire des sorties d’essai ou de libérer un malade.
De 1976 à 1998, la question à laquelle les soignants et les experts devaient répondre était : est-ce qu’on peut essayer que l’interné ne commette plus de délits hors de l’institution ?
Depuis 1998 la question s’est transformée dans le sens suivant : est-ce qu’on peut être certain que la personne en question ne commette plus de délits hors de l’institution ?
La première question imposait une réponse compatible avec le travail en psychiatrie sociale, tentant, avec des petits pas, de réinsérer la personne en question dans une vie socialement intégrée sans délits. Par contre, l’exigence d’une vie sans délits suppose une attitude qui exprime clairement le doute que la personne pense être réinsérée dans la société. Ceci représente un retour évident vers des mesures à orientation sécuritaire où l’aspect thérapeutique passe au second plan.
Cela a eu pour conséquence que le nombre des malades internés a presque quadruplé et que la durée de séjour moyen a doublée dans de nombreux hôpitaux.
Après des interventions de la Cour européenne, le parlement allemand a voté une nouvelle loi de thérapie et d’internement qui s’adresse à la population des délinquants habitués aux comportements criminels réitératifs, population visée par l’ancienne loi sécuritaire. Par rapport à cette loi, il faut faire remarquer deux problèmes :
En Allemagne, tous les délinquants, quand ils sont supposés souffrir d’une maladie mentale, voire d’un trouble de la personnalité, sont soumis à une expertise constatant d’une part s’il y a une maladie mentale, s’il y a un lien entre cette maladie mentale et le crime commis, et si d’autre part, au nom de cette maladie, il y a un danger de récidive criminelle. Si ces questions ont une réponse positive, la personne en question est internée à l’hôpital psychiatrique.
Il y a en Allemagne une tendance à ce que la psychiatrie ne s’occupe pas de certains malades. Il y a en particulier des personnes souffrant des troubles graves de la personnalité qui ne sont pas considérées comme suffisamment malades pour que ces règlements s’appliquent à elles. Justement, ces personnes ont des troubles psychiatriques considérés comme insuffisamment graves pour un traitement au lieu d’un emprisonnement, mais suffisamment graves pour être à la base d’une mesure sécuritaire post-carcérale dans laquelle, d’après la constatation de la Commission européenne des droits de l’homme, la thérapie est tout-à-fait secondaire. On est là dans une phase non thérapeutique de la psychiatrie.