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Aller au-delà de l’essoufflement du travail social

Rachel GIMBAUD

Année de publication : 2012

Type de ressources : Rhizome - Thématique : TRAVAIL SOCIAL

Télécharger l'article en PDFRhizome n°44 – Ambiguïté de l’accompagnement, précarité de la transmission (Juillet 2012)

D’une durée de deux à sept jours hors milieu urbain, les séjours de mobilisation permettent une coupure avec le quotidien. Chaque séjour se construit en collaboration avec les personnes accompagnées et les équipes de travail social de la structure en charge de leur accompagnement. Nous assurons la médiation et l’organisation entre les deux parties pour la construction et l’organisation des séjours.

Les séjours se déroulent en petits groupes de 12 personnes : 8 personnes accompagnées et 4 accompagnants-es. Ils invitent à la vie de groupe, à la découverte d’activités sportives en milieu naturel, à l’accès à la culture, au développement de la créativité, au partage des tâches de la vie quotidienne.

Les potentialités des personnes sont mobilisées par un travail de valorisation. La relation d’aide s’ouvre par la participation commune des accompagnants-es et des accompagnés-es aux activités et à la vie quotidienne. Des professionnels- les encadrent le séjour en fonction du thème central : artistes, encadrants(tes) d’activité de montagne, art-thérapeute. Chaque séjour est unique et adapté à la demande des personnes, avec leur participation active. Le projet se découpe en trois temps : la préparation avec les structures et les personnes accueillies en fonction des problématiques rencontrées, le séjour en lui-même et l’évaluation avec un bilan collectif et individuel.

Le projet est aujourd’hui sur une phase d’expérimentation avec quelques CHRS de Lyon et ses alentours.

Rappelons le contexte actuel de l’essoufflement de l’accompagnement social

Les équipes de travail social sont face à de nouvelles contraintes de prise en charge auxquelles elles doivent s’adapter : diminution des moyens financiers, pressions de résultats, tâches administratives, vulnérabilité des personnes accueillies et, par conséquent augmentation des temps de prise en charge. En Rhône-Alpes, la durée moyenne de séjour en centre d’hébergement en 20081 est de 179 jours contre 90 en 2006. Soit un temps de prise en charge deux fois plus long en l’espace de seulement deux ans.

Face à ces constats, les structures d’accompagnement social manquent de temps et de moyens pour simplement « se poser » avec la personne et se rencontrer, base de tout travail d’accompagnement. Comment rétablir un équilibre dans les pratiques sociales entre le collectif et l’individuel ? Comment adapter les modes d’accompagnement dans ce contexte politique ?

Le livre blanc de l’accompagnement social édité récemment par la FNARS précise : « L’accompagnement social repose sur un principe actif, sur la reconnaissance des capacités potentielles des personnes accompagnées et sur la mobilisation de leur capacité à agir2».

Le rapport de synthèse sur l’accompagnement social de la DGAS3 met en évidence l’importance d’une qualité « d’être » et notamment la qualité de présence pour « être vraiment là » : « C’est d’abord la qualité de la relation qu’il convient de revaloriser, et avant cela, la qualité de la présence. Qualité humaine plus que psychologique, l’art d’entrer en relation, voire simplement « d’être là », est fondamental pour les publics en difficulté, pour qui cette relation est déjà un effort ». Ce rapport officiel met en lumière la problématique du travail social et de l’accompagnement avec le risque d’instrumentaliser la pratique par des dispositifs de l’aide sociale au détriment d’une qualité de relation basée sur un « savoir être ».

Camille Bouvier, ancienne chef de service de l’accueil de jour du FNDSA4 à Lyon explique le bienfait de faire participer le public pour le rendre acteur : « le public est en recherche de reconnaissance, de se rendre utile, d’être reconnu comme personne. Cela est possible grâce à un cadre hors-professionnel, humanisant. Plus on sort de notre terrain professionnel, plus les personnes font un pas vers nous. On finit ainsi par se rencontrer ». Son témoignage met en évidence l’implication et la sincérité que demande la démarche d’accompagnement pour permettre une valorisation de la personne et une mobilisation de son parcours d’insertion.

Sortir de l’institution ?

Nous proposons de sortir des murs de l’institution pour générer du changement. L’institution serait-elle une limite à l’insertion ?

Les limites de l’institution dans le processus d’accompagnement

La rencontre avec les personnes se réduit de plus en plus à des entretiens individuels. L’espace-temps accordé aux actions collectives est réduit. L’individualisme réduit les lieux d’intervention sociale au bureau, logement éclaté, suppression des parties communes, restrictions budgétaires sur les actions collectives. L’animation des lieux de vie se réduit. Ils sont pourtant générateurs de changement, de solidarité et de lutte contre l’isolement. Lorsque l’accompagnement va mal, les murs de l’institution sont ressentis comme enfermants. Délocaliser la relation d’aide peut favoriser une prise de recul et impulser un changement, loin de cette ambiance quotidienne.

La place de l’institution dans ce séjour

Dans un contexte d’évaluation quantitative, l’institution est le premier décideur de la mise en place de projets innovants face à la logique de rationalisation des coûts.

Le constat du terrain s’accorde sur un essoufflement du travail social et une instrumentalisation des moyens d’intervention : formulaires, appels à projets, évaluations, nombre important de personnes accompagnées par référent-e.

Au final, la relation passe facilement à la trappe si on ne lutte pas contre cette tendance à l’instrumentalisation des dispositifs. Cela demande à l’équipe de travail social de garder une vigilance constante sur ses pratiques, un goût pour l’innovation, une capacité à faire confiance en la capacité des personnes à être acteur et force de propositions.

Notes de bas de page

1 COHPHRA, lettre à la DRASS, «Les foyers demandeurs d’hébergement en Rhône-Alpes : Bilan 2006- 2008 »

2 Le livre Blanc de l’accompagnement social, FNARS, les éditions de l’atelier, 2011, p21

3 DGAS Étude sur l’accompagnement social – Synthèse du 3/12/2003 par COPAS

4 Foyer Notre Dame des Sans Abris (Lyon)

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