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Le migrant précaire et le psychiatre en libéral. Des pratiques aux marges pour un public à la marge ?

Julia MAURY DE FERAUDY - Psychologue, Orspere-Samdarra, Lyon
Roman PETROUCHINE - Pédopsychiatre, Orspere-Samdarra, Lyon
Aymeric MONET - Psychologue, Orspere-Samdarra, Lyon

Année de publication : 2017

Type de ressources : Rhizome - Thématique : Psychiatrie, Psychologie, PUBLIC MIGRANT, SCIENCES HUMAINES, SCIENCES MEDICALES

Télécharger l'article en PDFCahiers de Rhizome n°63 – Cliniques et migrations (Mars 2017)

À une période où l’orientation des demandeurs d’asile, des migrants en situation de précarité (que l’on désignera ici « migrants précaires ») vers la psychiatrie publique, saturée, s’avère être (un exercice) de plus en plus difficile, les professionnels du domaine de l’asile, du champ de la précarité, ainsi que ceux de la psychiatrie publique, sont souvent démunis et en difficulté face à la complexité de ces prises en charge. Face à ces constats, le projet « Les psychiatres libéraux et les migrants précaires, construction d’une coordination en Rhône-Alpes », piloté par l’Orspere-Samdarra, voit le jour en 20161. Celui-ci vise à faciliter l’orientation du public migrant précaire vers les psychiatres libéraux lorsqu’une nécessité de soins psychiques est identifiée, et s’appuie sur la rencontre d’une cinquantaine de psychiatres libéraux de la région Auvergne-Rhône-Alpes. C’est à partir de notre implication au sein de ce projet, en tant que psychologues et psychiatre, que nous proposons ici une réflexion autour de la notion de « marge ».

Le « migrant précaire » : un public à la marge des institutions

La notion de marge nous est apparue comme étant pertinente au regard de la population des migrants précaires, qui débordent des dispositifs de l’action publique, et des psychiatres libéraux, qui ont choisi de s’y extraire. Le substantif « marge » vient du latin « margo, marginis » : le bord, la bordure. La marge peut renvoyer à cet espace blanc laissé autour d’un texte manuscrit ou imprimé. Elle évoque les lisières, les contours d’un lieu, l’extériorité, les transitions, les passages, parfois l’errance. Elle renvoie également à un écart que l’on se donne pour disposer d’un délai ou d’un espace : on parle d’une « marge d’erreur », une « marge de liberté ». La marge évoque en ce sens une distance nécessaire. Indissociable de l’idée de processus, cette notion renvoie également à une dynamique, une mobilité. Elle serait aussi liée à l’idée de manque. Pour que des refondations, des transformations soient possibles, il faut qu’il y ait de la vacuité. La notion de marge rencontre celle d’« espace transitionnel » (Winnicott, 1971) : elle est aussi le lieu de la rencontre, de la créativité et de l’inventivité pour le clinicien. Elle symboliserait alors un positionnement permettant l’écart à la norme, aux pratiques validées et objectivées, écart inhérent à la singularité des rencontres individuelles. Elle aurait ainsi un pouvoir de transgression, de subversion de l’espace de la normativité (qui est celui des catégories, des savoirs établis) et de l’universalité.

Le migrant serait aussi celui qui, en quittant son pays, aurait su dire « non » à ce que lui imposait une société donnée, un système, venant inscrire l’écart entre une contrainte imposée et ce qu’il s’autorise comme liberté, en tant que sujet. Qu’il ait migré pour dénoncer des pratiques politiques (victime de persécutions, de tortures…), pour fuir la guerre ou pour des raisons économiques, il viendrait signifier et révéler une faille, une brèche dans ce qui est institué, déjà là, mettant alors en danger, selon les termes d’Alain-Noël Henri (2013), « l’organisation symbolique, la trame de sens, qui constitue l’existence sociale des humains, et qui, de fait, les rend humains. »

Le migrant précaire, porteur d’une étrangeté, deviendrait pour la culture d’accueil une figure de l’inhumanité, puisqu’il incarnerait ce qui ne cesserait de ne jamais s’inscrire. Il est alors relégué dans les marges, aux frontières, aux lisières (du social, du culturel, du juridique, du psychisme), ni dedans, ni dehors. Pourtant, sa présence est indéniable et invincible.

Il incarne aussi l’étranger, celui qui nous habite, « la face cachée de notre identité » (Kristeva, 1988). À la fois l’ennemi, le semblable et le frère, il devient le « symptôme qui rend précisément le « nous » problématique »
(Kristeva, 1988, p. 9).

Ainsi, le migrant précaire, renverrait au paradoxe suivant : il constitue à la fois une figure radicale de l’altérité, de l’extériorité, de l’étrangeté, tout autant qu’une figure ambiguë de « mêmeté » et d’intériorité.

Il déstabilise donc l’institué, c’est-à-dire les cadres de pensée des dispositifs, l’espace de la norme, obligeant les organisations à entendre quelque chose au dehors. Ne s’agit-il pas alors pour les institutions de faire l’expérience de l’étrangeté ? Étrangeté que nous entendons comme « surgissement », « effraction », qui échappe et renvoie à la part de nous-même la plus étrangère et paradoxalement la plus intime, un sentiment d’inquiétante étrangeté.

L’institution hospitalière et le professionnel apparaissent en difficulté face au migrant. Il semble déborder l’établissement et ses cadres préétablis. Nicolas Chambon (2013) parle des migrants précaires comme « nouvelles figures du débordement ». Le migrant amène alors les professionnels à travailler en marge, à sortir des cadres, à s’extraire du centre, du connu, du normé. Dans la rencontre, les frontières deviennent floues, les professionnels semblent devoir prendre en charge des problèmes qui débordent le contenu de leur mission, l’hôpital se doit de repenser ses normes et ses dispositifs. L’absence aux rendez-vous et les retards répétés obligent à une certaine souplesse et malléabilité, la barrière de la langue nécessite de bousculer le cadre de l’entretien en pensant la place et le rôle de l’interprète, l’interculturalité de la rencontre confronte à l’altérité et induit une remise en question des savoirs. Les professionnels du champ de l’asile et de la précarité rencontrent le traumatisme, l’inhumain dans l’humain, la folie meurtrière du pays d’origine, auxquels s’ajoute la violence administrative du pays d’accueil.

Ces rencontres mettent donc en difficulté et quelque fois même en échec. Face aux migrants précaires, les professionnels font parfois évoluer les lignes institutionnelles, en introduisant un certain « bricolage » de la pratique pour lui donner un sens nouveau, en transgressant les normes et pratiques qui régissent l’établissement hospitalier. Ils débordent alors, et se positionnent ainsi dans les marges de leur pratique, dans cette zone de mobilité et de vacuité, de transformation et de création que représente l’« espace transitionnel ». Penser la marge et penser en marge supposerait donc un déplacement. Il s’agirait de sortir d’une zone de confort, d’emprunter des sentiers inconnus et de s’ouvrir à ce qui est étranger.

Les libéraux et l’institution de soins : des liaisons dangereuses ?

« Le corps médical est attaché à la pratique libérale de la médecine parce qu’elle seule permet que s’établissent entre le malade et le médecin ces liens de liberté et de confiance sans lesquels il ne saurait y avoir de thérapeutique valable. » (Hatzfeld, 1963)

Le libre choix, la liberté thérapeutique et de prescription, énumérés dans la Charte de la Médecine libérale de 1927 (Da Silvan et Gadreau, 2015), sont au fondement de l’identité de la médecine libérale française. Historiquement, la médecine libérale, fondée sur l’autorégulation des pratiques, fait référence à l’entente directe entre le malade et le médecin. Remise en question face au principe de solidarité nationale, la médecine libérale serait hostile à l’idée qu’un tiers s’immisce dans la relation de soin pour réguler les prix et les pratiques. Les dispositifs de l’action publique peuvent être perçus par les médecins libéraux comme ce tiers hostile à la relation thérapeutique. Récemment, la généralisation du tiers payant à l’ensemble des assurés sociaux, définie par la loi de modernisation du système de santé2, a suscité des réactions des syndicats de médecins libéraux3 qui exemplifient l’inquiétude associée à la perception de perte de liberté liée à l’intrusion d’un tiers, représenté par les mutuelles ou assurances privées soumises aux règles de la rentabilité.

Pour certains psychiatres en libéral que nous avons rencontrés, à l’origine du choix de l’exercice libéral il y a le désir de s’extraire du cadre normatif de l’établissement hospitalier. L’un d’entre eux évoque notamment le contrôle des pratiques à l’hôpital. Dans les dispositifs de l’action publique, le geste soignant serait fondé sur un ensemble de normes et de contraintes évaluables, nécessairement rentables et performantes. Or, il s’agit là d’une représentation du soin non partagée par de nombreux psychiatres en libéral interrogés, qui privilégient l’idée d’un soin fondé sur une éthique individuelle de la relation, potentiellement plus coûteux en temps, non quantifiable, dont les objectifs sont dans une redéfinition dynamique permanente, réflexive et critique. Ils n’acceptent pas l’idée d’un soin fondé sur l’hyperspécialisation, la codification, l’objectivation, la régulation et le contrôle des pratiques et des savoirs, le cloisonnement des rôles et des missions. Un psychiatre, exerçant à 50 % en CMP et 50 % en libéral, dit que le libéral représente pour lui le « lieu de la clinique ». Une clinique fondée sur l’intersubjectivité qui s’oppose à une pratique « gestionnaire » qui serait celle de la psychiatrie publique. Il s’agit de s’installer en libéral pour pouvoir « retrouver » une liberté d’exercice. À l’hôpital s’exercerait la tyrannie du « même » et du « quantitatif » qui ne laisserait plus de place au qualitatif, au singulier.

D’après eux, dans l’exercice libéral, ce n’est plus l’établissement de soin qui contrôle et maîtrise les pratiques, mais des règles moins contraignantes qui laissent plus de place au désir et à l’éthique dans la rencontre avec le patient. Il y a l’idée que la démarche du patient serait plus volontaire et liée à une demande de soin plus authentique qu’à l’hôpital. C’est en ce sens que certains psychiatres nous parlent de « rencontre directe » et de « vraie demande » dans le cadre libéral. Il serait question ici d’engagement personnel de par la marge de liberté et de manœuvre que le libéral peut offrir. Le patient viendrait rencontrer une personne, le psychiatre, dans un lieu singulier et privé, le cabinet, lieu de l’intime et de la « confidence »4. Le psychiatre en libéral exerce seul et isolé, sous sa propre responsabilité, son libre arbitre et est le seul à devoir assumer les conséquences de son activité.

Le singulier de la rencontre dans l’exercice libéral

Libérée des contraintes de l’établissement de soins, dans l’intime du cabinet privé, la relation engage directement les deux acteurs : le patient, porteur d’une demande, et le psychiatre disposé à l’accueillir. Le cabinet du psychiatre serait donc avant tout le lieu de la rencontre entre deux subjectivités.

Entrer dans le cabinet du psychiatre, dans ce lieu singulier, n’est-ce pas, déjà, entrer dans son intimité ? Le lieu parle de celui qui l’habite, il parle intimement de celui qui accueille la demande. Certains cabinets à l’atmosphère très chaleureuse se trouvent parfois dans le lieu de vie même du psychiatre. Il s’apparente à un lieu d’accueil, d’hébergement. Pour ces psychiatres, soigner, ne serait-ce pas accueillir ? Le cabinet du psychiatre pourrait ainsi devenir pour le migrant, dont l’hébergement est une question toujours précaire, un lieu d’ancrage et de stabilité, habité et habitable, accueillant et assurant une continuité au milieu du chaos, là où le migrant est toujours déplacé, ne cessant de ne jamais arriver.

Malgré la diversité des approches et référentiels théoriques (systémique, cognitiviste, psychanalytique, psychodynamique, biomédical, fonctionnaliste, phénoménologique…), il semblerait que face au sujet et à sa souffrance psychique, face à la complexité de la rencontre et celle du psychisme humain, le psychiatre doit sans cesse ajuster ses pratiques et ses référentiels à une situation singulière. Il s’agit pour lui de se débrouiller. Les modèles cliniques montrent alors leurs limites. Le hiatus entre théorie et clinique se vérifie à chaque patient. Ainsi, les psychiatres nous disent : « mes référentiels théoriques ? Je m’appuie de plus en plus sur moi. Mon outil est intuitif », ou encore : « mes référentiels c’est la clinique », « mes référentiels sont éclectiques », « j’ai une pratique humaniste », « tu soignes par ce que tu es et non par ce que tu sais », « la psychiatrie ? Ça m’intéresse moins que l’humain », « ce qui m’intéresse c’est la relation », « en psychiatrie, rien n’est objectivable ». L’inventivité viendrait en réponse à la singularité du cas.

Face à l’autre et à sa souffrance psychique, face à la complexité de l’humain, à son étrangeté peut-être, les catégories ne suffiraient plus : quelque chose échappe toujours. Toute relation de soin commence ainsi en éthique et non en technique. Nos rencontres nous renvoient en premier lieu à une pratique de la singularité, de l’expérience du cas, dans l’intimité du cabinet privé. Comme le souligne Michel Constantopoulos (2003), c’est donc bien la question du sujet singulier qui induit un flottement dans le savoir et amène peut-être à sortir des cadres, pour prendre la voie du souci de soi qui n’est pas sans danger pour celui qui s’y engage.

Le psychiatre en libéral et le migrant précaire : quelle rencontre possible ?

En avançant dans ce projet, nous avons été amenés à déconstruire nos représentations sur le rôle du psychiatre et sur l’exercice de la psychiatrie libérale. Il y a l’idée que la précarité, ici le « migrant précaire », serait l’affaire de l’institution hospitalière, du secteur public, et non du réseau de soin privé. Les psychiatres interrogés5 ont rencontré un vif intérêt à la réflexion critique théorico-clinique qui sous-tendait ce projet, à l’articulation des problématiques cliniques, politiques, sociétales, gestionnaires et éthiques6. Nous avons découvert des réseaux informels déjà constitués autour de la prise en charge des migrants par la psychiatrie libérale. De nombreux psychiatres revendiquent d’accueillir le tout-venant, et refusent de se positionner dans le sens de l’accueil d’un public « spécifique ». Ainsi, certains d’entre eux reçoivent des migrants précaires. Ils disent recevoir la « demande » et souhaitent ne pas accueillir spécifiquement les « migrants précaires » comme catégorie particulière.

Pour autant, les psychiatres en libéral sont soumis à un afflux de demandes qu’ils doivent filtrer. L’engorgement propre révélé de la filière libérale souligne un frein majeur à l’accès aux soins en santé mentale en libéral pour les migrants précaires.

Un autre frein serait lié à des questions cliniques, celles-ci inférant des difficultés organisationnelles. Le psychotraumatisme pourrait induire des troubles cognitifs, une désorganisation temporo-spatiale : confusion des rendez-vous (retards, absences) ou au contraire demandes de rencontre en urgence à un moment où le psychiatre n’est pas disponible. La dimension interculturelle pose la question cruciale de l‘interprétariat, dont l’accès est compliqué en libéral. La précarité administrative et juridique transforme la professionnalité des psychiatres, sollicités pour la réalisation de nombreux certificats, de nombreux liens interprofessionnels, ce qui remet en question la dimension intime de la consultation et qui s’avère potentiellement très chronophage pour le psychiatre déjà débordé.

Plusieurs modalités d’engagement dans cette coordination ont été évoquées afin de dépasser ces difficultés : permanences des psychiatres libéraux en centre d’hébergement, en Pass et en EMPP (permettant de bénéficier d’un étayage socio-éducatif), accueil au cabinet sous condition d’un réseau soutenant.

Nous découvrons aussi une diversité dans les attentes des professionnels du travail social et dans leurs représentations du rôle du psychiatre. Sont-ils en demande d’un médecin, d’un thérapeute, d’un prescripteur de médicaments, d’un délivreur de certificats, d’un médecin coordinateur d’une prise en charge globale, d’un superviseur dans leurs pratiques et leurs souffrances propres ? Cette diversité des attentes vient en écho à une diversité des pratiques du côté des psychiatres libéraux. Qui porte la demande, le travailleur social, le migrant ? De quelle demande s’agit-il ? Et quelles sont les attentes et représentations des migrants vis-à-vis du psychiatre ?

Conclusion : De ce qui naît dans les marges

Dans cette réflexion sur les enjeux d’une rencontre entre le migrant précaire et le psychiatre en libéral, nous avons interrogé ce qui peut naître dans les marges, permettant de pouvoir prendre en compte l’étrangeté, ce qui effracte, ce qui surprend et échappe à un discours plein, objectivable et démontrable. Il ne s’agirait alors plus de « normaliser », mais plutôt d’accueillir le singulier, la différence, de « faire avec », d’« inventer », de « bricoler ».

Si l’exercice libéral permet un écart à la norme ouvrant à la singularité des rencontres individuelles, elle confronte aussi le psychiatre à l’isolement dans sa pratique. Cet isolement lui est encore plus pénible lorsqu’il est confronté au traumatique, à ce point de réel auquel nous ramène celles et ceux qui ont été poussés hors du monde des vivants, victimes de la cruauté humaine. N’est-ce pas paradoxalement cette rencontre avec la pulsion de mort qui habite le psychisme du migrant précaire psychotraumatisé qui pousse l’ensemble des professionnels du travail social ou du soin à trouver de nouvelles modalités de pratiques et de liens, en marge des pratiques instituées, à essayer malgré tout d’être un peu plus vivant ensemble ? Ce public appelle à faire institution (symbolique et humanisante), nécessaire au lien qui a le pouvoir de soigner. Les réseaux informels ou formels constitués autour de la prise en charge des migrants précaires ne viennent-ils pas tenter de réparer, contenir, composer avec ce qui déborde ?

Nous formulons l’hypothèse suivante : pour que la rencontre entre un migrant précaire et un psychiatre en libéral prenne sens, il faut qu’elle s’inscrive dans une tension entre une marginalité et une dynamique instituante. Cette marginalité est ambiguë et se décline de plusieurs manières. Elle s’établit entre le psychiatre en libéral et le migrant précaire dans une relation spéculaire. Pour le premier elle est choisie, et pour le second elle est imposée et aliénante. Nous la reconnaissons comme nécessaire dans le processus de subjectivation.

Ce qui semble commun aux diverses modalités d’engagement des psychiatres libéraux auprès des migrants précaires, aux attentes et aux besoins suscités par ces prises en charge, serait la nécessité de réintroduire du tiers dans la rencontre, face à ce qui échappe. Cela nous apparaît très complexe. Quel tiers institutionnel est-il possible pour un psychiatre en libéral revendiquant une autorégulation de sa pratique, à distance des dispositifs de l’action publique ? Quel tiers institutionnel est-il possible pour un migrant précaire qui est mis à distance des dispositifs de l’action publique et dont le parcours signe souvent un désir de s’en protéger ? Comment instituer ce tiers en respectant une marge irréductible chez le migrant précaire comme chez le psychiatre en libéral ? Comment penser une forme de tiers qui ne soit pas trop aliénante mais quand même suffisante pour élaborer un travail de re-(co)-naissance, de subjectivation du migrant précaire dans sa rencontre avec le psychiatre en libéral ?

Notes de bas de page

1 Le projet de coordination des psychiatres libéraux, porté par l’Orspere-Samdarra, est soutenu par l’Agence Régionale de Santé Auvergne-Rhône-Alpes en 2016. Une équipe pluridisciplinaire a travaillé avec nous sur ce projet pendant un an : Gwen Le Goff (politiste), Nicolas Chambon (sociologue), Maelle Chiron (consultante sociologue) et Vincent Tremblay (consultant sociologue).

2 Irdes. (2016). Loi de modernisation du système de santé français. Repéré à www.irdes.fr/documentation/syntheses/loi-de-modernisation-du-systeme-de-sante-français.pdf
À partir du 1er juillet 2016, les professionnels de santé pourront proposer la dispense d’avance de frais aux femmes enceintes et aux personnes atteintes d’une Affection de Longue Durée (ALD) grâce à un dispositif modernisé et simplifié. Le tiers payant s’applique déjà à tous les bénéficiaires de la Couverture Maladie Universelle Complémentaire (CMU-C) et de l’Aide à la Complémentaire Santé (ACS). Désormais, les professionnels de santé pourront le proposer aux patients couverts à 100 % par l’Assurance maladie : 15 millions de Français sont concernés. Cette possibilité deviendra un droit pour chaque Français le 30 novembre 2017.

3 Mouvement pour la santé pour tous, Syndicat des médecins libéraux (SML) http://www.lesml.org/fr/157mouvement-pour-la-sante-de-tous.php
Lettre de l’AFPEP-SNPP : http://afpep-snpp.org/journee-de-greve-le-13-novembre-2015/
Sites consultés le 20 janvier 2017.

4 Nous reprenons ici le terme employé par un psychiatre.

5 Au 20 janvier 2017, nous avions rencontré 53 psychiatres libéraux et réalisé 14 entretiens téléphoniques.

6 Nous précisons toutefois que nous nous appuyons ici uniquement sur les psychiatres ayant répondu à nos sollicitations (courrier, appel téléphonique individualisé et systématique), soit environ 10,6 % des psychiatres référencés en région Auvergne-Rhône-Alpes.

Bibliographie

Chambon, N. (2013). Le migrant précaire comme nouvelle figure du débordement. Rhizome, (48), 5-6.

Constantopoulos, M. (2003). Le souci de soi de Michel Foucault ou comment faire de sa vie une œuvre. Che vuoi ? 1(19), 203-217.

Da Silva, N. et Gadreau, M. (2015). La médecine libérale en France. Revue de la régulation, (17), 1er semestre/spring.

Hatzfeld, H. (1963). Le grand tournant de la médecine libérale. Paris : Les éditions ouvrières.

Henri, A-N. (2013). Le migrant précaire comme objet mésinscrit. Rhizome, (48), 3-4.

Kristeva, J. (1988). Étrangers à nous-mêmes. Fayard.

Winnicott, D.W. (1971). Jeu et Réalité. Éditions Gallimard.

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