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Travailler quand on est détenu : un support pour mieux vivre la détention ?

Fabrice GUILBAUD - Maître de conférences en sociologie, Membre du CURAPP, CNRS et Université de Picardie Jules Verne, Amiens

Année de publication : 2018

Type de ressources : Rhizome - Thématique : SCIENCES HUMAINES, Sociologie

Télécharger l'article en PDFCahiers de Rhizome n°67 – Supporter le travail ? (Avril 2018)

Pour un·e sociologue du travail et des institutions, l’idée d’un travail insupportable prise dans un sens général pourrait d’abord l’orienter vers une critique ou une remise en cause de la place du travail dans nos sociétés et éventuellement de la centralité que celui-ci semble revêtir dans la vie de toutes sortes de travailleurs et de travailleuses, ou de celles et ceux qui en sont privés.ées involontairement.

Supporter le travail ? Poser la question semble supposer qu’il est plus ou moins supportable ou insupportable de travailler, ce qui oriente alors vers la mesure et l’analyse de ce qui est supporté par les individus dans l’expérience du travail et renvoie vers les questions des conditions de travail et d’emploi, de pénibilité et de satisfaction ou de bonheur dans le travail (Baudelot et Gollac 2001).

La critique du travail d’une part, et, d’autre part, la mesure et l’analyse de ce qui est supporté par les individus dans l’expérience du travail ne sont pas antinomiques : ces deux aspects peuvent fort bien se conjuguer et dessiner une remise en cause de l’organisation du travail en vue de son amélioration et de l’épanouissement ou du mieux-être des personnes – c’est la démarche adoptée par Yves Clot et Michel Gollac (2014). Ces deux auteurs n’oublient bien sûr pas de rappeler qu’une telle démarche est possible dans un cadre qui permet une expression démocratique régulière.

La prison, contexte d’exercice de travail pour un peu plus d’une personne détenue sur trois en France1, présente un tout autre cadre : plutôt un envers de la démocratie en matière de libertés, plutôt un reflet déformé en matière de condition juridique au travail. Comment les travailleurs et travailleuses détenus2 supportent le travail et les conditions de travail et d’emploi qui leurs sont proposées ? J’y répondrai d’abord dans l’optique d’un consentement à la production (Burawoy, 1979), pour expliquer ensuite le processus ambivalent d’adhésion au travail produit par l’expérience sociale de l’incarcération et de son système de privations (Sykes, 1958) : dans un contexte insupportable, ou difficilement supportable, comme l’est celui de la privation de liberté, comment le travail devient-il une ressource sociale ?

Conditions de travail au rabais, extrême flexibilité de l’emploi et bas salaires

Le droit du travail ne s’applique pas au travail des personnes détenues, celui-ci est entièrement régi par le droit pénal. Or, le Code de procédure pénale exclut toute possibilité de contractualisation entre un détenu et un employeur. Il interdit aussi toute forme de représentation et d’expression collective auprès des employeurs ou de l’administration pénitentiaire. Le SMIC ne s’applique pas et les rémunérations s’élèvent en moyenne à 254 euros par mois pour un emploi au service général (qui rassemble un peu plus de 40% des emplois dédiés à l’entretien et à la vie interne de la prison), 408 euros pour un emploi en atelier de concession de main-d’œuvre (environ 35% des emplois), 532 euros pour un emploi dans un atelier de la Régie industrielle des établissements pénitentiaires (environ 5%) et 2,26 euros l’heure pour la formation professionnelle (les chiffres clés de l’administration pénitentiaire, 2014)3.

Globalement, le travail est une denrée rare : il concerne une personne détenue sur trois en Maison d’Arrêt, plutôt une sur deux, voire deux sur trois, dans les établissements pour peine, comme les Centres de détention ou les Maisons centrales.

Néanmoins, on peut tout à fait considérer l’activité de travail qu’exercent librement les personnes détenues comme du travail salarié parce qu’il n’est pas forcé (rappelons que le travail obligatoire pour les condamnés a été supprimé en 1987) et parce qu’il est effectué en échange d’une rémunération. Un formalisme juridique singeant le droit commun (Guilbaud, 2012) a d’ailleurs introduit l’usage d’un « acte d’engagement », ersatz de contrat de travail signé par la personne détenue ; il a également remis au goût du jour l’application d’un salaire minimum pénitentiaire à travers le seuil minimum de rémunération (SMR). L’application de ce dernier reste régulièrement minée par l’usage du salaire à la pièce  (Guilbaud, 2015) et de ses cadences infernales, souvent dénoncées par les hommes et les femmes travaillant dans les ateliers dans lesquels j’ai pu enquêter longuement4.

Il s’agit par ailleurs de mettre des personnes détenues au travail afin qu’elles produisent des biens ou des services pour autrui (pour le « marché », ou pour un usage collectif interne) : c’est ainsi les constituer en une main-d’œuvre commandée par et dans des entités organisationnelles (entreprise concessionnaire, entreprise gestionnaire de prisons, administration pénitentiaire, régie industrielle de l’emploi pénitentiaire), une main-d’œuvre subordonnée – il ne s’agit donc pas de travail indépendant. La présence de cotisations sociales, éléments de protection sociale associés au salaire, peut être considérée comme un marqueur d’appartenance au salariat contemporain (Friot, 1997). La condition sociale et juridique des travailleurs et travailleuses détenus est réglée par un droit qui considère que la qualité de personne détenue interdit que cette dernière puisse être, en matière de travail, sujet de droit, c’est-à-dire un sujet contractant, partie d’un contrat de travail classique. Par ailleurs, en cas de contestation individuelle ou collective, la sanction tombe vite : on est privé de travail quelque temps (« déclassé » au moins) et éventuellement puni d’une sanction disciplinaire (Guilbaud, 2012).

Enfin, compte-tenu du fait que la très grande majorité5 des travaux proposés consiste en du travail manuel simple (collage, triage, conditionnement divers, pe­tite transformation, montage, assemblage d’éléments) que nombre de personnes détenues rencontrées sur mes terrains d’enquête qualifient de « pénible », « nul », « abrutissant », on peut se demander pourquoi les hommes et les femmes détenus expriment néanmoins fortement le souhait de travailler ? Comment se fait-il qu’ils et elles « supportent » ces conditions ? On procédera à une réponse en deux temps et à deux niveaux : le collectif et l’individuel.

Un espace professionnel pacificateur

Il ressort de mes diverses enquêtes que le cadre du travail productif en atelier pénitentiaire engendre de la coopération : d’une part, entre les surveillants.es et les détenus.es, d’autre part entre les différentes catégories de détenus.es dans l’échelle des crimes6. Ces coopérations sont produites dans et par un processus de production, conformément à ce qu’avait repéré Michael Burawoy dans « Manuctu­ring consent » (1979), qui, ici, prend place dans le « dispositif guerrier » caractérisé par son « despotisme ordinaire » qu’est la prison (Chauvenet, 2006).
L’atelier est ainsi le lieu d’une reconnaissance réciproque du statut de travailleur entre personnes détenues, comme en témoigne l’extrait d’entretien suivant :

« J’aime bien l’ambiance, on a des pauses, on prend un café, on fume une cigarette. En fait, je vois des collègues de boulot tous les jours. Ici (à l’atelier), il faut pas se considérer comme détenus tandis que si on se considère comme des collègues de boulot, c’est bien. Sinon, ça serait pas la même (i.e. ça serait une autre ambiance). » Condamné à trois ans pour infractions sur les stupéfiants, 28 ans et incarcéré depuis 6 mois, troi­sième incarcération.

En maison centrale où, a priori, le classement hiérarchique entre hommes détenus selon une échelle de valeurs carcérales joue le plus, l’un d’eux m’a également dit :

« Il y a des mésententes, des discordes oui ça arrive, mais c’est très dif­férent. Là (au travail) on n’ est pas vraiment codétenus, on est des collè­gues de travail, et chacun est responsable de sa prestation, il doit l’assu­mer. Il y en a qu’on voit pas en dehors sauf parfois comme ça autour du téléphone. Et chacun a ses relations avec les autres aussi. » Condamné à perpétuité pour meurtres, 46 ans et incarcéré depuis 20 ans.

Les discordes éventuelles portent, semble-t-il, davantage sur le travail que sur autre chose : ce détenu m’a ensuite donné comme exemple un de ses « collè­gues » qui cherchait à acquérir les faveurs de l’encadrement pour obtenir un nouvel outil de travail.

Dans l’espace professionnel de l’atelier, les détenus.es et les surveillants.es coo­pèrent et ne s’opposent que très rarement sur des bases qui seraient liées aux intérêts rivaux des deux groupes. Évoquant les deux surveillants de son atelier de petit conditionnement d’éléments de plomberie ou visserie, un travailleur détenu dit : « Ils sont gueulards mais franchement ça va ! Dès que vous travaillez, vous les connaissez mieux et ça va mieux, ils sont réglos quoi ! » 22 ans, deuxième incarcération, détenu depuis deux ans en Maison d’arrêt.
Opposés à l’extérieur de l’espace productif, les deux groupes acceptent de sacrifier leurs intérêts antagoniques le temps du travail. Et du point de vue du groupe des détenus·es, les uns.es et les autres se soumettent à ce qui apparaît comme un enjeu supérieur : celui de la division du travail. Celle-ci est organisée par des tiers, les contremaîtres, qui initient des pratiques et usent de catégories professionnelles dans leurs relations avec les travailleurs.euses détenus.es, pour atteindre des ob­jectifs économiques et productifs (« sortir la production »). Situés aux confluents de l’antagonisme structurel de la prison, les contremaîtres incarnent le monde du tra­vail et en sont les passeurs à travers leur fonction d’organisateurs de la production. Si les rapports entre détenus.es et entre surveillants.es et détenus.es sont modifiés le temps du travail, on peut penser qu’au long cours les relations en détention le sont également probablement. Aujourd’hui, dans les prisons françaises, il paraît peu vraisemblable de concevoir l’exercice d’une activité de travail comme un pur produit d’une sous-culture carcérale mais il est impossible de réfuter absolument l’existence de certains aspects d’une telle sous-culture par ailleurs. Le principe de cloisonnement invite en effet à la prudence tant « chaque lieu d’activité constitue une prison dans la prison. De certains lieux les détenus.es ne connaîtront jamais l’existence. De ce cloisonnement résulte une multitude de mondes sociaux dis­tincts, presque étanches les uns par rapport aux autres (Chauvenet, Rostaing et Orlic, 2008, p. 5-6). »

Qu’est-ce que travailler fait à la vie d’une personne détenue ?

Le fait d’occuper un emploi n’est pas qu’un moyen de « faire son temps ». Des raisons plus profondes sont liées au passé des personnes détenues, parfois à leur attachement au travail tout au long de leur vie et à leur volonté de vivre au plus près de la condition (passée et à venir) de personnes en liberté. Ce condamné en centre de détention insiste sur la permanence de son activité ; libre ou enfermé, c’est un homo faber :

« Moi, le boulot, c’est pas parce que je suis en prison, j’ai toujours fait quelque chose, tout le temps, j’ai toujours travaillé. Et j’ai toujours ap­pris : j’ai fait une maison, je savais pas le faire, après je l’ai agrandie, j’ai fait un garage, une salle-de-bains, des toilettes en plus, un cellier, j’ai fait la toiture, j’ai fait mes petits plans, j’ai tout refait, c’était une ruine. (…) Même en prison, j’ai toujours travaillé, sauf pendant cinq mois – j’étais en transfert dans une maison d’arrêt. Je suis comme ça : faut toujours que je fasse des choses. » Condamné à 18 ans pour viol, 38 ans, douzième année de détention, première incarcération.

Les détenus.es incarcérés.ées en établissements pour peines (les Centres de dé­tention et les Maisons centrales) ont des emplois du temps beaucoup plus réglés et remplis. Les populations de ces prisons se distinguent de celles des maisons d’arrêt7. Plus âgés, les détenus ont également des passés professionnels plus importants. En entrant dans ce type de prison, ils ont souvent déjà vécu plusieurs années de détention, mais certains, du fait du peu d’offres de travail ou de cer­taines interdictions fixées par le juge d’application des peines8, n’ont pas eu accès aux ateliers en maisons d’arrêt. En général, l’accès au travail se fait plus facilement dans les établissements pour peines. Ce qui émerge des entretiens pour des déte­nus qui sont davantage « installés » dans la peine, c’est que le travail donne du sens au temps pénitentiaire ; on entend plus souvent parler, dans ce type de prison, d’utilité sociale et de valorisation de soi :

« Au travail, on s’investit, ça ouvre des perspectives. C’est extrêmement important de nous confier des responsabilités, ça prouve de la reconnais­sance, on devient plus crédible. » Condamné à vingt ans pour meurtre, 35 ans, treizième année de détention.

Un autre condamné, en maison centrale, vivant depuis treize ans en prison, incar­céré peu après ses vingt ans, précise qu’il avait commencé à travailler à l’âge de quatorze ans et qu’il ne s’était jamais arrêté sauf à l’occasion de sa première année d’incarcération en maison d’arrêt. Pour lui, le travail est « une raison de vivre » et « une façon d’être utile » :

« Je peux pas rester sans travail, c’est pas possible, ça me détruirait. Quelles que soient les tâches qu’on me demande, je les fais. On dit, il est docile ou je sais pas quoi, mais non ! Moi j’aime bien ça et c’est ma façon d’être utile. Il me faut une raison de vivre, sans objectif je peux pas. » Condamné à perpétuité, 34 ans, treizième année de détention, pre­mière incarcération.

L’exercice d’une activité de travail rémunéré, surtout si elle est régulière, opère un découpage du temps bien différent qu’en son absence et s’avère très structurant dans la vie des personnes incarcérées. Pour ceux et celles qui vivent et travaillent sur le même lieu, « vie de travail » et « vie privée » ne se confondent pas en un même temps. La perméabilité de la prison à la société environnante se manifeste notamment dans la permanence de la norme du travail dans la vie recluse, à travers une caractéristique essentielle du travail salarié : le rapport au temps clivé du tra­vail et du loisir. Ce rapport semble la ressource la plus décisive : elle rend possible la permanence d’un statut et permet ainsi aux détenus.es de mieux faire face au temps de la peine. Ainsi, continuer à travailler en prison, lorsqu’on est détenu.e, c’est certes se soumettre à une surexploitation, mais c’est aussi introduire dans son existence la possibilité de se considérer et d’être considéré.ée en dehors des statuts octroyés de délinquant et de criminel. La norme du travail « vient » avec ses contraintes et ses injonctions morales vers des détenus.es qui s’affirment comme individus dans l’action du travail. En effet ils et elles mobilisent un répertoire d’actions tout à fait typique de ceux qui sont observés dans le monde salarié libre, notamment au sein du monde ouvrier.

Globalement, le rapport au travail des détenus.es est extrêmement ambivalent, et en cela proche de celui des ouvriers spécialisés (Linhart, 1981), parce qu’il est fondé sur une aversion généralisée pour le travail (pour ces « tâches » relevant du « sale boulot ») qui s’accompagne d’un attachement fort au travail (parce qu’il permet de mieux vivre tous les jours, pour le statut social d’actif, les relations sociales dans l’atelier et au dehors). Les détenus.es sont conscients. es de l’exploitation salariale, de l’absence de droits sociaux et de la dévalorisa­tion sociale des travaux qu’ils et elles exécutent. Les différences qui existent envers les salariés du monde libre sont généralement bien objectivées par les personnes détenues, puisqu’elles-mêmes en étaient, à quelques exceptions près9, avant leur incarcération. Cette conscience ne provoque pas un retrait qui pourrait se traduire par un refus du travail ; au contraire les détenus.es sont très liés.ées à leur travail. Les sources de ce lien fort se trouvent dans un besoin de s’extraire du temps et de la promiscuité de la cellule, ainsi que dans une volonté d’échapper à la dépendance à l’égard de l’extérieur en gagnant son propre salaire afin de consommer et parfois de donner aux proches.

À travers leurs pratiques collectives dans l’espace de l’atelier et le rapport entretenu avec leur travail, les travailleurs.euses détenus.es affirment l’irréduc­tibilité de leur individualité, se posent comme sujets et, in fine, défendent leur li­berté et leur intégrité. Ces résultats révèlent, en creux, ce que constitue l’incar­cération : une expérience sociale extrême où règne un ordre disciplinaire plus oppressant que celui qui a cours dans l’espace de l’atelier. La prison organise la privation généralisée et la mutilation d’un temps de vie au cours duquel le travail vient s’imposer comme une ressource, un « travail à soi », comme l’avait formulé Philippe Bernoux (1981), fait d’appropriations concrètes et parfois collectives (pratiques de freinage – ralentissement de la production ; aména­gement d’espaces de pauses ; arrêt du travail) et d’appropriations subjectives multiples. Travailler offre aux détenus.es un cadre occupationnel en dehors de la cellule où l’expression et la possibilité d’appropriations (Guilbaud, 2008) et de contestations (Guilbaud, 2012), quoiqu’il en coûte parfois, devient possible.

Notes de bas de page

1 Soit environ 24  000 sur 67 000 personnes détenues et écrouées. La population dite sous écrou, sous la responsabilité et la surveillance de l’administration pénitentiaire, est augmentée d’environ 11 000 personnes placées sous bracelet électronique.

2 Ce bref article est d’abord fondé sur des résultats d’enquêtes menées dans des prisons pour hommes, à de nombreux égards ce que j’écris à leur sujet est vrai aussi pour les femmes détenues auprès de qui une enquête de terrain a également été conduite (Guilbaud, 2011).

3 Pour schématiser on peut préciser que les ateliers pénitentiaires relèvent majoritairement de petites industries de main d’œuvre dans lesquels l‘outillage est faible. On trouve des ateliers mécanisés ou semi-mécanisés dans les prisons pour longue peine organisés par la Régie industrielle ou par les entreprises  privées (souvent des TPE/PME) à qui la main d’œuvre détenue est concédée par l’Administration pénitentiaire.

4 Les enquêtes de terrain ont été menées dans cinq prisons pour hommes entre 2004 et 2006 et deux prisons pour femmes en 2009 et 2010 (financées par le GIP Mission de Recherche Droit et Justice), sélectionnées notamment selon les critères de durée des peines et le niveau de sécurité : trois maisons d’arrêt (MA), ce type de prison concerne des personnes prévenues (en attente de jugement) ou condamnées à moins d’un an ou reliquat de peine équivalent ; trois centres de détention (CD) et une maison centrale (MC) qui rassemblent des condamnés à des peines plus longues. On affecte dans les MC ceux qui sont évalués comme plus « dangereux »   les CD, axés sur la « resocialisation », offrent davantage d’activités et fonctionnent sous le régime des « portes ouvertes » (cellules ouvertes la journée et fermées la nuit). Le recueil des données combine observations d’ateliers (sept à douze semaines par prison), recueil documentaire (rapports d’activité, règlements d’ateliers, notes de service, contrats de concession, relevés des salaires) et entretiens : une vingtaine par prison auprès de détenu.e.s soit 137 entretiens et 65 auprès de membres de l’AP, des personnels privés et publics d’encadrement des ateliers.

5 Ce qui doit être tempéré par l’existence de travaux qualifiés et qualifiants en différents métiers de l’imprimerie, de la métallerie, du bois, de la couture.

6 On renvoie ici à l’échelle des crimes et des délits du point de vue des personnes détenues. Beaucoup de travaux de sociologie des prisons aux États-Unis se sont intéressés à cette question et aux thèmes qui tournent autour du concept de sous-culture pénitentiaire. On pense ici aux travaux pionniers de David Clemmer (1940 [1958]) et à son concept de prizonisation. En France, une ethnologue (Le Caisne, 2000, p. 95-116), dans une perspective qui prend en compte les cadres moraux des détenus, a montré que les détenus se distribuent sur une échelle allant du  « politique » au « pointeur », en haut de l’échelle, les détenus politiques, les  « braqueurs », les    « escrocs », en bas (dans l’ordre), les « stups », les « proxénètes » et les « pointeurs » (incarcérés pour crimes et délits sexuels).

7 Tant au niveau de l’âge moyen, que des durées d’incarcération.

8 Interdiction de communiquer (en cas d’affaires criminelles impliquant plusieurs individus) ou à une mesure d’isolement (cas de détenus.es incarcérés.ées suite à des faits médiatisés dont la sécurité pourrait ne pas être assurée). L’isolement peut aussi être demandé par les détenus.es.

9 Une enquête menée par l’Insee en 2001 sur les hommes détenus mesurait une proportion de 15% qui n’avaient jamais travaillé (Insee. (2002). L’Histoire familiale des hommes détenus. Synthèses, n°59).

Bibliographie

Baudelot, C. et Gollac, M. (2003). Travailler pour être heureux ? Le bonheur et le travail en France. Paris : Fayard.

Bernoux, P. (1981). Un travail à soi. Toulouse : Privat.

Burawoy, M. (1979). Manufacturing consent : Changes in the Labor Process Under Monopoly Capitalism. Chicago : University of Chicago Press.

Clot, Y. et Gollac, M. (2014). Le Travail peut-il devenir supportable ?. Paris : Armand Colin.

Clemmer, D. (1940). The Prison Community. New-York : Holt Rinehart and Winston.

Chauvenet, A. (2006). Privation de liberté et violence : le despotisme ordinaire en prison. Déviance et société, 30(3), 373-388.

Chauvenet, A., Rostaing, C. et Orlic, F. (2008). La Violence carcérale en question. Paris : PUF.

Friot, B. (1998). Puissances du salariat. Paris : La Dispute

Goffman, E. (1961). Asiles  (traduction par L. Lainé, 1968). Paris : Éditions de Minuit.

Guilbaud, F. (2008). Le travail pénitentiaire : sens et articulation des temps vécus des travailleurs incarcérés. Revue française de sociologie, 49(4), 763-791.

Guilbaud, F. (2011). Femmes détenues au travail. Rapport pour la Mission de recherche droit et justice. Paris : Cresppa-CSU.

Guilbaud, F. (2012). Contester et subir : formes et fondements de la critique sociale des travailleurs détenus. Sociétés contemporaines, n°87, 99-121.

Guilbaud, F. (2015). La question salariale des travailleurs détenus, un défi sociologique pour l’imagination juridique. Dans  P. Auvergnon (dir.), Droit du travail en prison : du déni à une reconnaissance ?. Bordeaux : Presses Universitaires de Bordeaux, 51-70.

Linhart, D. (1981). L’Appel de la sirène. Paris : Le Sycomore.

Sykes, G. (1999, 1958). The Society of Captives. Princeton New jersey :  Princeton University Press.

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