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Edito

Christian LAVAL

Année de publication : 2015

Type de ressources : Rhizome - Thématique : SANTE MENTALE, SCIENCES HUMAINES, Sociologie

Télécharger l'article en PDFRhizome n°58 – La participation des usagers en santé mentale (Novembre 2015)

Une récente recherche-action de l’Orspere-Samdarra sur la participation des usagers au sein du conseil local de santé mentale de la ville de Marseille (Cosm) est le déclencheur et le dynamiseur de ce numéro. Cette recherche pointe à la fois l’actualité du thème et un embarras diffus à le concrétiser sur le terrain. Ces deux éléments sont récurrents dans de nombreux articles de ce numéro. De fait, l’importance des enjeux sous tendant l’actualité de la participation des usagers en santé mentale, rend nécessaire une mise en perspective historique et culturelle.

Perspective historique

En leur temps, des psychiatres/militants, ont émis des critiques bien connues aujourd’hui sur la dérive asilaire de l’institution psychiatrique. Ils ont ainsi creusé une première brèche ouvrant sur l’invention d’alternatives. Chacun connaît cette séquence. Retenons ici deux éléments :

  • La critique professionnelle visait une institution maltraitante et proposait d’en changer (psychothérapie institutionnelle, désinstitutionalisation). Elle dénonçait aussi des dysfonctionnements sociaux dits de domination, d’aliénation ou encore d’exploitation. Le vocabulaire de la participation était absent de cette grammaire politique.
  • Cet espace critique émanant du monde professionnel laissait, de fait, peu de place à la parole directe des patients dans l’espace public. À cette époque, leur parole était peu audible.

Perspective culturelle

À la fin du siècle dernier, apparaît une seconde séquence. La psychiatrie française commence à s’ouvrir à une culture plus collaborative issue du mouvement des usagers nord-américains. Certes, le mouvement des « expsychiatrisés et survivants de la psychiatrie », issu des droits civiques américains, s’est constitué sur une dénonciation de la maltraitance institutionnelle (en miroir avec la critique des professionnels). Cependant, le concept qui a permis de transformer la critique en action est celui de la participation. Depuis lors, les questions des limites et de la nécessaire complémentarité des professions intervenant dans le champ de la santé mentale posent la coopération avec les usagers comme une félicité à atteindre voire comme un objectif de politique publique. Celle-ci répond à une aspiration profonde de renouvellement de la démocratie représentative dans le champ sanitaire. Même si la porosité entre les pays est encore peu visible, cette exigence participative s’inspire pour partie de concepts nés et vivants dans l’environnement anglosaxon : capabilités, empowerment (appropriation du pouvoir d’agir), advocacy ou encore recovery (rétablissement), toutes théories qui ambitionnent la pleine citoyenneté des plus vulnérables. La participation vise à la production de conditions favorables au développement des individus. Cet objectif ne peut se réaliser qu’en élargissant les espaces de délibération démocratique (pour faire vivre des controverses et construire des consensus) entre usagers, personnes concernées, familles, professionnels et scientifiques.

Même s’il puise de plus en plus dans le monde anglo-saxon, le mouvement français des usagers a une histoire et une culture propre dont le principe structurant est celui de protection. Les expériences de mise en pratique participatives y sont riches mais encore partielles. Le cadre juridique qui garantit les capacités des personnes vulnérables est encore insuffisant (ou parfois incompris) en contexte hexagonal. Pour autant, l’évolution globale atteste d’un mouvement de fond qui consiste à inventer des formes culturelles plus démocratisées de la discussion concernant les expériences et les expertises du plus grand nombre de personnes concernées.

Pas de conclusion à cet édito, sinon de vous proposer de lire ce Rhizome en tentant de relier une question générale, telle que nous la proposons ci-dessous, à la spécificité du champ de la santé mentale dans un pays où le travail de la culture est revendiqué depuis longtemps comme partie intégrante de la clinique par les professionnels du soin psychique.

Comment restituer à un individu ou à un groupe historiquement stigmatisé le pouvoir de fixer les modalités de son existence et de coopérer à la délibération concernant le devenir des institutions qui « s’en occupent » ?

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