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Edito

Christian LAVAL
Jean FURTOS

Année de publication : 2010

Type de ressources : Rhizome - Thématique : Psychiatrie, SANTE MENTALE, SCIENCES HUMAINES, SCIENCES MEDICALES, Sociologie

Télécharger l'article en PDFRhizome n°38 – Pourquoi les adolescents inquiètent-ils les adultes ? (Avril 2010)

Pour Maud Mannoni1, une éducation était réussie lorsqu’un adolescent pouvait dire à ses éducateurs : « vous vous êtes trompés, votre univers, on n’en veut plus ». La société de consommation découvrait alors en son sein une autre culture, la promesse d’un monde à refaire. « Le grand duduche » a représenté pour la génération des années 70 l‘ado décalé, travaillé par ses hormones, opposé aux lois d’un monde adulte qui, comme le chantait Dutronc, devenait « piquant comme un cactus ». C’était à la fois le temps du rêve, de la crise adolescente, de l’adolescent chrysalide, mais aussi de l’adolescence comme contre-culture.

Aujourd’hui, comme le dit Houellebecq, l’homme moderne serait devenu un adolescent diminué. Il est vrai que c’est bien dans l’air du temps de faire porter à l’adolescence tous les traits ordinairement attachés au peu fréquentable « individu post moderne », marqué du double sceau de l’individualisme et du consumérisme ; ce renversement de regard n’est pas sans conséquence performative : faire de l’adolescence le paradigme de l’individu contemporain est indissociable d’un traitement ambivalent des adolescents. Leurs écarts de conduite sont en effet facilement codés comme des comportements inquiétants, potentiellement pathologiques, déviants, voire dangereux a priori pour les « adultescents » de tous bords.

Ce numéro de Rhizome voudrait montrer une réalité plus complexe. La plupart des adolescents vont plutôt bien, il faut tout de même le dire ; leur principal « travail » consiste alors à « s’assumer », à s’installer, à trouver leur place dans le monde en le refaçonnant à leur manière. L’adolescent serait plus un sculpteur qui modèle son cerveau et sa vie par élagages successifs qu’un peintre qui pose sa pâte de couleur sur le tableau ; c’est du moins ce que l’on peut comprendre de l’apport de la neurobiologie. D’autres, moins nombreux, sans doute plus fragiles, « nous » échappent. Leurs conduites apparemment illisibles nous appellent à effectuer un travail de compréhension sur ce qui peut apparaître tout aussi bien comme une itinérance initiatrice, une errance psychique,  une initialisation des corps en acte, voire un tableau pathologique caractérisé. Ceux-là ont besoin de sollicitude, parfois de soins, et peuvent passer par la case hospitalisation. Ils ont besoin que le « nous » ouvre de nouveaux espaces interinstitutionnels dans la cité pour que celle-ci devienne plus hospitalière à leur quête de sens.

Si l’adolescent est à comprendre comme la difficile rencontre de la puberté et de la culture, ne lui mettons pas sur le dos les fantasmes décadentistes, mélancoliques et persécutoires d’une partie de la société qui doute de son avenir par classe d’âge interposée. Les adolescents ne sont pas seulement notre miroir : divers dans leurs préoccupations, dans leur santé, dans leurs ressources, dans leurs aspirations, ils portent notre avenir, ils appellent à un désir bienveillant de transmission.

Notes de bas de page

1 Psychanalyste française (1923-1998) qui s’est référée à l’antipsychiatrie par sa pratique et sa prise en compte des facteurs sociaux.

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