L’homme habite, il prend place parmi les humains. Pour cela, il lui faut un lieu où inscrire son corps, sa subjectivité, son histoire, sa citoyenneté1. S’il ne peut habiter, l’homme ne peut prendre place et cela s’appelle aujourd’hui l’exclusion. L’aider à habiter, cela s’appelle lutter contre l’exclusion.
Bernard Devert, dans ses « Libres Propos », rappelle que « dans la tradition judéo-chrétienne, la terre n’est pas mère patrie, mais terre promise » , et il propose de transposer ce niveau de réalité à l’habitat.
Jouons le jeu. Dans une société démocratique et laïque, cette promesse s’appelle « justice sociale ».
La justice sociale s ‘appuie sur une politique du logement et de l’urbanisme qui propose et qui oblige. Mais comment contourner ou prendre de front les ségrégations évidentes et silencieuses : celles des « populations captives » dans les banlieues ou ailleurs, ou celles des malades mentaux. Que signifie vouloir « détruire les grands ensembles » ?.
Habiter suppose des modalités d’investissement psychiques qu’il faut comprendre : ce que cela signifie pour un enfant de construire ou de dessiner une cabane, qu’est-ce qu’habiter pour une personne schizophrène, pour une personne S.D.F. La dimension clinique s’impose ici pour contribuer au sens et à l’action. Elle s’inscrit d’autant plus dans l’intersubjectivité langagière que « l’homme habite le langage, c’est là son monde… ».
Une dernière question : comment ne pas être « plombé », immobilisé devant et dans des situations sociales « désespérées ». Ainsi Jean Maisondieu, dans un texte qui laisse pantelant, évoque t-il le trottoir comme un lieu de « simple abattoir » pour les S.D.F.
Faut-il abandonner définitivement sa part à la pulsion de mort ? Ne peut–on affirmer haut et fort que ce qui anime nombre de cliniciens, d’intervenants sociaux, et bien d’autres, c’est la conviction qu’en tout homme il y a un sujet, et que pour tout sujet il y a un lieu à habiter ?.
Notes de bas de page
1 N’oublions pas que l’exercice du droit de vote est conditionné par la domiciliation, fût-ce dans un centre d’accueil pour SDF