Définie depuis l’avènement de la médecine aliéniste comme une « perception sans objet » (Esquirol, 1838), l’hallucination est pensée par le dispositif biomédical comme une perception irréelle, privée et pathologique. Ces expériences sont conçues comme révélant un rapport troublé à la « réalité objective », qui s’incarnerait de manière exemplaire dans la « psychose ». Le « regard médical » (Foucault, 1963) porté sur ces expériences instaure ainsi, par l’intermédiaire des catégories du normal et du pathologique, une définition de l’esprit, entendu comme un espace interne et privé sous le contrôle de l’individu, et les jalons d’une réalité dite « objective », caractérisée par son caractère empirique, accessible et connaissable par tous.
Dans les sociétés occidentales, ces conceptions biomédicales jouissent aujourd’hui d’une position hégémonique dans la compréhension et le traitement social des expériences dites « hallucinatoires ». Ces dernières sont en effet généralement abordées au sein de nos sociétés comme des expériences perceptuelles pathologiques, symptômes de troubles de santé mentale (American Psychiatric Association, 2013). Si l’époque du « traitement moral de l’aliéné » est certes révolue, le « redressement du jugement de l’halluciné » reste au cœur de la plupart des approches thérapeutiques médicales de l’« hallucination » (Byrne et al., 2007).
À partir des années1960, la psychiatrie a été influencée de manière croissante par les neurosciences, qui exercent aujourd’hui une forte influence sur les conceptions de l’esprit dominantes au sein des sociétés occidentales. Les principaux manuels de psychiatrie (DSM-V et CIM-10) conçoivent en effet la psychose comme le résultat d’un déséquilibre des systèmes dopaminergiques, susceptible d’être corrigé par l’utilisation de psychotropes. La révolution neuropharmacologique, initiée par la découverte du premier médicament antipsychotique – la chlorpromazine – et soutenue par la « Décennie du cerveau » proclamée par la présidence Bush en 1990, promettait ainsi de trouver un remède aux « maladies mentales » et de répondre aux critiques de l’antipsychiatrie qui dénonçaient, depuis les années 1960, les conditions de vie et de soin proposés dans les asiles d’aliénés.
Trente ans plus tard, les appels à la remise en question des pratiques psychiatriques fondées sur ces modèles neuropharmacologiques se multiplient. Malgré l’apparition de nombreux traitements pharmacologiques, leur efficacité reste en effet limitée et la prévalence des « troubles mentaux » n’a pas diminué significativement au cours des dernières décennies (Syme et Hagen, 2020). Plus profondément, l’incapacité des chercheurs à déterminer les fondements neurophysiologiques ou génétiques des troubles de la santé mentale interroge les fondements épistémologiques de la psychiatrie biologique contemporaine (Wroebel, 2020).
Ces éléments ont soutenu dans les dernières décennies une renaissance des mouvements antipsychiatriques, illustrée notamment par l’émergence de groupes d’usagers organisés autour de leur expérience hallucinatoire. Défendant un modèle alternatif de la santé mentale caractérisé par le rejet des traitements pharmacologiques, ces groupes inspirent aujourd’hui de nouveaux modes de prise en charge qui défient les fondements épistémologiques de la psychiatrie neurobiologique. Cet autre regard sur les « hallucinations » s’incarne ainsi dans les appels contemporains à « décoloniser la santé mentale » (Lecomte, 2019) des mouvements antipsychiatriques qui, contestant le caractère pathologique des « hallucinations » et la stigmatisation des labels psychiatriques revendiquent la réalité de leur expérience et élaborent de nouvelles formes d’accompagnement. L’importance croissante de ces mouvements s’illustre notamment par l’expansion internationale du Réseau des entendeurs de voix (Hearing Voices Network) ainsi que par l’émergence de prises en charge alternatives inspirées des savoirs des « patients experts ». S’inscrivant dans la continuité des mobilisations d’usagers qui se sont développées depuis les années 1970 (Troisœufs, 2013), cette organisation internationale originaire d’Europe s’oppose aux théories psychopathologiques présentant « l’hallucination » comme le symptôme d’un rapport troublé à la « réalité objective » qui devrait être supprimé, pour lui opposer les « voix » comme des expériences signifiantes devant être écoutées (Escher et Romme, 2012). C’est, par-là même, le vécu de « l’entendeur de voix » qui, de perception pathologique, accède au statut de « savoir expérientiel » (Gardien, 2018). L’« hallucination » devient alors susceptible d’être communiquée et de former la base d’un récit collectif ainsi que de prises de position militantes visant à légitimer des conceptions alternatives de l’esprit et de la « réalité ».
Comment les normes de santé mentale et la prise en charge de la « psychose » se redéfinissent-elles dans les tensions contemporaines entre les tenants de la psychiatrie biologique et ceux de l’antipsychiatrie ? Quelle est la place des « hallucinations » et de leur requalification dans ces dynamiques ? Quelles conceptions de l’esprit, du normal et du pathologique se trouvent ici mises en jeu ? Quelles frictions épistémologiques et politiques mettent-elles en branle ?
Cet article se propose d’explorer ces questions, en s’appuyant sur une enquête collective initiée en 2017 dans le cadre du programme de recherche Hearing the Voice1, portant sur le Réseau des entendeurs de voix ainsi que sur les modes de prise en charge des « hallucinations » émergents au Royaume-Uni. Il s’agira ici, à partir de ces premières observations, de dessiner le cahier des charges ainsi que les enjeux sociaux, épistémologiques et cliniques d’une approche anthropologique des « hallucinations ».
Hallucinations, psychose et ethnothéorie de l’esprit : regards anthropologiques sur l’expérience hallucinatoire
Malgré le triomphalisme affiché par les tenants de l’approche neuropharmacologique, les premières études internationales sur la schizophrénie, initiées en 1966 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans le cadre de l’Étude pilote de la schizophrénie (International Pilot Study of Schizophrenia), ont révélé que les pays dits « en développement » présentaient de meilleurs résultats que les pays occidentaux dans le traitement des troubles hallucinatoires : durée plus brève des épisodes, fréquence plus faible des rechutes, etc. (WHO, 1973).
Les travaux anthropologiques ont grandement contribué à la compréhension de ces résultats qui mettent en question la domination d’un modèle médical d’inspiration neuropharmacologique. Aux antipodes du « regard neuro-moléculaire » (Abi-Rached et Rose, 2010) qui fait de la psychose une maladie aculturelle et privée, les anthropologues ont abordé l’expérience hallucinatoire comme un phénomène social enraciné dans des dynamiques interactionnelles (Jenkins, 1991 ; Jenkins et al., 2004 ; Sullivan, 1962). L’interprétation des « symptômes psychotiques », l’expérience subjective dont ils font l’objet ainsi que le traitement social qui leur est réservé varient en effet fortement d’une culture à l’autre (Good et Subandi, 2004 ; Luhrmann et al., 2015 ; Martin, 2010 ; Sullivan, 1962). De nombreux collectifs placent ainsi au cœur de leur vie sociale des états de conscience appréhendés par l’approche biomédicale comme des signes pathologiques. Les travaux ethnographiques ont en effet documenté la valorisation de ces états, longtemps désignés sous les termes de « transe » ou « d’états modifiés de conscience » (Bourguignon, 1973 ; Devereux, 1983) dans nombre de sociétés, ainsi que la grande diversité des techniques qui permettent de les induire – jeûne, isolement, privation sensorielle ou usage de substances psychotropes. Les « hallucinations » acoustiques verbales (« voix »), majoritairement vécues comme source d’angoisse et de détresse aux États-Unis et en Europe, sont ainsi fréquemment appréhendées dans d’autres contextes – par exemple au Ghana, en Inde (Luhrmann et al., 2015) ou à Java (Good et Subandi, 2004) – comme des communications surnaturelles socialement valorisées.
En rendant compte de l’importance des facteurs sociaux de l’expérience « hallucinatoire » (Martin, 2010), l’approche anthropologique permet de mieux saisir l’origine des variations interculturelles des expériences qualifiées par la médecine de « psychotiques » (Good et Subandi, 2004 ; Good et al., 2010). L’anthropologie a en effet une longue tradition de travaux portant sur l’expérience subjective de la maladie par les patients et leur entourage (Bury, 1991 ; Corbin et Strauss, 1988 ; Herzlich et Pierret, 1985). Les comportements des proches et de la famille des usagers de la psychiatrie sont ainsi apparus comme l’un des principaux facteurs déterminant l’évolution de l’expérience hallucinatoire. Le concept d’« émotion exprimée » a été proposé par George Brown (Amaresha et Venkatasubramanian, 2012) pour décrire l’influence de l’entourage des patients au sein des sociétés occidentales. Les travaux qui s’appuient sur cette approche ont montré que les réactions émotionnelles des proches des patients façonnaient pour bonne part le devenir de l’expérience hallucinatoire. Inscrivant ces éléments dans une perspective comparatiste, Adrian Jenkins (1991) a observé que les commentaires critiques dans les familles d’origine mexicaine sont nettement moins fréquents que dans les familles britanniques et américaines. Il apparaît ainsi que dans les familles les moins informées des conceptions médicales de la santé mentale, la perception de l’expérience hallucinatoire, tout comme son devenir, est plus favorable (Wroebel, 2020). Le diagnostic de psychose apparaît en ce sens comme un facteur de stigmatisation qui contribue aux difficultés des personnes faisant l’expérience d’« hallucinations » (Corin et al., 2004).
Les travaux anthropologiques ont ainsi montré que les interactions sociales modulent l’intensité, le déroulement et la durée des épisodes décrits par la médecine comme « psychotiques ». Les réactions de l’environnement social sont en outre guidées par des conceptions culturelles qui façonnent la réponse à l’expérience du patient et déterminent pour partie son devenir. Les anthropologues ont récemment proposé de voir dans les ethnothéories de l’esprit l’origine des variations interculturelles de l’expérience hallucinatoire et du traitement social qui lui est réservé (Barrett, 2004 ; Good et Subandi, 2004 ; Luhrmann, 2011, 2020 ; Luhrmann et al., 2015 ; Dupuis, 2019). La manière d’aborder et d’interpréter les événements mentaux et de définir « l’esprit » varie en effet considérablement d’une culture à l’autre (Wellman, 2013 ; Pons, 2017 ; Dupuis et Canna, 2019 ; Luhrmann, 2020 ; Bateson, 2000 ; Brahinsky, 2020 ; Dulin, 2020). Ces éléments constituent les fondements des théories culturelles de l’esprit (ou « ethnopsychologies »). Traçant les frontières entre le soi et le monde, les ethnopsychologies modèlent les critères normatifs qui président à l’appréhension localement « correcte » de la réalité, façonnant par-là l’expérience subjective (Luhrmann et al., 2015).
Les ethnothéories de l’esprit et de la personne ont ainsi été proposées comme constituant le cœur des prescriptions culturelles qui déterminent les caractéristiques de l’expérience hallucinatoire et son devenir (Luhrmann et al., 2015). La théorie biomédicale de l’esprit qui domine au sein des sociétés euroaméricaines désigne l’esprit comme un espace interne et privé sous le contrôle de l’individu. Cette approche, qui pathologise l’expérience hallucinatoire, invite encore celui qui en fait l’expérience à douter, voire à nier sa propre expérience subjective (Wroebel, 2020). La capacité à contester la « réalité » des « hallucinations » est en effet le plus souvent considérée par les psychiatres comme le signe de rétablissement d’une personne diagnostiquée comme « psychotique ». L’injonction faite au patient de douter de sa propre expérience subjective semble toutefois contribuer fortement à la détresse et à l’isolement social des personnes percevant des « hallucinations » (anxiété, isolement, peur d’être perçu comme « fou »).
Les travaux comparatifs ont en effet suggéré que si les personnes ghanéennes ou indiennes percevant des « hallucinations » se sentent généralement moins effrayées et plus optimistes que les Euroaméricains, c’est parce que leur expérience se reflète de manière moins stigmatisante dans les hypothèses ontologiques et les théories de l’esprit de leur entourage (Luhrmann et al., 2015). Ces travaux ont ainsi montré que dans les contextes culturels proposant une théorie non-pathologisante des « hallucinations » (lorsqu’elles sont par exemple attribuées à des actes de communication d’entités culturellement postulées susceptibles d’être contrôlés par le biais d’opérations rituelles), la détresse associée aux « hallucinations » était considérablement réduite comparativement aux contextes médicaux (Aulino, 2020 ; Brahinsky, 2020 ; Dulin, 2020 ; Good et Subandi, 2004). Les personnes percevant des « hallucinations » et leur entourage sont alors plus préoccupées par le contenu de leur expérience et ses implications (comme leurs obligations envers les êtres qui se manifestent ici – esprits, ancêtres – que par la question de la « réalité » de ce qu’ils vivent (Wroebel, 2020). Les personnes rencontrées au sein des groupes d’entendeurs de voix dénoncent quant à elles fréquemment la détresse née du fait que la prise en charge biomédicale ne fournit pas d’explications satisfaisantes à leur expérience.
Bien que les ethnothéories de l’esprit, du normal et du pathologique semblent donc façonner l’expérience hallucinatoire et son devenir, une recherche comparative de grande ampleur sur la manière dont les théories culturelles de l’esprit conditionnent l’expérience subjective de l’hallucination, sa compréhension et son devenir, ainsi qu’une classification systématique de ces théories restent à construire (Wroebel, 2020). À la lumière des analyses qui précèdent, une telle étude comparative systématique apparaît toutefois comme indispensable à la pleine compréhension de l’expérience hallucinatoire et des facteurs interactionnels qui président à son destin.
L’émergence du Réseau international des entendeurs de voix
Cette mise en perspective interculturelle fait écho aux voix, qui, dans les sociétés occidentales, s’opposent à la prise en charge médicale de l’expérience hallucinatoire pour en proposer une interprétation alternative. Dans les dernières décennies, ces voix se sont récemment instituées en groupes de défense des usagers de la psychiatrie. Dénonçant les approches médicales se concentrant sur la seule élimination des expériences hallucinatoires, ces collectifs composés d’usagers et de leurs proches ont fait valoir que l’amélioration de leur intégration sociale et de leurs conditions de vie ainsi que la reconnaissance de leur expérience devaient devenir des objectifs thérapeutiques de premier plan (Wroebel, 2020). L’isolement social, le chômage, la stigmatisation et la remise en cause de leur expérience subjective sont en effet fréquemment présentés par les personnes ayant fait l’objet d’un diagnostic de psychose comme des problèmes plus importants que leurs expériences hallucinatoires (Cooke, 2017 ; Jenkins et al., 2004 ; Wroebel, 2020).
Dans la lignée des mouvements antipsychiatriques des années 1970 et de l’émergence de la figure du « patients experts », des personnes ayant fait l’objet du diagnostic de psychose en raison de leurs expériences hallucinatoires se sont progressivement organisées en collectifs. Revendiquant le statut d’« experts par expérience », elles s’opposent à l’approche biomédicale de la psychose, revendiquent la dépathologisation de l’expérience hallucinatoire et s’attachent à penser des modalités alternatives de prise en charge qui ne s’appuient par sur la remise en cause de l’expérience subjective des patients. Le principal collectif social né de ce courant est le Réseau international des entendeurs de voix (Hearing Voices Movement), mouvement international visant à l’inclusion et au « rétablissement » des personnes ayant fait l’objet d’un diagnostic de psychose, qui est aujourd’hui présent dans 28 pays et compte plus de 20 000 membres.
Ce mouvement est né de la rencontre entre le psychiatre néerlandais Marius Romme et sa patiente Patsy Hage, qui aurait convaincu son médecin d’accorder son attention aux « voix » que cette dernière percevait plutôt que de chercher à les éradiquer par l’usage d’antipsychotiques. Ce changement de paradigme, plaçant au cœur du traitement les échanges sur le contenu et la signification des « hallucinations » aurait conduit la patiente à un prompt rétablissement (Escher et Romme, 2012). Cette expérience a conduit Marius Romme à interroger et redéfinir le cadre médical qui préside habituellement au traitement des « hallucinations » et à déveopper de nouveaux types de prise en charge, caractérisés notamment par l’abandon des traitements antipsychotiques et la dépathologisation des « hallucinations ».
Débutée dans les années 1980, cette collaboration a inspiré le Réseau international des entendeurs de voix. Ce mouvement, qui assure sa communication par le biais de sites internet, s’est progressivement fait connaître par des « patients experts » devenus de véritables icônes publiques (tels qu’Eleanor Longden ou Ron Colemann) livrant le récit de leur rétablissement au cours des conférences internationales.
Ce réseau compte aujourd’hui plusieurs centaines de groupes dispersés dans toute l’Europe et l’Amérique du Nord. Ces groupes sont destinés aux usagers de la psychiatrie ayant fait l’objet d’un diagnostic de psychose consécutif à une expérience hallucinatoire. Là où l’approche biomédicale exhorte ces personnes à ignorer leurs « hallucinations », les groupes d’entraide les invitent à reconnaître la valeur de leur expérience subjective et à échanger afin de clarifier la nature de ces expériences et l’impact qu’elles ont sur elles. Ces groupes sont ouverts à la diversité des explications de chacun concernant l’entente de voix, mais se rejoignent dans le refus de qualifier les « hallucinations » comme des « perceptions irréelles ». Ces dernières n’y sont donc plus abordées comme des symptômes psychopathologiques, mais comme des « voix » et des « visions », des expériences subjectives riches de sens qu’il importe d’explorer. Le Réseau des entendeurs de voix a ainsi pour but d’aider ses membres non pas à éliminer les « hallucinations », mais à établir une relation apaisée, voire bénéfique, avec elles (recovery). Ouverts à toute personne intéressée par la question – soignants, proches, militants, chercheurs –, ils sont autogérés, conduits par un animateur, lui-même « entendeur de voix » (voice hearer), dont la principale fonction est de distribuer la parole. Chacun y est tour à tour appelé à évoquer ses voix, ses visions et sa relation à ces dernières, ce qui pourra éventuellement susciter des commentaires des pairs.
L’expérience hallucinatoire constitue donc ici le support de l’élaboration d’une « expertise profane » des communautés de patients diagnostiqués comme psychotiques, et le partage d’expérience se fait « savoir » par le biais d’une dialectique d’élaboration collective. Dans quelle mesure ce savoir est-il appelé à rompre avec l’approche médicale des « hallucinations » et quel sera le regard porté par les différents acteurs du secteur de la santé (patients, professionnels de la santé, entreprises pharmaceutiques, législateurs) sur ce dernier ?
Ce mouvement, qui a conduit les personnes diagnostiquées psychotiques à se constituer en groupe militant, est porteur d’importantes ambitions politiques. Il vise en effet à contester le monopole du pouvoir médical dans la prise en charge de l’expérience hallucinatoire en rendant le pouvoir de l’expertise aux usagers de la psychiatrie tout en luttant contre leur stigmatisation (Woods, 2015). L’émergence de ce réseau s’inscrit en effet dans la mouvance des « patients experts », par le biais duquel les patients revendiquent un savoir concurrent de celui des médecins, mouvement qui tend à transformer profondément les pratiques de soin contemporaines. Nés au début du xxe siècle avec le mouvement des Alcooliques anonymes aux États-Unis, les communautés de patients se sont développées à partir des années 1950 autour de thématiques diverses liées à la santé (allaitement, dépendance, VIH, handicap…).
Dans la lignée des luttes sociales inscrites dans la contre-culture des années 1970, ce mouvement s’est notamment développé autour des problématiques de santé mentale, les « survivants de la psychiatrie » rejoignant les militants féministes et les défenseurs des droits civiques. Les groupes d’usagers de la psychiatrie ont ainsi joué un rôle central dans l’histoire de l’antipsychiatrie, en remettant en cause les conditions de vie et de traitement dans les asiles d’aliénés (Hejoaka et al., 2019). Le concept de « rétablissement » qui a émergé de ce mouvement (décrivant un processus d’autonomisation et d’empowerment des personnes souffrant de troubles de la santé mentale) a servi de base à un projet politique de désinstitutionalisation et de démédicalisation dont le Réseau des entendeurs de voix est aujourd’hui l’une des figures de proue. Critique des traitements médicamenteux, de l’industrie pharmaceutique, volonté de destitution de l’autorité médicale et de la catégorie de « psychose » : le Réseau des entendeurs de voix ne cache donc pas ses objectifs militants. Par quels vecteurs ce mouvement s’attachera-t-il à influencer la société civile et les décideurs politiques et quel succès ces tentatives rencontreront-elles ? Dans quelle mesure l’émergence de ce mouvement international centré sur l’expérience hallucinatoire transformera-t-elle les représentations collectives portant sur l’esprit et les normes de santé mentale au sein des sociétés occidentales ?
Des formes de prise en charge novatrices de l’expérience hallucinatoire : le cas de la « thérapie avatar »
Les efforts de ces patients experts militants travaillant à l’avènement d’une « démocratie sanitaire » – modèle récemment plébiscité par l’OMS – se sont notamment concrétisés par l’émergence de la figure du pair-aidant et son intégration progressive aux dispositifs hospitaliers. Dans quelle mesure et en quel sens les savoirs produits par les patients experts sont-ils en train de renouveler et d’enrichir les dispositifs biomédicaux ? Si le dialogue entre patients experts et les autorités médicales ne se fait pas sans frictions, des prises en charge innovantes des « hallucinations » se sont récemment développées sous l’influence des propositions des groupes de patients, à l’image de la thérapie Avatar (Leff et al., 2014) et de la Relating Therapy for Voices (Hayward et al., 2009).
La thérapie Avatar, qui a été récemment expérimentée par des cliniciens britanniques (King’s College et University College de Londres, Université de Manchester et de Glasgow) est un exemple de ces thérapies novatrices inspirées par les positions des communautés de patients. Cette prise en charge consiste en un traitement informatisé des « hallucinations » auditives (« voix » persécutrices) qui permet au patient d’imaginer et d’incarner, grâce à un logiciel spécialisé, la voix qui le persécute par le biais d’un personnage virtuel (« avatar »). Le patient, encouragé par un thérapeute, entre ensuite en dialogue avec la voix, représentée par son avatar, alors que le thérapeute parle à travers la voix de l’avatar. Le patient est alors invité à s’opposer progressivement aux voix qui le troublent. Les premières évaluations témoignent d’une efficacité remarquable de cette forme novatrice de prise en charge des « hallucinations ». Après quelques séances, les « voix » passent en effet le plus souvent d’une posture agressive à une position de soutien et d’encouragement. Nombre de participants connaissent ainsi une réduction significative ou une disparition des voix, même lorsque les « hallucinations » persistent depuis de nombreuses années et résistent aux traitements médicamenteux (Leff et al., 2014).
Les groupes d’entendeurs de voix comme les thérapies Avatar ont en commun d’aborder les « hallucinations » auditivo-verbales (« voix ») non pas comme des expériences perceptives pathologiques, mais comme un phénomène social et relationnel (Deamer et Wilkinson, 2015). Dans cette approche, les « voix » sont en effet traitées comme des actes de communication plutôt que comme des perceptions. La personnalisation de la voix dans la thérapie Avatar propose ainsi aux patients et aux thérapeutes un cadre non médical appuyé sur une approche pragmatique. Contrairement à la psychiatrie classique, cette approche ne se concentre en effet pas sur la remise en cause de la réalité de l’expérience subjective du patient, mais seulement sur les éléments de son expérience qu’il juge perturbateurs. La théorie de l’esprit qui préside à la psychiatrie biomédicale traite en effet les « hallucinations » comme un problème du monde intérieur – alors que, pour une personne dite « psychotique », les difficultés résident souvent dans des symptômes dont l’origine est perçue comme externe (Wroebel, 2020). Comme le suggère Marianna Wroebel (2020), l’avantage de ces prises en charge alternatives consisterait donc dans le fait qu’elles articulent des théories de l’esprit dont le caractère divergent rend habituellement difficile la prise en charge des « hallucinations » par les dispositifs biomédicaux. L’émergence des communautés de patients experts et de ces thérapies alternatives bat en effet en brèche la conception de l’esprit sur laquelle repose l’approche biomédicale. Quels rapports de force épistémologiques et politiques sont appelés à se constituer entre ces dispositifs émergents et les savoirs institués de la médecine ?
L’importance centrale de la mise en récit dans l’expérience subjective de la maladie et les représentations sociales qui lui sont associées a été fréquemment soulignée par les travaux de l’anthropologie médicale (Kleinman, 1988). Quelles mises en récit de l’expérience hallucinatoire vont-elles émerger de ces nouveaux dispositifs et en quel sens vont-elles bouleverser les conceptions de l’esprit, du normal et du pathologique ? Dans quelle mesure ces mouvements sociaux vont-ils transformer la conception de la psychose, sa prise en charge et les normes de santé mentale qui y président ? En quel sens les théories de l’esprit qui président à l’approche des « hallucinations » dans les pays occidentaux s’en trouveront-elles modifiées ?
Conclusion
Se donnent ainsi à voir autour des « hallucinations » la rencontre et la confrontation d’épistémologies disparates qui donnent naissance à de nouvelles pratiques et identités sociales. Dans quelle mesure ces dynamiques influenceront-elles les théories de l’esprit ainsi que les critères normatifs qui président au normal et au pathologique au sein des sociétés occidentales et, par-là, la pratique médicale ?
Les transformations contemporaines affectant le champ de la santé mentale soulignent ainsi l’importance d’une approche proprement anthropologique des « hallucinations », qui se donne pour tâche de mettre au jour les rapports de force et les dynamiques sociales contemporaines qui se tissent autour de conceptions de l’hallucination divergentes au sein des sociétés occidentales.
Au-delà du cas particulier des « hallucinations », ces faits sociaux soulignent la dimension éminemment culturelle et politique des théories de l’esprit qui président au sein d’une société donnée ainsi que du statut accordé aux perceptions et du traitement qui leur est réservé. L’usage institutionnalisé des hallucinogènes, longtemps cantonné aux Amériques, bénéficie depuis la seconde moitié du xxe siècle d’une importante diffusion transnationale, comme en témoigne l’émergence du « tourisme chamanique », qui inscrit ces pratiques dans une dimension interculturelle. Pour une partie du monde occidental, les substances hallucinogènes sont de ce fait devenues des vecteurs d’émancipation politique, de psychothérapie, de développement personnel ou de nouvelles formes de religiosité. Ces séjours impliquent le plus souvent une recomposition de la relation que les « touristes chamaniques » entretiennent avec leur propre identité (Dupuis, 2018, 2019). Ces derniers sont en effet conduits à se considérer comme des sujets perméables et pluriels, traversés par des êtres à qui ils imputent désormais certaines de leurs perceptions, désirs ou états mentaux. Le rite hallucinogène soutient ainsi un processus de subjectivation décrit par les participants comme « thérapeutique », et consacre l’instauration d’un monde commun tissé de relations avec des êtres invisibles. La globalisation de l’usage des hallucinogènes a eu pour conséquence l’initiation d’études de laboratoire et d’essais cliniques portant sur les propriétés de ces substances, qui se sont multipliés ces dernières années, notamment dans les pays anglo-saxons (Langlitz, 2012). Après une parenthèse d’un demi-siècle imposée par la prohibition de ces substances, les hallucinogènes attirent de nouveau l’intérêt des soignants, du grand public et des entreprises pharmaceutiques, et sont désormais perçus comme la prochaine génération de médicaments psychiatriques et de précieux outils d’exploration scientifique de la conscience (Carhart-Harris et Goodwin, 2017 ; Nichols et al., 2017).
L’un des points communs de ces mouvements sociaux est qu’ils investissent bien souvent le champ biomédical comme vecteurs de légitimation, alors même qu’ils reposent sur une conception de l’esprit divergente qui subvertit l’épistémologie naturaliste en rendant poreuse et mobile la frontière entre « hallucination » et « réalité ». Les dynamiques sociales qui président à la requalification contemporaine des substances hallucinogènes et de la psychose promettent ainsi de susciter d’importantes frictions épistémologiques, sociales et politiques. Ces dynamiques mettent en effet en crise la théorie de la perception hégémonique au sein des sociétés occidentales et les normes biomédicales qui y président. La remise en cause du regard médical sur les « hallucinations » promet en ce sens d’affecter les fondements normatifs présidant au degré de réalité attribué aux perceptions, et par là, de transformer le consensus social portant sur le normal, le pathologique et les frontières de la « réalité ». Comment ces transformations affecteront-elles dans le futur les normes de santé mentale, les pratiques et l’éthique du soin ainsi que les conceptions de l’esprit au sein des sociétés occidentales ? Telle est la question qui préside au cahier des charges d’une anthropologie des « hallucinations ».
Notes de bas de page
1 Hearing the Voice est un programme de recherche interdisciplinaire portant sur les hallucinations auditivo-verbales conduit par des chercheurs de l’université de Durham (Royaume-Uni) de 2012 à 2020, et auquel j’ai participé de 2016 à 2020. Le projet Hearing the Voice visait à faire la lumière sur les relations entre l’entente de voix et les processus de perception sensorielle, de mémoire, de langage et de créativité ainsi qu’à explorer les raisons pour lesquelles certaines voix (et pas d’autres) sont vécues comme pénibles, comment elles peuvent changer au cours de la vie, et comment les voix peuvent agir comme d’importantes forces sociales, culturelles et politiques. Ce programme de recherche financé par le Wellcome Trust a rassemblé une équipe internationale comprenant des chercheurs issus de l’anthropologie, des neurosciences cognitives, de l’histoire, de la linguistique, des études littéraires, des humanités médicales, de la philosophie, de la psychologie et de la théologie, travaillant en étroite collaboration avec des cliniciens, des entendeurs de voix et d’autres experts par expérience.
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