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Témoignages de patients à propos de l’hôpital

Guy ARDIET - Psychiatre, St Cyr au Mont D’Or

Année de publication : 2004

Type de ressources : Rhizome - Thématique : Psychiatrie, SCIENCES MEDICALES

Télécharger l'article en PDFRhizome n°14 – Violences à la personne (Janvier 2004)

Voici le texte d’une patiente, tel qu’elle me l’a remis en janvier 2003. Je n’ai rien changé, elle a vécu les choses ainsi, et m’a parlé d’humiliation, d’oubli du respect. Elle souhaite garder l’anonymat en cas de re-hospitalisation éventuelle dans le même service de psychiatrie.

« Lorsque mon médecin pense que mon état de santé relèverait d’une hospitalisation, cela me cause un profond problème et une réelle angoisse. Car après plusieurs expériences, l’hôpital est  pour moi la pire de solutions. Toute cette violence, toute cette promiscuité ! Et quel désœuvrement … Sans compter l’éloignement de l’hôpital.

Il y a le terrible moment de l’inventaire, tout de suite, comme entrée en matière ; je ne sais pas à quoi sert au juste cet inventaire. J’ai pensé parfois que c’était pour préserver ce que l’on avait pu apporter comme vêtements, pour éviter qu’ils ne soient perdus ou volés. Mais dans le fond j’en doute. Car alors, cela justifierait un contre inventaire au moment de votre départ de l’hôpital. Mais il n’y en a jamais.

Mais le pire est la fouille policière du sac à main que je ressens comme un viol. Que l’infirmière nous réclame nos diverses ordonnances médicales, c’est normal. Mais il serait bien préférable et plus tolérable pour moi de les lui remettre moi-même, alors qu’au contraire je la vois fouiller dans tous mes papiers. Ce n’est pas un geste humain et je ressens mon intimité violée. J’imagine qu’en prison on fait de même, et que la police a les mêmes gestes brusques et péremptoires. Et puis, pourquoi vouloir me faire enlever ma montre et la donner à ranger je ne sais où. Une patiente m’a confiée qu’on l’avait obligée à laisser sa montre, et bien elle n’a jamais pu la récupérer, les infirmières ne la trouvant plus et ne savaient pas ce qu’elle était devenue.

Tout y  passe, et tout est passé au peigne fin. Mais qu’est-ce qu’elle cherche donc cette foutue infirmière ? Je me souviens. Lors de ma dernière hospitalisation, il y avait une petite cigale en forme de broche. Sans aucune valeur. Sinon celle du souvenir de trois amies qui s’étaient cotisées pour me l’offrir pour ma fête. Et bien, l’infirmière l’a emportée. Et un bon moment après, elle est venue me la rendre. Sans  plus d’explication à un moment qu’à l’autre. Il y a aussi mes tubes de granules homéopathiques qu’on m’a volés, oui, je dis bien volés, car je n’ai jamais pu les récupérer, on ne les trouvait plus. Qu’on ne s’étonne pas s’il y a de la violence à l’hôpital, violence des patients en réponse à la violence de l’attitude des soignants lors de ce premier contact avec l’hôpital qui est l’inventaire. Ne parlons pas d’accueil. »

Autre témoignage…

Mr D, 58 ans, ancien ouvrier en usine, a été licencié économique à 54 ans. Atteint de troubles importants de la statique vertébrale, pour partie reconnus comme liés à un travail pénible, nous dit-il, il touche une pension d’invalidité.

Depuis 2001, il est suivi pour dépression après la mort, particulièrement tragique, de l’un de ses deux fils. En juin 2003, on dépiste un cancer de la racine du nez.

Lors de la première consultation, il aura à verser de sa poche 60 euros, non remboursés. Renseignements pris, il n’a pas fait de feuille de maladie, il n’a pas pensé à la demander au dermatologue, « tellement il a eu peur avec cette maladie ».

Ensuite, il a dû faire au chirurgien, à la clinique, un chèque de 530 euros, de dépassement d’honoraires. « Et cela n’est pas remboursé par ma mutuelle ».

Il n’a que 610 euros de pension d’invalide du travail, sur laquelle il donne 180 euros de pension à son ex femme ; il n’a pas pu payer son loyer, et a dû aller à la campagne chez sa mère, âgée de 84 ans, pour pouvoir manger. « Elle m’a fait de la viande, ce que je n’avais pas mangé depuis longtemps ».

Il devait retourner voir le chirurgien, pour une visite de contrôle, mais il n’ira pas : « il va encore me rançonner, ou je vais lui casser la figure ; c’est un menteur, il m’avait dit que tout serait remboursé ». De même, il ne fera pas la numération formule sanguine de contrôle : « j’en ai eu assez, des prises de sang ».

Mr D est prêt à témoigner de tout cela, même s’il sait qu’il n’aura pas plus d’argent. « Vous pouvez même écrire mon nom, je m’en fous ».

Mais il trouve tellement injuste, « ces 530 euros, qui sont mon argent de un mois, une fois payé mon loyer et la pension de ma femme, c’est ma nourriture pendant 3 mois ; je ne sais pas comment je vais faire ».

En tant que professionnel du soin, je me pose une question : le secteur médical privé a-t-il le droit « éthique » de ces dépassements d’honoraires, pour cet homme qu’on ne peut croiser sans percevoir la précarité ?

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