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Encombrements à l’hôpital, déviation sur l’assistante sociale

Marie-Claire FILLOT - Cadre socio éducatif – Paris.

Année de publication : 2007

Type de ressources : Rhizome - Thématique : Psychiatrie, SCIENCES MEDICALES, TRAVAIL SOCIAL

Télécharger l'article en PDFRhizome n°27 – Au bord du logement (Juillet 2007)

Etre cadre pour moi, c’est en partie être à l’écoute ; donc j’écoute le vécu des professionnels de l’action sociale qui travaillent en service de psychiatrie. Elles (je dirai elles par parti pris dans ce métier où les femmes sont majoritaires) me parlent de leurs difficultés à construire une prise en charge.

Comment travailler quand le médecin dit au patient « Allez voir l’assistante sociale pour qu’elle vous trouve un logement », « Vous sortirez quand vous aurez un logement » ou quand il dit à l’assistante sociale « Pourriez-vous voir M X pour lui trouver un logement » ou pire encore «  Vous n’avez pas encore trouvé un logement pour M X, vous vous rendez compte, il est à l’hôpital depuis 3 mois » .

Autant de phrases entendues, vécues, et qui hors de la réalité sociale constituent un frein à l’organisation de la sortie.Nous savons tous, par expérience, que la stabilisation de l’habitat est un facteur important pour organiser la prise en charge des patients chroniques en psychiatrie. Les assistantes de service social ont largement contribué à organiser la sortie de patients dits chroniques depuis les années 80 en les adressant aux maisons de retraite, en participant à la création de places en appartements associatifs, en tissant des liens avec les partenaires du social (hébergement d’urgence, CHRS…)

Que se passe-t-il pour que les relations médecin-assistante sociale deviennent parfois si tendues ? L’air du temps, me direz-vous ? Certes, le temps du soin a considérablement diminué grâce aux traitements. Mais le temps de réalisation du projet social tient compte non seulement de l’amélioration de l’état de santé de la personne hospitalisée, mais aussi de son insertion préalable à l’hospitalisation, des délais d’obtention des droits minimaux (protection sociale, ressources…).

M D a été hospitalisé en août découvert prostré, en état d’incurie lors de l’expulsion de son logement. Après plusieurs semaines de renfermement et un traitement adapté, l’assistante sociale recueille, enfin, les éléments suivants en septembre : depuis 1 an, sa femme et ses enfants ont quitté le domicile – il ne s’est plus présenté à son travail depuis mai. L’assistante sociale va, en s’appuyant sur le diagnostic médical, relier sa dernière période d’emploi à son problème de santé, lui permettre d’obtenir transitoirement le RMI, puis des indemnités journalières sécurité sociale etc… Nous sommes en novembre. Oui mais, le patient est « sortant » d’après le médecin du service qui, par ailleurs, ne veut pas le laisser sortir dans la rue ou en hébergement d’urgence. Le traitement équilibré, le patient acceptant les soins, M D devient un problème social de logement ou du moins d’hébergement stable.

L’accès à un hébergement durable est une démarche complexe particulièrement dans les grandes agglomérations où le manque de logements accessibles aux personnes percevant les minima sociaux est important.

Un problème social insoluble sans prendre son temps. L’hébergement durable va être lié à l’obtention de ressource, au travail de réassurance de l’usager qui repose sur tous les membres de l’équipe. Mais souvent, les membres du service se désengagent de cet accompagnement et pressent le résultat.

M D sortira, une première fois, en novembre en hôtel. Il montre très vite des signes d’anxiété, d’incapacité à vivre seul et demande sa ré-hospitalisation. Il bénéficiera en janvier d’une place en foyer Sonacotra dans le cadre d’une convention entre cet organisme et l’hôpital. Il y réside toujours après 18 mois, avec un suivi CMP, des visites à domicile, un accompagnement social qui s’oriente vers l’habitat individuel et l’insertion professionnelle.

L’assistante sociale a été, au cours de cette prise en charge, régulièrement interpellée lors des réunions d’unité d’hospitalisation. Interpellée par les soignants, parfois par le patient. L’évaluation de la situation était correcte, les dispositifs utilisés pour résoudre cette situation, adaptés. Comment ne pas se sentir, à un moment ou à un autre, responsable du maintien du patient en milieu hospitalier alors que les places d’hospitalisation manquent en permanence ?

La logique du travail en équipe pluri-professionnelle serait-elle remise en question par la course à la diminution du temps d’hospitalisation, par un fol espoir d’un social ou d’un médico-social adapté à l’organisation du soin ?

Même si les pratiques des dernières décennies confirment que le sanitaire et le social sont capables de travailler ensemble pour permettre l’insertion dans la ville des usagers. Le soutien médical, soignant et social de l’usager dans l’entre-deux hôpital/lieu de vie stable doit être pris en compte comme élément de la prise en charge globale du patient. La confrontation des logiques du temps de soin et du temps d’obtention de droit ou d’aide sociale rend le travail, ensemble, difficile. L’hôpital, lieu de soin d’aigu, est pour l’assistant de service social un lieu d’évaluation. Le CMP, espace de prise en charge et de réalisation du projet de soin, devient le lieu de mise en place de l’accompagnement social. Ces situations durant lesquelles l’usager est souvent fragilisé par des hébergements précaires (foyer d’urgence, CHRS…) nécessitent une articulation forte entre usager et travailleur social pour mener à bien les démarches nécessaires à l’insertion.

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