Le message que je voudrais transmettre sur le souci de la santé psychique en rapport avec la précarité du monde moderne est fondé sur le fruit d’une longue et difficile expérience de plus de quinze années en tant que malade bipolaire, avec douze hospitalisations en établissements psychiatriques à la clef, dont une en dépression profonde et onze dans des états graves de psychoses maniaco-dépressives, tout en créant, et ce en période d’invalidité, l’association France Dépression Centre en 2004
La notion de précarité sociale a pris toute sa dimension en tant que phénomène exogène dans l’aggravation de ma pathologie. En effet, dès lors que la maladie rentre par effraction dans notre vie, nous avons à subir une sorte de double peine, la première étant d’endurer de terribles et indescriptibles souffrances psychiques, d’une part, et de prendre de plein fouet les rejets d’une société dite « normale », voire même par des proches, d’autre part, et ce par un manque évident d’informations donc d’incompréhension du grand public. C’est pour l’une de ces raisons que je me suis engagé dans le mouvement associatif et également pour pouvoir défendre les droits des usagers en psychiatrie qui ne sont pas respectés encore à ce jour comme le sont d’autres patients dans le secteur en santé physique ; là aussi on peut parler de précarité dans le parcours des soins et notamment dans certains établissements.
Toutefois, cet engagement en tant que bénévole a été pour moi une formidable résilience, en ayant toujours à l’esprit de me comparer à des personnes en plus grandes difficultés que moi. Une bonne santé psychique est basée sur l’alliance de phénomènes à la fois endogènes et exogènes sains, à savoir l’absence de facteurs génétiques dormants que peuvent nous transmettre nos ascendants (anxiété, troubles de l’humeur, schizophrénie pour exemples !), sachant que l’on peut être placé dans une précarité psychique dès la naissance ; puis une vie sans facteurs exogènes déclenchants (perte d’un être cher ou d’un emploi, d’un divorce, de harcèlements et de violences en général, etc.).
De plus, je reste persuadé qu’une bonne hygiène de vie par l’exercice physique régulier, le maintien d’un sommeil de qualité, une alimentation équilibrée, et une grande modération en général, permettent de se prémunir de beaucoup de risques et notamment sur le plan psychique.
De mon point de vue, et pour l’avoir vécu dans les deux sens, je suis rentré dans une forte désociabilisation à la suite d’un important “burn out” lorsque j’exerçais dans une banque d’affaires, et suite à un surcroît de travail avec une mauvaise hygiène de vie depuis des années dans d’autres secteurs d’activités. Puis, avec une resociabilisation progressive, après plusieurs années de prison mentale, je suis à même de mieux comprendre que l’état de précarité sociale dans lequel je me suis trouvé durant des années d’invalidité, avec de très faibles revenus, avait été un accélérateur et un amplificateur de la négativité de ma pathologie.
Sur le plan associatif, j’ai pu mesurer que nous étions en pleine guerre économique, et que de plus en plus de soldats en état de précarité psychique, financière, ou affective tombaient sur les champs de bataille de la mondialisation ; et pourtant je rencontre beaucoup d’hommes et de femmes de grande valeur qui ont exercé des métiers de toutes natures avec courage et passion, puis qui se retrouvent dans des situations inextricables. Parfois, il suffit d’une bonne dose de chaleur et d’humanisme pour qu’ils retrouvent le sourire et l’envie de s’en sortir.
A contrario, nous avons pu apprendre de M. Pascal de LIMA, économiste, lors de la IX ème Journée Européenne de la Dépression au ministère de la santé le 8 octobre dernier, que l’argent par excès engendre également chez les possesseurs, de graves troubles psychiques (anxiété, paranoïa, troubles de l’humeur) ; peut-être qu’un sens plus fort d’altruisme par des dons aux plus démunis, ou à des fondations par exemple, leur serait très certainement salutaire !