Introduction
La grossesse est une période tout à fait singulière dans la vie d’une femme, caractérisée par de grands bouleversements. Cet état peut être d’autant plus difficile à intégrer pour des femmes en situation de fuite et de précarité économique faisant se cumuler les facteurs de vulnérabilité, mais également de précarité psychique à la suite de parcours familiaux et individuels marqués de ruptures rendant difficile la construction harmonieuse de leur état de future mère.
Entre autres. Car devant les situations extrêmes dans lesquelles se retrouvent ces femmes, plusieurs questions se posent. Qui sont ces femmes ? Comment les accompagner au mieux ? De manière générale, leur rencontre bouscule nos habitudes et nos cadres de travail.
C’est en rencontrant l’une d’elles que j’ai mesuré la complexité de la situation de migration ajoutée à un événement de vie censé être fondateur. Mme T., jeune népalaise de 25 ans, enceinte, a fait irruption dans mon parcours de jeune psychiatre en formation. Ce qui me semblait “aller de soi” dans la relation soignant-soigné s’en est trouvé fortement perturbé.
L’objectif de ce mémoire est de rendre compte d’une tentative de compréhension d’une situation qui échappe aux efforts de déduction et d’empathie habituels.
La première partie sera consacrée à l’exposition de ce que nous appelons habituellement en
psychiatrie un “cas clinique”, mais qui pourra être requalifié de “rencontre” car ce mémoire se veut plus “de terrain” que clinique.
La seconde partie fera part d’une réflexion plus large autour de l’errance et des principales
difficultés rencontrées par ces femmes qui vivent concomitamment l’expérience de grossesse dans un contexte de migration à travers un point de vue psychopathologique et anthropologique.
La troisième partie reprendra le déroulé chronologique de la prise en charge de Mme T. avec les questionnements qui se sont imposés, illustrant ainsi le cheminement de pensée de l’ensemble d’une équipe médico-sociale. (…)