Introduction
L’année 2015 a été marquée par une arrivée massive de demandeurs d’asile en Europe : le débat public s’est saisi de la question, tantôt sur le registre de la solidarité, tantôt sur celui de la xénophobie. Les attentats du 13 novembre 2015 ont déplacé l’attention de la question de l’accueil des étrangers vers des problématiques sécuritaires. Depuis, les débats politiques autour de la déchéance de la nationalité ont occulté la question migratoire.
De par nos positions de chercheurs dans un observatoire spécialisé sur les questions de santé mentale et de vulnérabilités1, nous voyons un enjeu à placer le débat de l’accueil – et du soin – des migrants dans une perspective de santé publique. Nous faisons aujourd’hui le constat de la présence croissante de ce public dans les dispositifs du champ de la santé mentale. Nous constatons le difficile débat sur les épreuves de cette prise en charge et ce au nom d’un certain idéal républicain qui occulterait les spécificités du public. Quelles sont les particularités de ce public ? À quoi les professionnels et les institutions sont-ils confrontés ?
Depuis une recherche sur un dispositif d’accès aux soins à destination des précaires dont le public était exclusivement migrant, nous mobilisons le terme de « migrant précaire ». Nous attribuons trois caractéristiques à cette catégorie. La première est celle d’avoir migré et ce récemment. Ce terme de migrant se différencie de celui d’étranger – qui n’a pas forcément migré – et de celui d’immigré, dont la migration peut être ancienne et dont l’objectif est l’installation. Ici, on insiste bien sur la migration et sa proximité, qu’elle soit légale ou non2. La seconde caractéristique, c’est que nous avons affaire à une population qui fait face à une problématique d’accès au séjour et se trouve de fait dans une insécurité administrative. Qu’il soit demandeur d’asile, en demande de régularisation au titre de la santé ou encore qu’il demande un titre de séjour à la bienveillance du préfet, l’obtention des papiers est centrale pour le migrant, que ce soit psychiquement ou pratiquement, dans l’organisation de la vie quotidienne. Enfin, la troisième caractéristique, c’est la grande précarité dans laquelle vivent de plus en plus les migrants. La procédure précarise les requérants de l’asile et la majorité des déboutés reste sur le territoire français et est prise en charge dans le cadre de dispositifs à destination des précaires.
Il s’agira tout d’abord de conceptualiser l’appréhension de l’altérité étrangère dans le champ de la psychiatrie, en désignant trois figures, à partir d’une lecture sociohistorique : l’immigré, l’exilé et le migrant précaire. À travers cette conceptualisation, c’est la réponse clinique, politique et la partition entre psychique et social qui se jouent. Dans un second temps, nous documenterons les difficultés que pose cette dernière figure aux professionnels du champ de la santé mentale. La psychiatrie est interpellée sur des questions où sont entremêlées des problématiques médicales, juridiques, administratives et politiques. La question de la légitimité de ces demandes est régulièrement interrogée dans un contexte où les politiques dénoncent fréquemment le coût de l’aide médicale d’État (AME). Les individus sont considérés comme des étrangers avant d’être des sujets malades ou en souffrance. Enfin, nous ferons état dans cet article de l’« invisibilisation » de la problématique d’accès aux soins en santé mentale des migrants. Nous défendrons l’enjeu de santé publique qui consiste à penser le recalibrage de l’action publique pour répondre à la souffrance en santé mentale de ce public.
Immigré, exilé, migrant précaire et psychiatrie
Clinique de l’immigré et ethnopsychiatrie
Trois conceptions de l’étranger vont se succéder en psychiatrie ou plutôt se cumuler, celle de l’immigré, de l’exilé et enfin celle du migrant, dont nous spécifions ici qu’il est très généralement en situation de précarité. À chacune de ces notions correspond une prise en charge singulière.
Au XIXème siècle, les errements de la psychiatrie naissante vont de pair avec une volonté de légitimation scientifique. Les promoteurs de la psychiatrie tentent d’objectiver les pathologies, les populations, et les races, non sans polémique. Les promoteurs de la psychanalyse ou ceux d’une science médicale psychiatrique s’opposent au sujet du soin des migrants, et leurs influences varieront suivant l’époque.
Au XIXème siècle, l’étranger est soit l’indigène des colonies, soit l’immigré de ces colonies ou d’autres pays, généralement limitrophes à la France (Belges, Italiens, Espagnols…). Lors de la Première Guerre mondiale, la France mobilise ses troupes coloniales d’Afrique et d’Indochine. Les migrations sont alors collectives, et le groupe de référence est l’ethnie d’origine de l’individu. La psychiatrie coloniale est la première à prendre pour objet d’étude le sujet des colonies. Pour l’école psychiatrique d’Alger, autour d’Antoine Porot, l’indigène des colonies est appréhendé comme un être « inférieur » et « attardé », dans une conception évolutionniste. L’école est accusée de promouvoir un racisme culturel par des psychiatres, notamment par Frantz Fanon, auteur d’une critique radicale de la psychiatrie coloniale dans ses articles publiés dans El Moujahid, journal du FLN (Font de libération nationale).
Cependant, les premières psychopathologies des migrants au début du XXème siècle s’inspirent de la psychiatrie coloniale. Pour Estelle d’Halluin (d’Halluin, 2009), « la psychiatrie des migrants a aussi hérité en France d’une psychiatrie coloniale imprégnée de préjugés culturalistes et racistes ». Surtout, la caractérisation des pathologies qui seraient propres aux migrants se fait dans un contexte particulier, celle d’un Occident et d’une science médicale conquérants. Pour René Collignon (Collignon, 2006), la colonisation se double d’une posture de domination « qui ne sera pas sans effets sur la nature du regard porté par les médecins sur les populations assujetties et les malades auxquels ils ont affaire ».
La psychiatrie coloniale et la psychopathologie des migrants caractérisent les spécificités populationnelles. Leur critique porte sur le fait que c’est en tant qu’étranger que le migrant est justement étrange et qu’il est l’objet d’une comparaison ethnocentrée avec le psychisme occidental. C’est en grande partie à cette critique3 que répond l’ethnopsychiatrie. Ainsi, c’est pendant la décolonisation (Coffin, 2012) que l’ethnopsychiatrie se développe, notamment sous l’égide de Georges Devereux. Si beaucoup se disent héritiers de cette épistémologie, force est de constater l’« incroyable variété des approches se réclamant d’une fidélité aux thèses de Devereux » (Gouriou, 2008).
Beaucoup, notamment les professionnels du champ de la santé mentale, considèrent Tobie Nathan, fondateur d’un centre d’ethnopsychiatrie à l’université Paris 8 de Saint-Denis en 1979, comme l’héritier de Georges Devereux. Il cristallise toutefois nommément la controverse. Didier Fassin (Fassin, 2000) critique ainsi la réification de la culture et la surdétermination du fait culturel dans la pensée de Tobie Nathan. Mais le tour de force de Tobie Nathan, contrairement à Georges Devereux dont la proposition n’est que théorique, est de proposer un dispositif pratique pour le soin des patients migrants.
Aujourd’hui c’est Marie-Rose Moro, figure plus consensuelle, qui a repris en partie l’héritage de Georges Devereux. Elle promeut une psychiatrie transculturelle d’inspiration analytique (Moro, 2004). Sur le plan théorique, elle soutient une approche pluri-référentielle, éclectique et métissée (Moro, 2004). Pour le clinicien, il importe de se décentrer, afin de ne pas nier les particularités culturelles des patients migrants. Ce décentrement passe par une théorisation d’un dispositif groupal.
Il nous intéresse ici de souligner que le « dispositif ethnopsy », quelles que soient l’analyse que l’on peut en faire et la valeur que l’on peut lui accorder, est précisément un dispositif spécifique, qu’il soit inscrit dans la psychiatrie publique, généralement à la marge4, ou dans le champ associatif. Avec l’ethnopsychiatrie, ce qui est pointé, c’est qu’autrui n’est précisément pas membre de notre système culturel de traitement des pathologies. Comme pour la psychopathologie des migrants, le social et le culturel sont considérés comme des éléments contextuels, mais sont, avec l’ethnopsychiatrie, objets d’intérêts et de métiers (avec notamment la présence possible d’un anthropologue ou d’un médiateur culturel). Il y a une demande de connaissances sur les données culturelles propres à certaines ethnies. Pour bien des cliniciens, il est nécessaire de se représenter le migrant qui est en face d’eux. L’ethnopsychiatrie apparaît répondre à ce besoin quand c’est sur les aspects social et culturel que réside l’indétermination.
La controverse sur l’ethnopsychiatrie porte aussi sur les contours du public destinataire de ces dispositifs. Celui d’Avicenne5 s’adresse par exemple à des migrants de « première, deuxième ou troisième génération ». Le point de départ de la consultation est que « le thérapeute et le patient ne partagent pas la même culture d’origine ». L’unité d’ethnopsychiatrie de Ville-Évrard insiste sur le fait qu’elle « permet la rencontre avec des patients qui ont mis en échec des pratiques habituelles de psychiatrie de secteur ». La consultation s’adresse à des patients qui ont déjà eu une expérience de la psychiatrie publique qui n’a pas abouti. La prise en charge prend en compte de manière fine les différents aspects psychiatriques, sociaux et juridiques, et l’éclairage pluridisciplinaire permet aux professionnels (et aux familles) de trouver des ressources.
L’Asile, l’exil… et le traumatisme
Avec l’ethnopsychiatrie, le focus est porté sur la personne et ses particularités culturelles. Par le biais d’une autre figure de l’altérité, celle de l’exilé, le focus porte sur les effets de la migration. Cette seconde figure émerge dans la seconde moitié du xxe siècle. Au début des années 1950, l’asile est reconnu de internationalement et conventionnellement et, à partir des années 1970, les effets psychologiques de la violence sur les réfugiés font l’objet d’une reconnaissance élargie à travers la catégorie du traumatisme psychique, que ce soit du côté de la psychiatrie ou de la psychanalyse. Ainsi, la troisième édition, en 1980, du manuel américain de psychiatrie Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM)6 introduit le stress post-traumatique parmi les affections mentales. On retrouve d’un côté la clinique de l’exil d’inspiration analytique et de l’autre la clinique qui fait du traumatisme une catégorie psychiatrique à soigner dans un cadre médical. C’est le caractère contraint de la migration qui intéresse ici le champ de la santé mentale.
La catégorie du traumatisme est convoquée alors qu’on désigne ces migrants comme étant des exilés. Cela se formalise notamment avec le recours aux certificats médicaux dans le cadre de la procédure de demande d’asile. Pour Didier Fassin (Fassin, 2007), le traumatisme devient le ressort majeur de preuve de « véridiction7» conditionnant l’asile : « Il ne s’agit plus tant de vérifier la congruence des cicatrices avec le récit des persécutions subies, que de reconnaître le stress, puisque l’existence du traumatisme réside dans l’épisode vécu (le stress est la marque du traumatisme). » De ce fait, les professionnels du champ de la santé peuvent être appelés à participer, malgré eux, à la procédure d’asile. Depuis 1974 et la restriction des autres voies d’immigration légale, la procédure d’asile apparaît, pour les primo-arrivants, comme l’une des rares possibilités de rester légalement sur le territoire français. Le rapport Touraine8 souligne que « la procédure d’asile [se transforme] pour la majorité des demandeurs, en une voie d’immigration ». À ce titre, ils sont tenus de produire un récit en français, qui doit prouver que la personne répond aux critères de la Convention de Genève (Zeroug-Vial, 2015). Dans la pratique, les soignants sont de plus en plus concernés par la prise en charge de ce public. Dans le cadre de la procédure « étranger malade », les médecins sont susceptibles d’être mobilisés par des patients en demande de rapports médicaux. Il y a alors un enjeu à faire reconnaître le traumatisme comme étant une catégorie psychiatrique.
À l’initiative de professionnels de santé, des centres de soins spécialisés dans la prise en charge médicale et psychologique des exilés ont été ouverts. Dans un livre blanc de l’association Primo Levi, Soigner les victimes de torture exilées en France, publié en 2012, on note que « l’importance numérique de cette population – plus de 100 000 personnes concernées – la spécificité de ses troubles, et donc des dispositifs à mettre en place, en font un enjeu de santé publique », alors que « sur-sollicités, saturés, seul cinq9 centres spécialisés existent sur tout le territoire français ».
Parmi eux, des centres défendant une clinique de l’exil se spécialisent autour des conséquences post-traumatiques dont souffrent plus particulièrement les demandeurs d’asile. Pour Fabien Gouriou (Gouriou, 2008), ce courant orienté par la psychanalyse « entend renouveler de fond en comble les cliniques à l’épreuve de la migration et, pour ce faire, pose comme acte premier le rejet du terme de « migration » pour celui d’« exil », transformant ainsi un phénomène sociologique en un événement existentiel. […] Là où la psychopathologie de la migration s’affairait à lire les signes cliniques dans le cadre des catégories psychiatriques, où l’ethnopsy tâchait pour sa part de reconstituer des nosographies ethniques, les cliniques de l’exil favorisent l’approche compréhensive d’un événement et la reconstitution d’un être-au-monde de l’exilé. » Ces cliniques de l’exil trouvent un écho favorable auprès d’anthropologues se réclamant d’une anthropologie médicale ou encore d’une anthropologie clinique, notamment autour d’Olivier Douville.
Migrant précaire et psychiatrie
De nouvelles problématiques sociales, politiques et cliniques émergent dans les années 2000, d’autant plus prégnantes que les personnes migrantes correspondent moins à la figure de l’exilé politique, générique, homogène, qu’il s’agirait d’intégrer, qu’à des personnes en situation de migration et de précarité. Il y a un écart entre ce que des professionnels peuvent prêter aux migrants et une réalité qui, par endroits et par moments, dérange. Les professionnels apparaissent en difficulté avec un nouveau public qui n’a pas forcément légitimité, selon eux, à rester sur le territoire. Richard Rechtman (Rechtman, 2010) affirme que « l’arrivée d’immigrants illégaux d’origines diverses change également le paysage de l’immigration en France […]. L’irrégularité du séjour des étrangers en France transforme ? les demandeurs d’asile et les immigrés en clandestins illégitimes jusque dans leurs besoins de santé. »
Le processus de précarisation porte sur les personnes en procédure d’asile et sur celles qui en sont déboutées. La procédure vulnérabilise, notamment par sa lourdeur (18 mois en moyenne) et aussi par les conditions de vie qu’elle engendre. La norme d’hébergement a complètement changé et le centre d’accueil de demandeurs d’asile (CADA) ne représente plus que le tiers des solutions d’hébergement pour les demandeurs d’asile (Zeroug-Vial, 2014). Les priorisations sur l’accès à l’hébergement sont fondées sur des critères familiaux, sociaux, médicaux et induisent un paradoxe : des personnes isolées peuvent se retrouver à la rue, alors qu’elles auront, pour certaines, de grandes chances de se faire régulariser à la vue de leurs pays d’origine.
En France, l’augmentation des demandeurs d’asile était de 85 % entre 2007 et 2014. Elle est encore plus marquée en 2015 avec une augmentation de 22 %. 79 100 migrants ont déposé une requête de protection sur le territoire national selon l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). La grande majorité est déboutée de la demande d’asile. Dans la majorité des cas, l’accompagnement des demandeurs d’asile est mis en échec, étant donné le faible taux d’acceptation de la demande d’asile, qui oscille entre 20 et 25 % selon les années10. Pour reprendre la terminologie des gestionnaires de l’hébergement des demandeurs d’asile, le « stock » des migrants déboutés et en recherche d’autres voies de régularisation ne cesse d’augmenter, d’autant plus qu’il y a longtemps qu’il n’y a pas eu de mouvements collectifs de régularisation. L’aide médicale d’État (AME) permet de déterminer, de façon approximative, le nombre minimum d’étrangers en situation irrégulière, puisque ce droit à la sécurité sociale se destine majoritairement à cette catégorie. Et à la fin de l’année 2014, il y a environ 300 00011 bénéficiaires de l’AME, alors qu’ils étaient 75 000 en 2000, 154 000 en 2002, 202 400 en 2006, puis 252 400 en 2012.
Nous défendons que ce public cumule des vulnérabilités psychiques, sociales et administratives. Cette précarité a bien évidemment des effets sur la santé mentale12. Schématiquement, si avec l’immigré il est question de l’origine de l’individu, de sa culture, si avec l’exilé il est plus question de sa migration et de son caractère forcé, ce type de migrant précaire hybride les deux précédentes figures et ajoute la condition de précarité. Ces catégories sont cumulatives, démontrant aussi la complexification des profils des migrants aujourd’hui. De façon caricaturale, après avoir migré, il faut demander l’asile pour légaliser sa présence sur le territoire français et donc faire valoir une condition de victime. Et dans, 80 % des cas, l’individu est débouté de sa demande et se trouve en situation de précarité. Surtout, nous pensons que la catégorie de migrant précaire est plus opérante pour le clinicien, en désindexant la problématique clinique de la procédure administrative. Très souvent en effet, les problématiques de santé mentale ne se résolvent pas ,avec l’obtention ou non du statut de réfugié. Par rapport à « demandeur d’asile », parler de « migrant précaire » c’est opérer aussi un déplacement de problématique et ne plus inviter le clinicien à être dans le jugement autour du bien-fondé de la demande d’asile. Les problématiques sociales s’entendent de façons extensives et ne peuvent être réduites à la question culturelle. L’enjeu est de caractériser les types de vulnérabilités et d’engager une réflexion sur les modes d’intervention. Cette hybridation est source de confusion et pose alors la question de la légitimité des demandes en santé mentale.
Dans les précédentes figures, l’altérité « étranger » donnait lieu à un traitement spécifique devant le constat que l’immigré ou l’exilé altérait le dispositif de prise en charge classique. Avec cette troisième figure, le migrant précaire représente toujours une altérité qui remet en cause les modalités du travail (notamment clinique), auprès de lui. Mais nous défendons l’idée que l’enjeu est d’en penser l’heuristique dans le droit commun. Cela nous amène maintenant à nous demander en quoi les demandes en santé mentale de ce public mettent à l’épreuve (Ravon, Vidal-Naquet, 2014) les professionnels de ce champ.
Migrants précaires et épreuves de professionnalité
Un public en souffrance ?
Dans nos enquêtes revient la complexité qu’il y a à lire les souffrances du public migrant en situation de précarité. Un psychiatre nous confie, lors d’un entretien, son malaise : « ce qui est difficile avec ce public, c’est qu’on ne sait pas de quoi il souffre ». C’est également la question du traumatisme et des moyens de le prendre en charge qui interroge les cliniciens. Les soignants qui ont travaillé sur le traumatisme sur des terrains militaires, notamment, décrivent des spécificités cliniques liées au traumatisme ou Post-Traumatic Stress Disorder (PTSD). Ainsi : « Des ruptures d’empathie avec les patients gravement traumatisés peuvent être observées. » Sandra Guigueno (Guigueno, 2014) l’explique : « le contre-transfert alors oscille entre déni défensif ou identification inappropriée du thérapeute. » Des patients traumatisés peuvent avoir des difficultés ou mettre du temps à faire confiance au thérapeute tant son lien de confiance en l’autre a été mis à mal. Le traumatisme a aussi un effet sur le soignant. Dans le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM 5) sorti au début de l’année 2015, le traumatisme du thérapeute soumis à des récits traumatiques à répétition est maintenant documenté.
Les professionnels se trouvent en difficulté pour comprendre de quoi souffre ce public, les pathologies ne correspondant pas forcément à des catégories nosographiques identifiées. S’agit-il de souffrance psychique d’origine sociale, de troubles psychiatriques ou de maladie mentale ? Nous sommes alors dans un mouvement très marqué de hiérarchisation des pathologies, et où les problématiques psychosociales ne sont pas forcément légitimes à être entendues dans le champ psychiatrique. En arrière-fond se joue le débat autour du rôle de la psychiatrie à partir d’une définition extensive de la santé mentale.
Cette indétermination sur la souffrance psychique met en difficulté les professionnels du champ de la santé mentale. En psychiatrie, elle remet notamment en cause la position dominante des soignants ou, tout du moins, brouille les frontières des différents métiers. Dans les dispositifs pluriprofessionnels, chacun est tenté de défendre son approche thérapeutique ou sociale, complexifiant aussi la réorientation des patients. Faut-il un logement ou des papiers d’abord pour envisager le soin ? Faut-il au contraire privilégier l’écoute psychosociale, sachant qu’il est difficile d’avoir une prise sur le reste ? Ce sont toutes ces questions qui se posent aux professionnels de terrain et qui induisent une certaine rivalité au sujet des façons d’appréhender la problématique du soin de ces migrants en situation de précarité. Surtout, des professionnels non médicaux détiennent une expertise sociale sur la personne et son parcours, qui peut faire défaut à certains soignants et oblige de ce fait à une circulation du savoir, de façon non hiérarchisée, dans les équipes pluridisciplinaires.
Des demandes administratives ?
Les professionnels de psychiatrie publique sont régulièrement sollicités pour des demandes de certificats – dans le cadre de la demande d’asile – ou de rapports médicaux – dans le cadre de la régularisation au titre de la santé13. Les parcours de soins et les parcours administratifs s’entremêlent, souvent au moment où le demandeur est débouté de sa demande d’asile et que la personne est invitée à demander une carte de séjour « vie privée et familiale ». C’est généralement l’avocat ou l’association qui accompagne la personne, qui l’encourage à solliciter de son thérapeute un rapport médical.
Nathalie Sarthou-Lajus et Richard Rechtman (Sarthou-Lajus, 2011) mettent enavant les difficultés des professionnels à attester des souffrances et traumatismes de leurs patients : « On en est venu à chercher des traces, des preuves de la persécution dans le discours, sur les corps et à traquer le mensonge. » Ces demandes mettent aussi en difficulté les agences régionales de santé (ARS), qui émettent un avis dans la procédure. Un médecin du service prévention et promotion de la santé d’une agence régionale nous a confié ses difficultés à faire face à cet afflux. Il estime que ce ne devrait pas être à la santé de devoir gérer les défaillances des politiques d’asile. Prédominent un sentiment d’instrumentalisation, de débordement et une difficulté à évaluer les pathologies.
Ce qui met également en difficulté les professionnels, c’est la précarité du titre de séjour « vie privée et vie familiale » pour raison médicale, dont la durée est d’une année. Ce titre est reconductible seulement si l’état de santé ne s’améliore pas et nécessite une continuité des soins en France. De fait, il assigne l’étranger à sa condition de malade s’il souhaite rester sur le territoire français.
Certains dénoncent, à travers ces titres de séjour, l’instrumentalisation de la psychiatrie à des fins politiques, et refusent parfois de répondre aux demandes de certificats ou de rapports, afin de ne pas mêler des enjeux de soin et des enjeux administratifs. Ils orientent alors les patients vers des médecins agréés par la préfecture.
De plus, la question de l’autonomie du patient est ici mise à mal. En effet, l’extrême vulnérabilité oblige le migrant à répondre aux attentes des nombreux dispositifs qu’il rencontre dans son parcours. Par conséquent, il existe un paradoxe entre l’activation d’une « capacitation » que l’on peut retrouver dans le soin et l’assignation propre aux dispositifs (victimes, demandeurs d’asile…). Si d’un côté le soin nécessite une demande, cela induit que la personne est en capacité de demander. Le psychiatre se retrouve alors dépositaire d’une demande confuse, à l’origine administrative, mais qui est de fait aussi médicale. Le migrant ne peut pas raconter des histoires, mais seulement la bonne histoire, qui est rarement la même pour l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le psychiatre ou l’assistante sociale… Les professionnels sont mis à l’épreuve du parcours de la personne migrante, de sa saisie et de la connaissance partielle qu’ils en ont.
Le soin des migrants précaires : un enjeu de santé publique ?
Un migrant (in)visible en psychiatrie ?
Au nom de l’universalisme à la française et du principe d’égalité, en psychiatrie publique, la catégorie « étranger » ou « migrant » n’est pas spécifiée. Aucun des textes régissant le soin (plan de santé, rapports psychiatrie) n’évoque la catégorie de migrant comme nécessitant une prise en charge adaptée. On ne crée pas de dispositifs pour étranger sans encourir le risque de discriminer. Le dernier plan santé mentale et psychiatrie (2011-2015) ne mentionne pas le public étranger, mais fait état « des inégalités d’accès aux soins ». L’un des objectifs est alors de « rendre plus accessibles les soins aux populations qui rencontrent des obstacles supplémentaires pour se faire aider ». Parmi les caractéristiques citées figure celle de ne pas parler français. Aucune caractéristique médicale (traumatisme dans le pays d’origine), sociale (droits ouverts ?), administrative (procédure de régularisation ?) n’est évoquée.
Le rapport Robiliard14 d’information sur la santé mentale et l’avenir de la psychiatrie, publié en 2014, fait état des « populations oubliées ». Il note également que deux publics ne peuvent se satisfaire du découpage en secteurs : les précaires et les demandeurs d’asile, qui constituent deux catégories bien distinctes. Les textes nationaux, notamment le plan santé mentale et psychiatrie, déclinés au niveau des agences régionales de santé dans les plans régionaux de santé (PRS) et les programmes régionaux d’accès aux soins et à la prévention (PRAPS), mentionnent de façon plus précise qui sont ces « populations oubliées » ou « non francophones ». Par exemple, la déclinaison bretonne du PRAPS15 précise : « un migrant précaire n’est donc pas un patient comme les autres. Il lui faut une prise en charge adaptée à son vécu. »
La controverse porte alors sur les lieux et les types de prise en charge de ce public. Il se dessine une ligne de tension entre les partisans du droit commun et ceux qui – généralement dans une perspective militante – font valoir que le soin doit être spécifique à ce public, majoritairement hébergé par le tissu associatif. Ainsi, Richard Rechtman (Fassin et al., 2010) explique que pour « répondre aux aspirations et aux éventuels besoins spécifiques de certaines populations, l’État concède à la “société civile”, c’est-à-dire aux associations, une marge de manœuvre significative qui va de la définition des besoins jusqu’à la mise en oeuvre des réponses ». Dans le domaine de la santé mentale des migrants, un nombre important d’associations a créé des dispositifs qui mettent en avant la spécificité du soin proposé afin de compléter l’offre de la psychiatrie publique. Ces professionnels sont considérés comme des experts de ce soin spécifique et sont interpellés comme tels par les partenaires (Roptin, 2011), notamment en psychiatrie publique. Si on porte maintenant le focus sur le droit commun, on retrouve aujourd’hui en grande majorité ce public dans les dispositifs destinés aux précaires.
Des dispositifs de droit commun d’accès aux soins à destination des précaires
La loi d’orientation no 98-657 du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions introduit, dans le Code de la santé publique, l’article L.6112-6 qui prévoit la mise en place de permanences d’accès aux soins de santé (Pass) « visant à faciliter l’accès au système de santé des personnes en situation de précarité, et à les accompagner dans les démarches nécessaires à la reconnaissance de leurs droits ». En 2009, des Pass spécifiques voient le jour, notamment psychiatriques, qui sont conçues comme l’un des modes d’entrée au sein d’un parcours de soins pour des patients en situation de grande précarité sociale, dans le cadre d’un travail de secteur et de droit commun. Les migrants constituent aujourd’hui la majorité du public des Pass psychiatriques dans toutes les grandes agglomérations du territoire. À titre d’exemple, la Pass de l’hôpital psychiatrique du Vinatier, dans le Rhône, accueille un public exclusivement migrant parmi sa file active d’environ un millier de personnes. 25 % d’entre eux sont en cours de procédure de demande d’asile, alors que les autres sont issus de l’asile ou sous procédure Dublin.
La problématique de l’accès aux soins des plus démunis se pose en termes d’accès au droit. Il s’agit de prévoir des dispositifs qui permettent d’obtenir le droit à être soigné, c’est-à-dire l’ouverture des droits à la couverture maladie universelle (CMU) pour toute personne de nationalité française ou étrangère sous condition16, ou l’aide médicale d’État (AME) pour les étrangers en situation irrégulière notamment17. Le fait de bénéficier de l’AME n’est pas automatique : les intéressés doivent déposer une demande et fournir les justificatifs de leur identité et de celle de leurs ayants droit, ainsi que de leur résidence en France et de leurs ressources.
Cependant, au-delà de l’accès au droit à être soigné, son effectivité pose question. En effet, ce n’est pas parce que l’on a le droit à être soigné, que l’on est soigné. Les dispositifs pour précaires visent essentiellement l’accès aux soins (Marques et al., 2013) et non pas le soin véritablement. Ces dispositifs sont des portes d’entrée du soin et doivent ensuite orienter vers le droit commun. Cependant, cela ne va pas de soi. La chef d’un service des urgences d’une structure hospitalière de l’agglomération parisienne nous explique que « l’urgence, c’est un très bon observatoire en fait des dysfonctionnements […] Les populations qui arrivent aux urgences, c’est qu’elles n’ont pas de réponse ailleurs ». Le constat est fait qu’en dépit d’une diversification des dispositifs d’accès au droit et de prises en charge médico-sociales, les publics cumulant de grandes vulnérabilités (sociales, médicales, administratives et juridiques), souvent imbriquées, parviennent difficilement à s’inscrire durablement dans les circuits d’affiliation classiques (Marianne et al., 2011). Du fait des difficultés à orienter, les personnels de ces dispositifs se retrouvent à faire du soin et sont donc rapidement saturés.
Pour une meilleure prise en charge en psychiatrie publique des migrants précaires
Notre proposition consiste à prendre au sérieux les difficultés dans la prise en charge de ce public migrant précaire et de les faire exister comme telles. Des ruptures de soin aux passages aux urgences, la difficile orientation vers les structures de droit commun est partagée par de nombreux migrants précaires. Les difficultés organisationnelles les plus importantes portent sur la problématique de la sectorisation, l’accès à l’interprétariat et la segmentation des dispositifs de prise en charge.
La sectorisation
Des difficultés qui remontent dans le cadre de nos activités18, la principale porte sur la problématique d’inscription dans le secteur des demandeurs d’asile et, plus globalement, des migrants précaires. Les premiers peuvent être hébergés en centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA), en hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (HUDA) ou dans d’autres structures collectives et peuvent constituer une population et, donc, une patientèle importante dans certains quartiers. Le découpage du secteur est critiqué notamment par les professionnels des centres médico-psychologiques implantés à côté de dispositifs d’hébergement, qui accueillent des migrants et n’ont pas les moyens de faire face aux nombreuses demandes.
Les migrants en situation de précarité et notamment ceux déboutés de l’asile possèdent une domiciliation administrative qui ne correspond pas à une adresse effective. Là encore, des équipes soignantes dénoncent le fait que le territoire dont dépend la structure qui domicilie soit surchargé de demandes. Une des réponses des structures hospitalières est d’inscrire les étrangers, comme les SDF, sur des tours organisés aléatoirement et différemment d’un territoire à l’autre. Cela fonctionne difficilement, notamment pour les consultations. Cela paraît d’autant plus problématique que l’idée même du secteur, au moment où il a été mis en place, était de rendre accessible le soin au plus près des habitations des individus. On assiste aujourd’hui à un retournement du secteur, qui se traduit par l’exclusion de certains publics.
L’accès à l’interprétariat
Si l’interprétariat est souvent abordé avant tout comme une difficulté clinique19, il apparaît également comme problématique dans l’organisation des soins. Un diagnostic, effectué en partenariat avec le service qualité d’un hôpital breton, a démontré que les soignants ne connaissent pas forcément la procédure pour faire appel à un interprète, la trouvent trop fastidieuse, et choisissent, pour des raisons organisationnelles, de s’en passer. Certains soignants considèrent également que faire appel à un interprète représente un coût important, sans que leur hiérarchie ne restreigne le recours.
Cette question du coût lié à l’interprétariat revient dans certains hôpitaux, notamment quand il s’agit des Pass et des équipes mobiles psychiatrie précarité. La controverse pour ce dernier dispositif porte sur la prise en charge des coûts quand les interventions se font notamment dans les CADA. Le récent projet de loi de modernisation de notre système de santé, dans l’article 90 L. 1110-13, insiste sur l’importance de l’interprétariat : « la médiation sanitaire et l’interprétariat linguistique visent à améliorer l’accès aux droits, à la prévention et aux soins des personnes éloignées des systèmes de prévention et de soins, en prenant en compte leurs spécificités. » La revendication portée par des associations – comme le comité médical pour les exilés (Comede) – est d’avoir un service public d’interprétariat qui permettrait d’éviter certains non-recours et aussi, aux psychiatres libéraux, de faire appel à des interprètes sans supporter ou faire supporter le coût. Nous défendons l’idée selon laquelle s’exprimer dans sa langue est aussi une question de santé publique. Le droit à comprendre et à se faire comprendre dans une langue maternelle ou usuelle apparaît comme une condition pour construire un système de santé égalitaire.
Une nécessaire coordination des acteurs
La segmentation des différents champs qui accueillent, accompagnent ou soignent ce public et la multiplicité des dispositifs entraînent une segmentation des prises en charge. À travers nos enquêtes et nos activités, nous constatons que les professionnels amenés à prendre en charge ce public souffrent d’isolement, que ce soit au sein des équipes ou des institutions. Il importe pour les professionnels de bénéficier d’espaces d’échanges, de partager les problèmes auxquels ils sont confrontés. Cela rejoint en partie le souci porté par Bertrand Ravon de « refaire parler le métier » (Ravon, 2012) et d’étayer le « faire-équipe » : « l’équipe est le résultat du travail réflexif qui se trame petit à petit à partir de controverses, lesquelles obligent à des ajustements et des accordages. L’équipe est en ce sens un collectif rassemblé par des épreuves partageables et non par des appartenances ou des conceptions communes. “Faire équipe”, ce n’est pas un idéal, mais une charge commune, celle de s’accorder sur un fond de désaccords persistants. » Cette perspective peut aussi se penser à une échelle interinstitutionnelle. Un certain nombre de professionnels rencontrés lors de nos enquêtes émettent la crainte d’être submergés par ces prises en charge très prenantes et de se retrouver, là encore, isolés dans leur pratique. De ce fait, il ne s’agit pas de faire équipe, mais de se concerter et de travailler collectivement, voire que les différentes institutions fonctionnent en communauté.
Dans cette dynamique, les espaces collectifs sont des ressources (Molinier, 2009) devant les difficultés à tenir son rôle professionnel, à travailler avec d’autres dispositifs afin de permettre une meilleure prise en charge de ce public. Faire réseau entre les différents champs (psychiatrie, travail social, éducation…) passe à la fois par un travail de distinction des univers professionnels (possibilités, attributs, contraintes, histoire institutionnelle) et par la mise au travail de ce qui pose problème aux acteurs dans leurs activités pratiques. À ce titre, il nous semble qu’il existe un réel enjeu pour formaliser les coordinations d’acteurs, professionnels de terrain, universitaires ou institutionnels.
Conclusion
Nous avons fait valoir tout au long de cet article une complexification de l’appréhension de l’altérité « étranger » en psychiatrie. Nous aurions affaire aujourd’hui à un être qui est à la fois une personne migrante, un demandeur d’asile et un individu en situation de précarité. En cumulant différentes vulnérabilités, il étend le champ de la prise en charge, interrogeant par là même la part des problématiques de santé mentale dans ses vulnérabilités.
Nous avons finalement caractérisé une évolution qui fait de l’étranger non seulement un autrui culturel, mais aussi un autrui social. Notre propos a alors ceci de paradoxal : il vise à la fois à souligner les épreuves, de façon générale, auxquelles sont confrontés les migrants et les professionnels qui les soignent et il invite aussi, à travers cette catégorie, à interroger la singularité des parcours et, ce faisant, à se poser des questions et à enquêter sur l’articulation entre questions sociales et problématiques de santé mentale.
Sous la forme d’une présentation des enjeux et controverses, nous avons voulu documenter le difficile accès aux soins du public migrant précaire et, par la même occasion, le rendre visible. Ce qui nous intéresse dans l’altérité « migrant précaire », ce n’est pas ce qui sépare le professionnel du migrant et qui serait à réduire, mais ce qui met justement le professionnel en difficulté, ce qui vient lui poser problème alors qu’il vient l’accompagner, le soigner, et qu’il serait à soutenir… Nous faisons l’hypothèse que ce migrant précaire, comme le SDF des années 1990, représente la pointe avancée de choses communes. Il serait la figure du « social problématique » et du « mental perturbé », pour reprendre l’expression utilisée par Marcelo Otero (Otero, 2010). En vis-à-vis de cliniques spécifiques, où le problème du soin des migrants se résout dans l’existence d’un dispositif adapté pour ce public, nous pensons qu’il s’agit ici de recalibrer les modalités d’organisation des soins en psychiatrie, comme de permettre un accès aisé à l’interprétariat.
Notes de bas de page
1 L’Orspere-Samdarra – Observatoire national « santé mentale, vulnérabilités et sociétés » dirigé par Halima Zeroug-Vial : http://orspere-samdarra.com/http://www.ch-le-vinatier.fr/orspere-samdarra.html.
2 Il ne faut pas confondre une migration clandestine avec une présence irrégulière sur le territoire. Ainsi, le fait de demander l’asile légalise le séjour, le temps de la procédure. A contrario, on peut venir légalement (avec un visa touristique par exemple) et passer – ou basculer – par la suite en situation irrégulière.
3 Notamment Albert Ifrah, disciple de Georges Devereux et « critique sévère de la psychopathologie de la migration, il souhaite remettre en scène le registre de l’individu », selon Fabien Gouriou (2008, p. 28), ou encore Ifrah A., Le Maghreb déchiré. Tradition, folie et migration, Claix, La Pensée sauvage, 1980.
4 Ces consultations sont marginales également en ressources. À titre d’exemple, la file active de l’unité départementale intersectorielle de l’hôpital de Ville-Évrard, deuxième plus grand hôpital psychiatrique de France, est de 123 patients en 2013. La consultation ethnopsychiatrique également intersectorielle et départementale de l’hôpital du Rouvray est de 6 heures par mois.
5 http://www.clinique-transculturelle.org/pdf/brochure_consultation.pdf
6 Manuel diagnostic et statistique des troubles mentaux.
7 Terme créé par Michel Foucauld pour désigner une affirmation vraie pour un sujet et pas nécessairement objectivement (N.D.L.R.).
8 Valérie Létard, sénatrice et Jean-Louis Touraine, député, ont remis leur rapport sur la réforme du droit d’asile au ministre de l’Intérieur Manuel Valls, le 28 novembre 2013.
9 Dans une nouvelle version du livret, mise en ligne, on peut lire : « En France, il existe cinq centres de soins dédiés aux victimes de la torture ou de violences politiques, et cinq autres qui accueillent plus largement les exilé.e.s, parmi lesquels un nombre important de victimes de torture ou de violences politiques. »
10 Pour 2015, il est exceptionnellement de 31,5 %, notamment parce que les Syriens, qui représentent 10 000 demandes, voient leurs demandes quasiment toutes acceptées.
11 Selon une dépêche du 3 novembre 2015 (APM), le nombre de bénéficiaires de l’Aide médicale de l’État (AME) a progressé de 4,2 % en 2014 et s’approche désormais des 300 000, selon un rapport du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) de l’Assemblée nationale.
12 Nous vous renvoyons ici aux travaux de l’Orspere sur la clinique psychosociale.
13 Selon un médecin inspecteur (il n’existe pas de statistiques à ce sujet) d’une agence régionale de santé, en 2013, plus de la moitié des demandes se font au titre de la santé mentale.
14 http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rap-info/i1662.pdf
16 Résidant en France depuis plus de trois mois de façon stable et régulière et pour les demandeurs d’asile – qui n’ont donc pas à justifier de ces trois mois de résidence.
17 Et qui justifient d’une présence en France depuis plus de trois mois. Elle permet la prise en charge des soins à 100 % dans la limite des tarifs conventionnels.
18 Notamment une permanence téléphonique « santé mentale migrants », financée par l’agence régionale de santé Rhône-Alpes à destination des professionnels et bénévoles.
19 C’est l’objet du no 55 de la revue Rhizome, « l’interprétariat en santé mentale » et une partie de la réflexion du travail en cours, financé par l’Agence nationale de la recherche : « Réfugiés, migrants et leurs langues face aux services de santé » porté par Véronique Traverso (laboratoire Icar, École normale supérieure).
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