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Prise en charge des troubles post-traumatiques

Wissam EL-HAGE - CHRU de Tours, Pôle de psychiatrie, Cump 37, Université de Tours, Inserm, UMR 1253, iBrain, CIC 1415, Tours

Année de publication : 2018

Type de ressources : Rhizome - Thématique : Psychiatrie, SCIENCES MEDICALES

Télécharger l'article en PDFRhizome n°69-70 – Soigner le traumatisme ? (décembre 2018)

La prise en charge des troubles post-traumatiques requiert un dépistage des traumas vécus ainsi qu’une évaluation systématique de leurs conséquences sur le plan personnel, social, familial et professionnel. Cette étape constitue un préalable indispensable pour définir la stratégie thérapeutique adaptée à la personne et au contexte du soin.

Les troubles post-traumatiques sont divers et ne se limitent pas au seul trouble de stress post-traumatique (TSPT), prenant la forme d’une anxiété pathologique, d’une dépression, d’une addiction ou de troubles des conduites. Tout traitement devra tenir compte de la présentation symptomatique, mais surtout aboutir à l’intégration du traumatisme dans l’histoire du sujet 1.

Psychothérapies

La thérapie requiert une relation de confiance, une communication claire et un cadre fiable, en opposition au cadre transgressé par le trauma. La thérapie définit un cadre de soins et peut impliquer plusieurs professionnels avec des compétences complémentaires, en vue d’aboutir à une résilience assistée. Les thérapies à proposer en première intention sont des psychothérapies structurées ayant démontré la preuve de leur efficacité, centrées sur le trauma, à savoir : la thérapie cognitivo-comportementale (TCC), la thérapie d’exposition prolongée (TEP), l’intégration neuro-émotionnelle par les mouvements oculaires (eye movement desensitization and reprocessing, EMDR), la thérapie des processus cognitifs (TPC) et la thérapie brève éclectique. D’autres thérapies gardent un intérêt clinique réel, bien que leur efficacité soit moins incontestable, comme la thérapie narrative avec exposition ou l’hypnose, comme une thérapie adjuvante. Nous évoquons ici quelques stratégies thérapeutiques de façon non exhaustive2.

Exposition prolongée

Le principe thérapeutique de l’exposition prolongée (EP) repose sur l’activation répétée du souvenir traumatique avec engagement émotionnel et incorporation d’informations correctives de la vision du monde et de soi. L’objectif est de lutter contre l’évitement mental et comportemental, qui empêche toute transformation du souvenir traumatique. L’EP est un traitement efficace, bien toléré et sécure, considéré comme le gold standard, ou le traitement de référence. Elle permet d’apprivoiser les situations évitées et le souvenir du trauma de façon graduelle, prolongée et répétée. L’EP associe ainsi une exposition en imagination et des exercices d’exposition in vivo. Elle demeure toutefois peu utilisée. Les obstacles à l’accès à l’EP viennent autant des perceptions négatives des cliniciens et de leur méconnaissance du traitement que de l’évitement des patients.

Psychothérapie EMDR

L’EMDR occupe une place grandissante dans la prise en charge des victimes de traumas. Elle bénéficie de résultats convaincants et fait l’objet d’une diffusion large. Les cliniciens la considèrent comme un soin psychique de premier plan pour traiter les traces traumatiques. L’EMDR s’appuie sur un modèle de traitement en huit phases qui guident la conceptualisation de cas et le plan de traitement dans la prise en charge. Son indication paraît incontestable dans le TSPT, mais elle est plus controversée dès lors que l’on est confronté à des traumatismes complexes. L’EMDR, comme la plupart des autres approches d’ailleurs, se révèle insuffisante lorsqu’elle est utilisée seule. Il est alors nécessaire d’envisager une prise en charge plus intégrative qui ne se réduit pas à l’application du protocole standard.

Thérapie des processus cognitifs

La thérapie des processus cognitifs (TPC) est un traitement cognitif comportemental centré sur les traumas, structuré et manualisé. L’accent est mis sur les pensées et les croyances qui ont été modifiées par les traumas, lesquelles alimentent les symptômes du TSPT et constituent des points de blocage qui empêchent le rétablissement. La TPC exerce une incidence positive sur les symptômes dépressifs comorbides et vise à flexibiliser les modes de pensées, principalement via la restructuration cognitive. Elle a été validée auprès de populations victimes de traumas variés et/ou multiples. Le traitement manualisé comprend douze séances. Il nécessite un investissement soutenu de la part du patient, sous forme d’exercices à réaliser quotidiennement. Bien que son efficacité soit largement appuyée par les données probantes, plusieurs patients conservent des symptômes persistants au terme du traitement.

Thérapie narrative

Les histoires traumatiques fabriquent des conclusions identitaires négatives. La thérapie narrative aide le sujet à trouver de nouvelles significations aux traumas et à comprendre le sens des émotions dissociées. Elle amène également le sujet à se reconnecter à ses valeurs, parcourir des événements vécus où les actions sont en rapport avec les intentions, et où celles-ci peuvent se traduire par des prises d’initiatives. Cela refaçonne une identité narrative en mouvement, en lien avec une sécurité relationnelle retrouvée. L’approche narrative des traumas complexes va aider le sujet à se stabiliser avant d’aborder le travail sur les conséquences du trauma dans le présent. Ces conséquences sont travaillées dans le champ de l’action où le trauma a été vécu, de la relation lorsque le sujet a manqué de tiers sécure, et dans le champ des intentions et des valeurs. En reliant les vécus sensoriels à des expériences intentionnelles, la mise en récit redonne au processus d’autoaffection son rôle central, pour redonner sens aux mots dans la vie du sujet.

Hypnose

L’hypnothérapie a tout à fait sa place dans le traitement du TSPT, seule ou en association à d’autres psychothérapies. Son efficacité est prouvée même si elle reste moins étudiée que d’autres modalités. L’hypnose offre un cadre contrôlé, stratégique et sécurisé à la relation thérapeutique qui permet l’exposition au souvenir traumatique dans un état de conscience particulier. C’est en utilisant la dissociation hypnotique que la dissociation pathologique peut s’apaiser et qu’un phénomène d’intégration peut s’effectuer. L’hypnose permet de visiter à nouveau le trauma en l’enrichissant d’informations supplémentaires, en l’élargissant. Plus le praticien dispose d’informations, plus les angles de vue ou les manières de considérer le trauma sont possibles pour que le trauma puisse être considéré différemment. Le seul préalable non technique à la pratique de l’hypnose est d’avoir confiance dans les ressources du patient. Y croire est en effet indispensable. C’est le meilleur moyen pour qu’il se saisisse du cadre de l’hypnose pour devenir acteur, qu’il se saisisse de la sécurité relationnelle pour s’exposer, qu’il se saisisse de l’enrichissement sensoriel pour pouvoir choisir de lire autrement la scène traumatique.

Enfant et adolescent

Des soins précoces et adaptés sont requis devant la fréquence, la sévérité des symptômes de TSPT chez l’enfant et l’adolescent en raison de leur impact en termes de développement psychoaffectif et de construction de la personnalité. Les approches psychothérapeutiques sont à privilégier en population pédiatrique. La thérapie de référence est la TCC centrée sur le trauma. D’autres thérapies ont montré des effets bénéfiques, comme la TE narrative (KidNET, par exemple), l’EP et l’EMDR. Les stratégies thérapeutiques dépendent de l’âge de l’enfant, du délai, du type de trauma et de ses manifestations cliniques. La participation parentale aux soins de l’enfant, les thérapies de groupe et les interventions scolaires améliorent la symptomatologie. La prescription médicamenteuse n’est pas préconisée en dehors des situations de symptômes sévères, chroniques, résistants, ou de comorbidités. Le manque de professionnels formés à ces psychothérapies constitue une limite aux prises en charge du jeune public.

Thérapie médicamenteuse

Aucun médicament n’a été développé dans le but de traiter spécifiquement le TSPT. Les psychothérapies peuvent être complétées par la prescription de certains psychotropes ou d’autres thérapies de potentialisation, mais dont la taille d’effet de leur efficacité reste moindre en comparaison aux psychothérapies.

L’utilisation de sédatifs ou d’hypnotiques peut être nécessaire afin de réduire les effets délétères du syndrome de reviviscence et de restaurer le sommeil. D’autres médicaments ont pu être proposés dans le TSPT aigu. L’hydroxyzine par exemple joue un rôle positif dans la gestion de l’anxiété ou du sommeil, mais sans effet thérapeutique sur l’extinction de la peur. Les benzodiazépines sont contre-indiquées, en raison du risque élevé de dépendance et d’addiction qu’elles présentent3.

Les antidépresseurs sont reconnus comme efficaces. Ils peuvent être prescrits en seconde intention ou en cas de comorbidité dépressive. Le traitement doit être ajusté de façon rationnelle en ciblant les symptômes prédominants. En France, seules la paroxétine et la sertraline sont indiquées dans le TSPT. À l’international, d’autres molécules sont également recommandées comme la fluoxétine et la venlafaxine. Le risque d’effets secondaires des antidépresseurs est à noter, ainsi que le coût plus élevé du traitement, sa moindre acceptabilité et le risque de rechute en cas d’arrêt. En cas de non-réponse, la nefazodone, l’imipramine ou la phenelzine sont à prescrire en monothérapie. Les patients répondeurs doivent continuer le médicament pendant au moins un an avant toute tentative de réduction, en amont de son arrêt éventuel. D’autres molécules ne peuvent pas être recommandées en l’absence d’un niveau de preuves suffisant (la prazosine ou les antipsychotiques, par exemple). La pharmacothérapie du TSPT est peu investie par la recherche, mais il serait intéressant pourtant de disposer de protocoles thérapeutiques qui cibleraient certaines caractéristiques du TSPT (comme l’irritabilité, le sommeil, la dissociation).

Des médicaments de potentialisation des thérapies d’exposition sont également à l’étude. Ces nouvelles stratégies consistent à renforcer l’effet des psychothérapies par des médicaments (propranolol, D-cyclosérine, MDMA, hydrocortisone, yohimbine, ocytocine, par exemple). Des essais cliniques évaluent l’efficacité des médicaments de potentialisation de la thérapie d’exposition versus placebo. D’autres études suggèrent l’intérêt des bêta-bloquants comme le propranolol dans l’extinction de la peur associée au souvenir traumatique. Le rôle et l’efficacité de ces nouvelles stratégies thérapeutiques restent à définir de manière plus fine dans les prochaines années.

Neurostimulations

Les techniques de stimulation cérébrale sont en plein développement. La stimulation magnétique transcrânienne (transcranial magnetic stimulation [TMS]), l’électroconvulsivothérapie (ECT), le bloc du ganglion stellaire ou la stimulation du nerf vague (VNS) ne possèdent pas de niveau de preuves suffisant de leur efficacité. Les données actuelles sont insuffisantes pour garantir l’efficacité et l’innocuité de ces techniques dans le traitement du TSPT. Les efforts mis en œuvre par la recherche ne cessent de préciser les protocoles de stimulation adaptés à chaque pathologie et améliorent leurs retombées cliniques. Considérant le modèle neurobiologique actuellement proposé pour expliquer le TSPT, chacune de ces méthodes pourrait présenter un avantage spécifique. L’implication des régions corticales préfrontales médiane, insulaire et cingulaire antérieure favoriserait par exemple des approches basées sur des stimulations corticales. Au vu du rôle primordial d’autres structures plus profondes telles que l’amygdale, leur stimulation pourrait ainsi s’avérer intéressante.

Conclusion

Les thérapies d’exposition, en particulier les TCC centrées sur le trauma, l’EMDR et la thérapie d’exposition sont unanimement recommandées pour le TSPT. Le traitement pharmacologique n’est pas le traitement de première intention. Une stratégie thérapeutique peut s’élaborer en fonction de l’individu, du type de traumatisme vécu, de ses symptômes, mais aussi de nos propres outils thérapeutiques. La prise en charge doit évaluer la gravité d’un traumatisme, catégoriser les symptômes et proposer des thérapies accessibles et cliniquement pertinentes. Dans la prise en charge des victimes de traumas, et particulièrement des migrants, il faut tenir compte des particularités culturelles et du rôle de la communauté et de la famille dans le processus individuel de récupération des traumas. L’attitude du thérapeute doit rester empathique, de soutien moral et d’encouragement, et elle doit tenir compte sans les juger des singularités du patient, dans le but de comprendre chaque individu dans son originalité culturelle.

Notes de bas de page

1 Canini, F., El-Hage, W. et Garcia, R. (2017). ABC des psychotraumas. Le trouble de stress post-traumatique. Savoir pour guérir. Villers-lès-Nancy : Mona édition SAS.
2 El-Hage, W. et, Bilodeau, M. (2018). Stratégies thérapeutiques des traumas. 116e Rapport du Congrès de psychiatrie et de neurologie de langue française. Tours : Presses universitaires François-Rabelais.
3 El-Hage, W. (2014). État de stress post-traumatique. Dans B. Millet, J. M. Vanelle, J. Benyaya, Prescrire les psychotropes (2e éd.). Paris : Elsevier Masson.

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