De nombreuses communications scientifiques internationales, rapportées notamment dans la revue The Lancet dès février 20201, ont alerté les politiques et la communauté scientifique quant à l’impact de l’épidémie de la COVID-19 sur la santé mentale des populations. Les recommandations associées portaient principalement sur la mise en place de dispositifs de conseil et d’aide psychologique à distance à destination du grand public.
En France, dès mars 2020, les données ont confirmé la dégradation de la santé mentale de la population avec une forte augmentation des troubles anxieux, dépressifs ainsi qu’une prévalence élevée de problèmes de sommeil2. Une plateforme téléphonique nationale d’information coronavirus a été déployée par le ministère des Solidarités et de la Santé, via le numéro vert grand public 08 00 13 00 00, accessible 7 j/7 et 24 h/24 pour répondre aux questions sur la COVID-19. En complément, un dispositif innovant et partenarial a été mis en place, afin de proposer à la population, dès avril 2020, une orientation vers une écoute téléphonique de soutien et si besoin vers une prise en charge médicopsychologique de proximité. Ce dispositif repose sur trois niveaux.
En premier niveau, la Plateforme nationale d’information coronavirus est assurée par des conseillers, salariés des opérateurs du centre d’appels Sitel3, prestataire du ministère. Lorsque les conseillers repèrent des personnes qui expriment, dans leur discours, un besoin de soutien psychologique ou présentent des manifestations de stress ou de détresse psychologique, il est proposé à l’appelant d’être transféré vers une plateforme d’écoute et de soutien psychologique. Si l’appelant ne souhaite pas que son appel soit transféré, les conseillers peuvent lui communiquer le numéro des différentes lignes qu’il pourra contacter directement en cas de besoin.
En deuxième niveau, la Plateforme nationale d’écoute et de soutien psychologique s’adresse à toute personne ressentant le besoin de parler, quels que soient son âge ou sa situation, 24 h/24 et 7 j/7. Elle regroupe plusieurs associations qui agissent, dans le cadre de ce dispositif, dans le respect de procédures communes de repérage et d’orientation. Elle est assurée soit par des écoutants formés à l’aide à distance en prévention du mal-être, soit par des professionnels de santé. Ils sont salariés ou bénévoles des dispositifs téléphoniques Croix-Rouge Écoute, Écoute Santé, SOS Amitié et SOS Crise. Deux structures ont rejoint plus récemment le dispositif pour répondre aux besoins de populations spécifiques : le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) avec sa plateforme « Entraide ordinale » pour l’écoute et la prise en charge des professionnels et personnels de santé et « Pros-Consulte », puis « ACCA » (depuis mi-décembre 2020), pour l’écoute et la prise en charge des télétravailleurs.
Si les écoutants repèrent pendant l’appel un caractère de sévérité de la souffrance psychologique, ils proposent alors à l’appelant d’être recontacté par un professionnel de santé mentale en vue d’une prise en charge médicopsychologique.
En troisième niveau, la prise en charge médicopsychologique est assurée par des professionnels de santé mentale (psychiatres et psychologues) des cellules d’urgence médicopsychologique (Cump), en fonction du lieu de résidence des appelants. Ils reçoivent une fiche, transmise par les écoutants du deuxième niveau avec les coordonnées de l’appelant et un résumé des symptômes présentés, qui leur permet de recontacter l’appelant et de lui proposer une prise en charge adaptée.
À tous les niveaux, en cas de risque suicidaire, une procédure d’urgence est appliquée reposant sur une liste de critères de repérage du risque suicidaire puis sur une prise en charge par les secours. Que ce soit en premier ou en deuxième niveau, le conseiller ou l’écoutant propose à l’appelant de contacter les secours et recueille ses coordonnées avec son consentement. Un référent du dispositif contacte alors le 15 et transmet les coordonnées de l’appelant. Le conseiller ou l’écoutant reste en communication avec l’appelant jusqu’à ce que le relais soit pris par les services d’urgence.
Enfin, en complément de ce dispositif, les conseillers du premier niveau disposent d’un annuaire des dispositifs d’aide à distance qui leur permet d’orienter les appelants en fonction de problématiques plus ciblées : service de livraison solidaire, violences conjugales, violences aux enfants, parentalité, addictions, deuil, écoute multilingue…
À ce jour, et depuis la mise en place de ce dispositif, près de 22 000 appels ont été renvoyés du premier au deuxième niveau pour assurer une écoute de la souffrance psychologique et près de 350 transferts ont été réalisés pour une prise en charge par les Cump.
Notes de bas de page
1 Bao, Y., Sun, Y., Meng, S., Shi, J. et Lu, L. (2020). 2019-nCoV epidemic: address mental health care to empower society. The Lancet, 395(10224), e37-e38 ; Liu, S., Yang, L., Zhang, C., Xiang, Y. T., Liu, Z., Hu, S. et Zhang, B. (2020). Online mental health services in China during the COVID-19 outbreak. The Lancet Psychiatry, 7(4), e17-e18 ; Brooks, S. K., Webster, R. K., Smith, L. E., Woodland, L., Wessely, S., Greenberg, N. et Rubin, G. J. (2020). The psychological impact of quarantine and how to reduce it: rapid review of the evidence. The Lancet, 395(10227), 912-920.
2 Santé publique France. (2020, décembre). COVID-19. Point épidémiologique hebdomadaire du 3 décembre 2020. Repéré à https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-et-infections-respiratoires/infection-a-coronavirus/documents/bulletin-national/covid-19-point-epidemiologique-du-3-decembre-2020
3 Renforcée pour la période du premier confinement de mars à mai 2020 par la plateforme Téléperformance.