Vous êtes ici // Accueil // Publications // Rhizome : édition de revues et d'ouvrages // Rhizome n°80-81 – Échos de la violence (juillet 2021) // Les Résilientes : libérer la parole des victimes de violences sexuelles

Les Résilientes : libérer la parole des victimes de violences sexuelles

Anya Tsai - Fondatrice et présidente de l’association Les Résilientes, Coach professionnelle certifiée, praticienne en PNL et hypnose

Année de publication : 2021

Type de ressources : Rhizome - Thématique : SANTE MENTALE

Télécharger l'article en PDFRhizome n°80-81 – Échos de la violence (juillet 2021)

L’association Les Résilientes a été fondée en 2018 suite à un constat : la quasi-inexistence de groupes de parole à Paris pour les femmes victimes de violences sexuelles. La mission de l’Association est d’encourager la libération de la parole des victimes en leur donnant les moyens de s’exprimer et de partager leur expérience. Des groupes de parole ont été créés pour répondre à un besoin fondamental quand on a subi ces violences : le sentiment d’appartenance à une communauté de personnes qui ont traversé des épreuves similaires.

À mon sens, nous n’exploitons pas suffisamment la puissance du travail en groupe dans les parcours de reconstruction. J’ai pu constater que certains pays, anglophones notamment, avaient une culture des groupes plus fortement ancrée qu’en France. Des groupes de parole sont proposés sur de multiples thématiques (deuil, maladie, dépendances, addictions…). Un des groupes les plus connus, et dont les bénéfices ne sont plus à prouver, est notamment celui des Alcooliques anonymes. Comme il n’existait quasiment pas de lieux ni de structures proposant des groupes de parole autour des violences sexuelles à Paris, la demande a été très forte. Rapidement, il nous a fallu en augmenter le nombre.

Puis, des demandes supplémentaires ont émergé, nous poussant à élargir ce que nous proposions. Des groupes de parole spécifiques ont été tout d’abord créés pour les hommes victimes, puis pour les personnes transgenres. Au départ, aucun groupe spécifique n’existait pour ces dernières. Elles étaient donc intégrées, selon leur préférence, dans les groupes destinés aux hommes ou aux femmes. Parfois, elles choisissaient même de participer aux deux. Ainsi, il m’est alors apparu comme évident, et dans la continuité des missions des Résilientes, de proposer des groupes mixtes. Le fait de proposer des groupes non genrés au sein de l’Association prenait tout son sens. Ces groupes mixtes sont profondément enrichissants, à la fois pour les participants, mais également pour les animateurs.

Déroulement des groupes de parole

Les groupes de parole de l’Association sont animés par des bénévoles professionnels de l’accompagnement (psychologues, thérapeutes, sexologues, coachs professionnels entre autres) qui sont formés et sensibilisés à la problématique des violences sexuelles. Chaque groupe est encadré par deux animateurs professionnels et reçoit un maximum de 12 participants.

Une séance de groupe dure deux heures et s’instaure dans un cadre de confidentialité, de bienveillance, d’écoute, de non-jugement, de respect et d’un temps de parole équitable. Un thème peut être proposé en amont et défini à l’avance avec les animateurs, ou être sur le thème de la parole libre.

Un temps de parole est proposé à chaque participant. Il n’y a pas d’obligation de parler ni de raconter son histoire. Il peut être difficile de se confier, surtout lors des premières participations. Même si le participant ne parle pas, écouter les autres est très enrichissant. Les personnes peuvent se reconnaître dans les récits des autres ou dans les difficultés rencontrées au long de leur parcours. Il n’est pas rare que des personnes libèrent pour la première fois leur parole lors d’un tel exercice.

Les groupes proposés par l’Association ne sont pas des groupes thérapeutiques ni de thérapie collective, même si la participation à ces réunions peut avoir des vertus thérapeutiques. Les groupes proposés sont des espaces d’échange, d’écoute et de partage, en toute confidentialité. Il est important de souligner que la participation à un groupe de parole ne remplace pas un accompagnement — thérapeutique ni médical qui peut être nécessaire. Il agit donc en complément d’un travail individuel.

Une interaction se produit lors d’un groupe de parole, les échanges ont lieu dans les deux sens : donner-recevoir et recevoir-donner. Les participants ne sont pas présents juste pour recevoir du groupe, mais ils donnent d’eux-mêmes, notamment via leur présence, leur écoute, leur soutien. Le groupe de parole permet d’apprendre de l’expérience des autres, mais également sur soi-même.

Enfin, j’ai pu suivre, via l’Association, l’évolution des personnes que j’accompagne en groupes de parole et les résultats sont très encourageants.

Bénéfices des groupes

Participer à un groupe de parole permet tout d’abord de sortir de la solitude et de l’isolement. Se sentir seul ou marginalisé est un sentiment très fréquent chez les victimes de violences sexuelles. Savoir que nous ne sommes pas seuls, que d’autres personnes passent par les mêmes doutes, émotions ou difficultés est d’une aide précieuse dans un parcours de résilience. Pouvoir écouter d’autres parcours de personnes ayant traversé les mêmes épreuves est très bénéfique.

Le groupe de parole est un espace sécure pour libérer sa parole et s’exprimer en toute confidentialité, bienveillance et sans jugement. Les participants me relatent souvent la difficulté de trouver des espaces de parole où l’on se sent écouté et compris, sans être jugé. L’entourage n’a pas toujours cette capacité d’accueil de la parole et d’écoute sans jugement, alors que ce sont des besoins essentiels pour les victimes. La libération de la parole permet également d’atténuer les ruminations intérieures.

Faire partie d’un groupe, c’est également profiter de la synergie d’un groupe qui avance vers un même but : une libération et un mieux-être. On peut observer une synchronisation et une identification aux membres du groupe. Enfin, les groupes répondent à un besoin fort de reconnaissance et d’appartenance. C’est pourquoi il est à mon sens essentiel de prendre en compte les bénéfices incontestables des groupes de parole après des violences sexuelles, et de les intégrer dans un parcours de reconstruction des victimes.

À LIRE…

Tsai, A. (2021). L’or de nos cicatrices. Se libérer et se reconstruire après des violences sexuelles. First Éditions.

 

Publications similaires

Réguler la cyberviolence : pour un retour des conventions sur Internet

adolescence - violence sexuelle - numérique - cyberviolence

Julie Alev Dilmaç - Année de publication : 2021

L’agression : une brèche dans l’ordre moral

psychiatrie publique - victime - psychotraumatisme

Dominique DRAY - Année de publication : 2003

Les personnes exilées à la frontière : quand la violence ricoche sur les soignants

agression - frontière - permanence d'accès aux soins de santé (PASS) - épuisement professionnel - agression - violence - exil - souffrance psychique - vulnérabilité - violence - agression