RÉSUMÉ
Cet article propose de documenter comment la perspective novatrice du concept de rétablissement se déploie aujourd’hui dans le champ du handicap, que ce soit dans une perspective de recherche, de soutien ou d’existence, thématisant sur ces différents plans la question de la reconnaissance. Il s’appuie sur les données recueillies au sein d’une recherche mixte (quantitative et qualitative) pluridisciplinaire (sciences humaines, sociales et médicales) destinée à explorer les parcours et facteurs de rétablissement des personnes vivant avec des troubles psychiatriques sévères, ciblant parmi cette étude les personnes ayant choisi d’évoquer la reconnaissance de leur handicap et les impacts associés. Après avoir situé le principe de rétablissement et quelques-uns de ses apports dans les conceptions et pratiques de la santé mentale, une réflexion, pour partie expérientielle, est proposée sur les différentes étapes que peuvent être amenées à traverser les personnes concernées par un handicap psychique, tant pour se reconnaître elles-mêmes que pour être reconnues. Une dernière partie explore la manière dont les diverses formes de reconnaissance du handicap (sociale, administrative, psychique…) peuvent soutenir, ou au contraire entraver, le pouvoir d’agir des personnes qui œuvrent en direction d’un mieux-être personnel, leur rétablissement.
ABSTRACT
Acting towards Recovery with a Mental Disability: a Path of Recognition(s)
This article documents how an innovative perspective on the concept of recovery is currently unfolding in the field of disability, from the points of view of research, support, or life with disability. In doing so, it thematizes the issue of recognition from these different perspectives. The article is based on data collected through mixed (quantitative and qualitative) multidisciplinary research (in social and medical sciences) designed to explore the pathways to and factors in the recovery of people living with severe psychiatric disorders. The main focus is on those people in the sample who have chosen to discuss recognition of their disability and the associated impacts. We begin by situating the principle of recovery and some of its contributions within the conceptual and practical frameworks of mental health care. We then propose a partly experiential reflection on the different stages that people affected with a mental disability can potentially go through to both recognize themselves and be recognized. In the last part of the article, we explore the way in which various forms of recognition of disability (social, administrative, psychological, etc.) can support or, on the contrary, hinder the empowerment of people working towards personal well-being and recovery.
Introduction
Ce début de XXIe siècle a résolument été une avancée pour les personnes en situation de handicap. La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, a reconnu des droits fondamentaux pour les personnes, afin qu’elles soient pleinement incluses dans la société. Malgré des avancées indéniables, des personnes concernées, des collectifs, des chercheurs continuent de souligner l’écart entre la théorie, l’idéal, les textes législatifs, les intentions et les pratiques (Revillard, 2020). Dans le même temps, le champ de la psychiatrie, et plus largement de la santé mentale, se transforme lui aussi. La perspective, pour les promoteurs du rétablissement en santé mentale et/ou de la réhabilitation psychosociale n’est plus de « soigner la folie » mais plutôt de faire en sorte que les personnes puissent vivre avec leur trouble. Autrement dit, et de manière triviale, il importe de pouvoir exister socialement dans sa singularité, en minimisant ce qu’elle peut induire comme souffrance et en reconnaissant ce qu’elle peut avoir de bénéfique pour soi, pour autrui et/ou pour la société. Dans cette optique, et à titre d’exemple, « entendre des voix », au lieu de s’envisager sous l’angle de symptomatologie psychiatrique peut aussi se penser et se vivre comme participant pleinement de l’identité de la personne, s’affirmant potentiellement soutenante ou positive dans des groupes d’autosupport (Dillon et Horstein, 2013). Cette perspective impacte profondément les pratiques et les modalités d’organisation, évidemment dans le champ de la santé mentale, dans le travail social (Chambon, Gilliot et Sorba, 2020) mais aussi, et c’est ce que nous problématisons dans cet article, dans celui du handicap.
On peut lire aujourd’hui dans la stratégie quinquennale de l’évolution de l’offre médico-sociale sur le volet handicap psychique que « les priorités en matière de santé mentale répondent à un objectif de rétablissement pour les personnes ayant des troubles psychiques sévères et persistants avec risque de handicap psychique qui implique la stabilisation de leurs troubles, mais également la promotion de leurs capacités et leur réengagement dans une vie active et sociale choisie1 ». La terminologie du rétablissement se retrouve ainsi aujourd’hui affirmée dans les plans stratégiques. Comment alors les personnes en situation de handicap peuvent-elles mobiliser leur pouvoir d’agir et se rétablir pratiquement ? Parallèlement ou inversement, comment les personnes avec des troubles de santé mentale appréhendent la reconnaissance du handicap dans leur parcours de rétablissement ? Comment pratiquement conjuguer perspective de rétablissement en santé mentale et reconnaissance du handicap ?
Méthodologie
Les données de cet article proviennent d’une étude sur les facteurs de rétablissement2 dans laquelle 40 entretiens de recherche semi-directifs ont été réalisés auprès de personnes avec des pathologies différentes, que ce soit « troubles schizophréniques », « troubles bipolaires », « anorexie mentale » ou enfin « troubles de la personnalité borderline ».
Les diagnostics ont été confirmés dans le cadre de l’étude par une visite d’inclusion réalisée par un médecin investigateur. L’objectif était de comprendre, par une exploration pluridisciplinaire (sciences humaines, sociales et médicales) les représentations et stratégies de rétablissement, dans différents contextes psychopathologiques. L’étude était mixte (quantitative et qualitative3), descriptive et analytique. L’inclusion des personnes s’est faite sur six sites en France. L’échantillonnage raisonné s’est fait jusqu’à saturation des données. La participation à cette recherche a été faite sur la base du consentement libre et éclairé. Un formulaire de consentement a été proposé puis signé par les participants et l’anonymat garanti. Dans le cadre de cette recherche, nous nous sommes appuyés sur la méthode IPA (Interprétative Phenomenological Analysis). À travers cette approche qualitative et inductive, nous avons souhaité examiner les manières dont les personnes donnent sens à leurs expériences de vie.
Dans cet article, nous4 mobiliserons quelques-uns de ces entretiens pour des personnes où la reconnaissance du handicap se pose ou s’est posée. Notre proposition combine une approche sociologique, subjective et psychologique de la caractérisation du « handicap psychique ».
L’originalité de ce projet de recherche était de mettre au centre la parole et l’expérience des personnes concernées par un trouble de santé mentale. Nous prolongeons et radicalisons cette proposition en associant l’une d’elles, qui a participé à l’enquête, à l’interprétation et l’écriture de cet article, à partir de temps d’échange collectif entre les rédacteurs.
Handicap psychique et parcours de rétablissement
Pour une approche située du handicap
La définition du handicap ne fait pas consensus malgré les apparences (Gardien, 2006). Le débat reste vif que ce soit au niveau scientifique ou politique. Les sous-catégorisations du handicap (mental, psychique, physique, auditif, visuel, sensoriel) induisent une expertise d’ordre médicale. Toutefois, depuis quinze ans, les définitions du handicap évoluent vers davantage de prise en compte de la situation qui le produit, en lien avec le collectif dans lequel la personne s’inscrit (Bouton, 2018) ; on parle alors de « situation de handicap »5. Nous nous rejoignons dans une analyse pragmatique et environnementale du phénomène du handicap, en opposition au « modèle médical » qui faisait du handicap la conséquence des déficiences de la personne. Comme chercheurs, nous nous intéressons donc aux situations de handicap ; celles-ci correspondant à un modèle social du handicap (ou Disability Studies) dans les termes duquel « les personnes […] ne sont pas handicapées à cause de leurs incapacités, mais à cause d’une société qui les exclut » (Winance, 2010).
Au regard de ces précisions, il revient de s’intéresser plus particulièrement, dans un premier temps, aux parcours des personnes en situation de handicap psychique. Tout d’abord, le trouble ou la pathologie mentale, comme le « handicap », survient sur le mode de l’événement biographique. Il y a une dimension processuelle et dynamique, ce qui implique aussi qu’il n’y ait pas a priori de communautés ontologiques de personnes handicapées psychiques. On ne naît pas handicapé psychique, on le devient. Ces événements induisent le plus souvent une rupture biographique, qui à la fois vient marquer (et très souvent stigmatiser) une individualité mais aussi avoir des retentissements sur la scène sociale. Et, en conséquence, ces événements, catégorisations, vont, eux aussi, avoir des impacts identitaires. Le handicap se pense en termes d’interaction avec un environnement, des personnes, des événements ; et plus spécifiquement dans le parcours de soins et administratif des personnes. D’ailleurs, depuis le début des années 2000, la notion de parcours s’est imposée comme un nouveau référentiel de l’action publique à destination des personnes vulnérables (Sicot, 2019), induisant la possession de compétences pour solliciter les services au moment opportun, généralement à la faveur d’un accompagnement ad hoc.
Dans un deuxième temps, il faut se pencher sur les expériences et savoirs des personnes en situation de handicap. Cette perspective induit le développement des recherches participatives et collaboratives. Certes, il faut porter une attention à l’environnement mais surtout s’intéresser à la parole et à l’expérience des personnes directement concernées par le handicap ; d’autant plus que leur savoir est encore trop souvent contesté ou disqualifié. Ce souci de porter des recherches participatives et collaboratives vise à contribuer activement aux enjeux de transformation de la prise en compte des personnes vulnérabilisées, de favoriser leur autodétermination, renforcer leurs pouvoirs d’agir en s’appuyant notamment sur les expertises expérientielles.
Enfin, il est nécessaire d’envisager le pouvoir d’agir des personnes en situation de handicap psychique. Avoir comme perspective le rétablissement des personnes concernées, induit la possibilité d’agir sur certains « facteurs ». Il ne s’agit plus de considérer seulement le handicap et ses effets comme des éléments normatifs, imposés, mais comme un phénomène sur lequel il est possible d’agir, invitant à reconsidérer ce à quoi l’on se doit de faire attention avec la situation de handicap (Bouton, 2018). William Anthony décrit le rétablissement comme « un processus profondément personnel et unique de changement de ses attitudes, valeurs, sentiments, objectifs, compétences et/ou rôles. […] Se rétablir signifie donner un sens nouveau à sa vie, un nouvel objectif, au fur et à mesure que l’on apprend à dépasser les effets catastrophiques de la maladie mentale » (Anthony, 1993). Cette orientation induit que le sujet se pense pleinement acteur de sa propre vie et soit en capacité de se projeter, à l’appui d’objectifs mélioristes. Il importe de s’engager vers la construction d’une vie riche de sens et satisfaisante, dont la définition revient exclusivement aux personnes concernées. Comment alors composer cette perspective de vouloir se rétablir avec la reconnaissance d’un statut de handicap, qui peut être considéré comme stigmatisant, mais qui ouvre des droits ?
Un parcours de (re)connaissance(s)
Devenir une personne en situation de handicap procède de plusieurs étapes, dont la chronologie peut être distendue. Schématiquement la personne vit un état de trouble, se voit établir un diagnostic psychiatrique et obtient une reconnaissance de son statut à la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Dans cet entretien, Julien qui a une cinquantaine d’années, et se considère « rétabli », se retourne sur sa propre histoire. Ses premières « difficultés » psychiques et sociales remontent à son année de terminale. Il n’obtient pas le bac et reste chez sa mère « comme dans le film Tanguy » selon ses propres mots. Il « tourne en rond », et sa mère le convainc d’« aller voir un psy » :
« Enquêteur·trice – Et les psys vous disent quoi ?
Julien – Ben ils me disent euh… Les psys ben à l’époque j’en vois au CMP [Centre médico-psychologique] de Gerblon6, elle était pas mal d’ailleurs, mais bon pendant dix ans ils me suivent plus ou moins. Des fois j’allais faire des soins infirmiers dans la journée au CMP et puis j’ai fait les stages au DAMOC, tout ça, mais autrement j’ai pas fait grand-chose pendant dix ans de 1994 à 2005 ; pendant onze ans, de 25 à 36 ans j’ai une vie asociale, sans travailler, sans vrai- ment d’amis, je connaissais personne, j’étais vraiment coupé de la réalité quoi… sociale quoi…
Enquêteur·trice – Et au CMP ils apposent un diagnostic ? Ils vous disent quelque chose ?
Julien – Ben plus ou moins ouais, ils me font un suivi ouais, je sais pas comment ça s’appelle vraiment le diagnostic, c’est vraiment quand je suis venu au Biblon, qu’ils ont dit que j’avais une schizophrénie que je me suis rendu compte.
Enquêteur·trice – D’accord, d’accord.
Julien – Parce que là avant c’était un peu flou. Enquêteur·trice – Et le fait qu’on vous dise ça, ça vous a…
Julien – Ben ça me, je sais pas comment je le prends, j’arrive pas à définir si je le prends bien ou si je le prends mal, si j’accepte ou si j’accepte pas, franchement je suis dans le flou à ce sujet, c’est vrai.
Enquêteur·trice – Et le moment où on vous l’a dit ça a fait quel effet ?
Julien – Ben d’un côté tu es soulagé j’crois y a un soulagement, et d’un autre côté, c’est le flou, on sait pas trop quoi penser.
Enquêteur·trice – Hum c’est flou parce qu’on sait…
Julien – Ouais (hésitation) ben ouais y a un côté flou, j’arrive pas bien à définir car j’ai pas trop travaillé dessus, j’ai pas trop réfléchi dessus. J’me dis c’est pas si grave que ça quoi, ça aussi je me le dis, y a des maladies graves j’me dis.
Enquêteur·trice – Donc vous êtes chez vous dans votre appart, vous tournez en rond…
Julien – Ouais, pendant 11 ans.
Enquêteur·trice – Et le moment de l’hospitalisation il y a un événement… Julien – Y a pas un événement particulier sauf que c’est moi qui demande à être hospitalisé.
Enquêteur·trice – D’accord.
Julien – Ouais, de mon plein gré parce que je vais mal, je me sens mal quoi en 2005 ouais, fin 2005, oui vers 2005 ou début 2005, je sais plus exactement la date.
Enquêteur·trice – Oui vers 34-35 ans.
Julien – En 2005 ouais j’ai… suis né en 69 donc j’ai 36 ans même ouais. Enquêteur·trice – Et donc c’est aussi un moment où, en fait à 27 ans quand vous avez l’AAH [allocation adulte handicapé] c’est à quel titre qu’on…
Julien – Ben ouais, bonne question, c’est que je devais déjà être suivi par un CMP à ce moment-là, dès le début. Ben je crois que l’allocation adulte handicapé j’l’ai eu à 27 ans ouais pile, c’est l’assistante sociale de la mairie qui me l’a donné, après le RMI.
Enquêteur·trice – D’accord.
Julien – Enfin qui me l’a donné… j’y avais droit.
Enquêteur·trice – Pour vous c’est pareil, c’est une bonne nouvelle ou…
Julien – Ben disons que j’y avais droit alors c’est que j’avais sûrement un suivi psychiatrique par un psychiatre derrière (silence). Oh c’est une bonne nouvelle, pfff non, c’est une nouvelle comme une autre ».
Ce qui est surprenant, c’est le flou autour du diagnostic psychiatrique. À la fois, Julien ne sait pas vraiment ce qui lui arrive, mais surtout comment l’interpréter. Il donne l’impression d’avoir une connaissance personnelle sur son trouble plutôt asthénique, dont il paraît en partie dépossédé. Au regard de son isolement, on peut aussi présupposer l’importance que revêtent pour lui ces rencontres avec les professionnels dans sa socialisation et sa construction identitaire. Malgré le suivi thérapeutique dans lequel Julien est engagé, le travail biographique paraît inabouti. Au moment de l’entretien, il rend encore compte d’une ambiguïté dans ce qu’il interprète de ces événements et expériences, comme étant contraints et/ou positifs. Autrement dit, il en a une connaissance énigmatique, et une reconnaissance tout aussi labile et ambivalente ; entendu que le récit a posteriori ne vient pas résoudre cette énigme.
Mais la reconnaissance clinique et administrative de la pathologie et du handicap vient jalonner son histoire de vie, donnant prise à lui donner du sens, mais surtout permettant, de manière pratique, de pouvoir vivre. Les uns pourraient y voir un récit du rétablissement pas encore pleinement stabilisé, les autres, une manière de pouvoir encore agir sur cette histoire. « Enfin qui me l’a donné… j’y avais droit » dit-il de l’AAH, se resituant non pas comme acteur à part entière mais comme « ayant droit ».
Prenons maintenant connaissance d’un deuxième extrait d’entretien. Kevin entend des voix depuis une quinzaine d’années et rend compte au début de l’entretien de son isolement :
« Enquêteur·trice – Et cet isolement vous l’avez toujours vécu ou c’est suite au diagnostic que vous avez été isolé ?
Kevin – Ben l’isolement euh ouais je (silence)… Je m’enfermais trop sur moi- même quoi, je voulais avoir aucun lien avec l’extérieur. Tout le temps il y avait ces voix qui me parlaient, enfin soi-disant qui parlaient entre elles et qui étaient là, et j’sais pas si ça a un rapport, j’sais pas quel rapport elles peuvent avoir mais elles parlaient, elles étaient là et ça me faisait peur d’entendre ça.
Enquêteur·trice – Ben oui.
Kevin – Ça fait peur d’entendre des voix comme ça, ça me faisait peur. Donc j’allais voir des médecins je leur expliquais et ils m’hospitalisaient souvent.
Enquêteur·trice – D’accord.
Kevin – Ils m’hospitalisaient et m’administraient des gros traitements, des traitements et je vivais mal l’isolement. Maintenant je m’extériorise plus avec l’extérieur, avec les gens, comme je travaille, ouais, c’est un bien-être, je ressens moins ces choses-là, je les ressens plus d’ailleurs.
[…]
Enquêteur·trice – Et vous viviez de quoi ? Financièrement ? Kevin – J’avais l’allocation d’adulte handicapé.
Enquêteur·trice – D’accord. Après 2006 vous l’avez eu ?
Kevin – Ouais je l’ai eu après, ouais. Mais bon je croyais pas, je pensais pas à cette allocation, je suis allé à l’hôpital parce que j’étais vraiment malade.
Enquêteur·trice – Et du coup c’était un soulagement cette allocation ou… vous étiez content de l’avoir ?
Kevin – Ouais, j’étais content, ouais. Parce que bon pour moi euh, j’étais diagnostiqué comme cela bon c’est que bon ils ont raison quoi, j’ai pas à contredire les diagnostics des médecins.
Enquêteur·trice – Hum hum.
Kevin – Mais là… non non. Ça me permet de vivre cette allocation à 800 euros, de toute façon j’suis en dessous du seuil de pauvreté mais euh bon, moi ça me permet de vivre mais euh (silence) et mon état de santé me permettait pas d’intégrer, de réintégrer une vie normale, non non je pouvais pas. D’ailleurs là c’est pour ça que je vais rentrer en ESAT, car je ne me vois pas revenir à la vie ordinaire, peut-être plus tard, plus tard, mais je ne veux pas brûler les étapes. »
Kevin explique clairement comment l’obtention de l’AAH est une conséquence directe du diagnostic psychiatrique. Dans cet extrait Kevin s’en justifie, il était vraiment malade. La connaissance de son trouble, la reconnaissance d’un statut, lui permettent de vivre. Contrairement à ses hospitalisations, dont il rend compte de manière subie et négative, la perspective de retourner à une vie ordinaire ne peut se faire qu’à son rythme, sans « brûler les étapes ». Son trouble génère de l’incertitude, l’incitant à vouloir développer des stratégies pour en limiter la portée négative.
Dans ces deux situations, même si le diagnostic psychiatrique et la reconnaissance du handicap paraissent s’imposer à la personne, il apparaît possible d’en restaurer une certaine maîtrise, notamment via la narration qu’elle pourrait en faire. Nous reviendrons sur ce point plus en détail à l’aide d’autres extraits d’entretien que nous allons mobiliser. Cette reconnaissance administrative du handicap (ici justifiée au regard du statut de « malade ») concourt à ce que le sujet soit un sujet de droit, induisant si ce n’est de tenir le subjectif à distance, tout du moins d’objectiver ce qui vaut handicap ; ce qui se problématise concrètement pour le sujet, pour la personne.
Le handicap dans le parcours de rétablissement : un sujet à part entière
Abordons maintenant le savoir lié à une situation vécue (Godrie, 2020) et com- ment la reconnaissance du statut vient s’inscrire dans des considérations à la fois proprement subjectives et tout autant tributaires de l’action d’autrui. Être handicapé psychique, avoir un handicap, vivre en situation de handicap est inhérent à une reconnaissance par les institutions, par soi-même et par l’autre. Il peut paraître confus d’évoquer ces termes, reconnaissance et handicap. L’ambivalence qui les constitue vacille entre stigmatisation et reconnaissance de la différence, incapacité, jugement et potentiel. Aussi reconnaître la part de fragilité au travers d’une approche thérapeutique ne se traduit pas au sein de l’administration. Inversement, un taux d’invalidité ne pourrait signifier une reconnaissance complète de l’individu. C’est pourquoi mettre en avant l’acte de reconnaître plutôt que la reconnaissance souligne davantage un processus induit par les différentes rencontres tout au long du parcours plutôt qu’un état à statuer.
Devenir handicapé, ses représentations
Les images que l’on se fait de ce territoire invalide sont profondément ambiguës ; le handicap psychique ne correspond à rien de précis dans l’imaginaire collectif et les représentations se fondent sur une inquiète incertitude. Reconnaître, c’est identifier et valoriser le sujet, c’est aussi définir une différence, que ce soit dans le mépris ou la bienveillance. Pourtant la notion de rétablissement au sein du parcours ne peut exister sans qu’on investisse la personne dans son processus singulier, son potentiel de résilience, sa valeur intrinsèque à déployer. Car se rétablir signifie apprendre à vivre avec, se (re)construire autour pour saisir l’opportunité d’exister parmi.
Devenir handicapé procède d’un parcours qui débute entre symptômes, traitements et diagnostics. Pour bénéficier de la reconnaissance du handicap psychique, pour mettre en place des dispositifs de soins adaptés pour obtenir une aide financière, il est nécessaire au sein de cette systémie de rencontrer hôpitaux, structures de santé mentale et sociale. À partir de cette expérience, les représentations liées à ce parcours, ces rencontres, se forment et évoluent.
Maison départementale – maison métropolitaine des personnes handicapées (MDMPH), cliniques, hôpitaux, CMP, hôpitaux de jours, structures de soins et d’inclusion : les personnes en soins côtoient ces entités au quotidien. Le trouble psy- chique reconnu signifie d’abord maladie qui s’exprime. Un processus thérapeutique peut être mis en place par la reconnaissance administrative de ce trouble et l’aide financière qui en découle. Les critères médicaux et conditions de vie entrent en jeu dans l’obtention de l’AAH, visant à compenser la situation de handicap. Aide financière et modules de soins concourent à faire évoluer le patient vers un mieux-être, où l’espace de sa (re)construction est possible. Les représentations du point de vue de la personne se transforment peu à peu. Considéré d’abord comme un obstacle, le handicap nécessite un cheminement vers la reconquête de soi. Vécu comme une épreuve, il nécessite un long travail thérapeutique dont l’objectif est de retrouver une capacité d’estime, d’action, envers soi et le monde.
Les répercussions de la maladie au quotidien nourrissent ces représentations tout au long du parcours. Au début de la prise en charge, le handicap est perçu comme une force extérieure difficile à saisir. La maladie est subie comme un corps étranger à soi qui, paradoxalement, définit notre identité. L’exclusion s’apparente à une forme de honte. La non-compréhension du trouble, par soi et par l’autre induit un repli de la personne dont les possibles se rétractent à sa seule définition : malade psychique. « Le mot [handicap] représente une chaîne à laquelle est liée l’existence, la prison dans laquelle on enferme un individu […] le terme devient plus lourd que la réalité qu’il prétend désigner », nous dit Alexandre Jollien (2002). Car aussi obscure et hostile que peut paraître cette réalité, celle-ci est imprégnée de vie, de résilience et de bienveillance.
Les représentations cheminent alors pour la personne en processus de rétablissement. Du trouble provient le travail sur soi nécessaire. De ce travail, émerge une estime qui se reconstruit. Le handicap est désormais le signe d’un apprentissage. Fort de ce parcours, il devient une facette de soi, une strate de la formation. De la perte comme expérience à la richesse de l’enseignement, la personne traversant ce processus acquiert des connaissances qui lui permettent de mieux affronter les affres liées à une fragilité perçue petit à petit comme une condition universelle.
La reformation de notre identité en tant que sujet et non objet de la maladie apparaît inévitable tout au long de ce cheminement. Comment cela se manifeste- t-il au sein du parcours personnel ? L’expérience du handicap, accompagnée par son processus de soins, est constituée de différentes étapes qui se traversent de manière labyrinthique. Parmi les rechutes, les lenteurs, les résistances, les complications, il n’y a pas de cheminement universel. Pourtant l’expérience individuelle montre que ces étapes peuvent être traversées par toutes personnes confrontées aux difficultés que les injonctions de la vie sociale imposent.
Parcours et reconnaissance, de l’expérience individuelle au collectif
Le handicap est d’abord vécu comme une crise de sens. Avant la reconnaissance institutionnelle, il y a trouble, perte des repères, et lorsque nous y sommes confrontés, nous ne sommes plus maîtres de nos vies, de nos actes. Cet état de crise est l’aboutissement d’une souffrance que l’on n’a pu négocier. Celle-ci enclenche une prise en charge dont certains aspects présentent un frein pour la personne en soins. Perte de confiance et d’estime accompagnent la personne qui fait ses premiers pas en psychiatrie. Infantilisation, déresponsabilisation au nom de sa protection, le patient et son univers se délitent. Du service fermé au service de réhabilitation, le chemin est long et la réappropriation de son espace, de ses capa- cités d’action, est l’objectif à terme.
Le fil d’Ariane de ce cheminement est l’apprentissage de soi. Se connaître soi-même est le fondement du processus thérapeutique. Psychothérapie, thérapie comportementale et cognitive, approches psychocorporelles, atelier de pleine conscience, groupes de parole, atelier sur la maladie et son fonctionnement… Il est important de se saisir de ces ressources mobilisables afin d’apprendre à naviguer avec le trouble et pouvoir faire évoluer son rapport à celui-ci. Remarquer les signes, les prémisses d’une étape marquée par la crise, savoir accepter les fluctuations, vivre les perturbations sans être submergé nécessite un combat de tous les jours.
Un travail de reconnaissance intrinsèque et une distance mise avec la stigmatisation permettent d’agir pour se reconstruire, pour se réaffirmer en tant que sujet : recréer un sens à ce que l’on fait/est, pour gagner en autonomie, définie ici comme une capacité à se ménager des espaces où ce sens se réactualise, se réactive progressivement. Les espaces thérapeutiques sont des lieux d’expérimentations où la confiance se rétablit afin de permettre une ouverture. Apporter un sens à ce qui en était dénué, trouver une légitimité à continuer, apprécier les petits bonheurs, aiguiser le regard sur le positif et cultiver l’envie, moteur de l’action, sont de vrais outils pour se rétablir. Le trouble psychique s’exprime dans le lien à soi, à l’autre et au monde. La stigmatisation, qui est aussi une relation entre attribut et point de vue, est propice à se loger dans le regard de l’individu qui souffre. L’intersectionnalité en sociologie souligne qu’une personne peut expérimenter une accumulation de stigmates (Crenshaw, 1991). Prendre conscience que tout le monde peut être cas de stigmatisation nous porte à nous intéresser à ce qu’il y a de commun dans ce mécanisme : la peur de la différence, de ce qui n’est pas moi et qui pourrait l’être, la crainte d’une contamination de l’inconnu dont je me fais telles représentations. Si l’on considère que l’individu rencontre des difficultés à vivre dans son milieu, l’environnement participe à la construction du handicap. Une société où le travail, maître, est la seule clé d’intégration, ne nous semble pouvoir que produire ces déficiences où la personne ne se sent plus capable de suivre la machine infernale.
Travailler ?
Travailler est-il possible dans les conditions actuelles de « l’espace ordinaire » ? En milieu adapté, protégé, ou dans la grande arène, est-il possible de s’épanouir, se rétablir par le travail aujourd’hui ? Les perspectives et expériences liées au collectif font partie de la reconstruction. À terme, le soin et l’apprentissage de soi permettent de se confronter de nouveau à autrui, au monde. Tout au long du parcours, de manière infinitésimale, on parvient, en tant que personne dite « concernée », à déployer sa zone de confort atrophiée. On se confronte à une nouvelle forme d’altérité. Changement de rapport à soi, tourné vers l’extérieur. Se reconnaître et s’accepter avec sa fragilité, c’est reconnaître et accepter l’autre dans sa vulnérabilité.
Devenir acteur, membre de quelque chose de plus grand que nous, avec un sentiment d’appartenance, est l’un des facteurs de rétablissement les plus probants. Se sentir utile, se sentir avoir une place légitime, se sentir capable d’agir sur soi et son environnement est l’aboutissement de ce processus. Pourtant, il est compris dans une certaine réalité en marge. Les actions prennent forme dans un espace liminaire, un entre-deux, à mi-chemin entre lieu de soins et monde extérieur. L’enjeu est la possibilité de retrouver sa capacité d’interaction et de retrouver un sens à une action qui s’effectue à plusieurs : trouver un équilibre entre présence et absence, parfois nécessaire sur ce terrain de réappropriation ; pouvoir s’engager, s’en sentir capable ainsi que s’imposer ce droit au dégagement, la possibilité de se retirer, se protéger. La liberté d’être avec sa fragilité est le leitmotiv de ce parcours.
L’autonomie financière, liée à la reconnaissance du handicap psychique, est la condition indubitable favorisant la réalisation de ces étapes essentielles. C’est un paramètre indispensable au rétablissement. Sans elle les conditions ne sont pas réunies pour permettre à l’individu de créer ces espaces de reformation. La frontière avec le monde ordinaire s’entretient avec cette autonomie financière et une certaine liberté est entravée par les critères de calcul de cette reconnaissance. Cependant la personne souffrant de trouble psychique a l’opportunité de se reconstruire et de redonner un sens à son existence. Sans cela, aucun processus de reconstruction n’est possible. Préserver cet espace d’autonomie pour permettre à la personne de cheminer reste indispensable.
La reconnaissance institutionnelle peut être un tremplin au rétablissement, laisser le temps à la personne de se reconstruire tout en, paradoxalement, constituant un frein à l’inclusion. Dans notre société, l’idée d’une norme est hermétique à ce qui n’est pas elle et cet espace normatif se définit par une infime ouverture, celle du travail. Dès lors, comment pouvons-nous imaginer être reconnu membre de la société qui valorise l’individu par cette si petite reconnaissance, celle d’être exploité. Remettre en question les modalités de soins et d’appréhension du malade psychique doit se conjuguer avec une refonte des valeurs à l’échelle sociétale. Du collectif à l’individu, nous ne pouvons nier que cette reconnaissance par le travail devient absurde dans les conditions où celui-ci est de plus en plus difficile à maintenir. Accepter sa différence tout en conservant une légitimité à s’investir dans la vie sociale permet à la personne vivant un trouble psychique de dépasser sa condition de malade et de rétablir un lien de confiance envers ses capacités. Il est alors nécessaire d’élaborer un projet de vie propre à soi, extrait d’une systémie dont les rôles sont déjà donnés. S’affranchir de ce conditionnement pour redéfinir sa place au sein de la société fait partie du processus de rétablissement.
Restaurer son pouvoir d’agir « par » ou « malgré » la reconnaissance du handicap
En tant que dimension essentielle du parcours de rétablissement des personnes confrontées aux troubles psychiques, le pouvoir d’agir et la manière dont il peut être développé ou restauré nous intéresse ici tout particulièrement. La restauration du pouvoir d’agir – ou empowerment – est le processus psychosocial par lequel les personnes (re)deviennent actrices de leur vie. Nous souhaitons questionner ici son articulation avec la reconnaissance qui peut être faite du handicap. Nous postulons que la nature et les modalités de cette reconnaissance peuvent avoir des impacts, tant psychiques que pratiques, sur la volonté et la possibilité d’agir en direction d’un mieux-être pour les personnes concernées par les troubles psychiques.
Pour agir dans la direction d’un mieux-être, et donc agir « sur » ou « mal- gré » une (des) difficulté(s), la reconnaissance de ce qui fait handicap est une étape considérée comme nécessaire, voire indispensable, bien qu’insuffisante. Patricia Deegan, pionnière des mouvements d’usagers de la psychiatrie, décrit à ce propos ce qu’elle nomme le « paradoxe du rétablissement : en acceptant ce que nous ne pouvons pas faire ou être, nous découvrons qui nous pouvons être et ce que nous pouvons faire » (Deegan, 1988). Il y a dès lors une ambivalence consistant à considérer que reconnaître les capacités et possibilités d’aller mieux passe (nécessairement) par la reconnaissance de ce qui fait défaut. Il s’agit alors d’être porteur de handicap mais capable, ou encore, d’être porteur de handicap et capable.
Ensuite, la reconnaissance n’est en rien binaire ni simpliste : il n’est pas seulement question de reconnaître ou non, mais plutôt d’envisager qu’il existe (et peuvent être créées) des manières de reconnaître qui permettent plus ou moins d’être acteur, et sur lesquelles il est possible d’agir. L’objet et le mode de reconnaissance sont plus ou moins aidants pour le sujet ; il est des reconnaissances qui soutiennent l’ouverture des possibles, tandis que d’autres figent, bloquent et entravent ces mêmes processus du pouvoir d’agir. Dans une perspective clinique, il importe alors de mieux saisir comment contribuer à développer les premières.
Une manière de décrire plus avant les différents modes de reconnaissance peut être d’envisager, d’une part, une forme de reconnaissance externe, comme c’est le cas dans le cadre d’une reconnaissance administrative, institutionnelle ou encore sociale du handicap, et une reconnaissance interne ou intrinsèque, psychique, du sujet envers lui-même. Ces deux formes de reconnaissance ne sont ni exclusives l’une de l’autre, ni toujours corrélées. Qu’elles soient étudiées indépendamment ou dans leur articulation – ou disjonction –, elles ont sur les sujets des conséquences psychiques et pratiques qui semblent être à documenter. Nous proposons de nous centrer sur les impacts psychiques de la reconnaissance, tant internes qu’externes, et leurs articulations ou disjonctions. Loin de ne pas prendre en considération les impacts pratiques, nous les aborderons sous l’angle des conséquences psychiques qu’ils peuvent avoir sur les individus7.
Se reconnaître : la reconnaissance interne
L’un des enjeux de la reconnaissance au regard de la problématique qui nous intéresse concerne son impact sur l’identité. La (re)définition de soi est envisagée comme une dimension psychique majeure des parcours de rétablissement des personnes ; elle est interdépendante de la restauration du pouvoir d’agir (van Weeghel, van Zelst, Boertien et Hasson-Ohayon, 2019). Le changement permettant d’aller dans le sens d’une plus grande possibilité d’agir, est celui du passage d’une manière de se définir qui semble figée et réduite à la question du trouble (par exemple : « Je suis schizophrène »), à la possibilité de se définir de manière plus dynamique, personnalisée et située (« Je suis une personne avec “des capacités/ souhaits/volontés” et j’ai un diagnostic de schizophrénie ») (Andresen, Caputi et Oades, 2006). Il s’agit de sortir de l’identité de malade et du seul rôle de « patient », pour aller vers la reconnaissance des autres possibles vis-à-vis de « qui nous pouvons être et ce que nous pouvons faire » (Deegan, 1988). C’est faire en sorte que la reconnaissance de son trouble, de ses difficultés et/ou de son handicap, ne prenne pas toute la place dans la définition de soi.
S’il importe donc de se centrer sur la manière dont les personnes « sortent » de l’identité de malade, il s’agit, dans notre cadre, de se pencher également sur le moment où elles peuvent y « entrer ». Pour la majeure partie des individus, la définition de soi en tant que « handicapé » ou « malade » n’intervient pas dès les tout premiers instants de la vie. Elle vient donc rencontrer une manière préalable de se définir. Celle-ci est plus ou moins compatible avec ce que l’on se représente du trouble ou handicap concerné. La reconnaissance de son propre handicap vient ainsi plus ou moins perturber l’identité selon qu’il soit possible ou non de l’apposer aux autres facettes préalablement construites (Brohan, Elgie, Sartorius, Thornicroft, 2010). Ajoutons à cela que « l’étiquette » ou la caractéristique qui est ainsi attribuée est plus ou moins stigmatisante selon le trouble concerné, et aussi qu’elle peut venir se cumuler avec d’autres caractéristiques stigmatisées par la société environnante. Ainsi peut s’opérer pour certaines personnes un cumul des stigmates, dont la notion d’intersectionnalité (Crenshaw, 1991) vient souligner que « le tout est plus que la somme des parties »8. Certains des impacts psychiques et pratiques auxquels sont confrontées les personnes sont propres à la rencontre des caractéristiques stigmatisantes.
Être reconnu : la reconnaissance externe
La reconnaissance officielle du handicap et ses conséquences sur l’individu sont à considérer, d’une part, au regard de leur inscription dans le parcours de vie. Il semble que le moment et la (les) raison(s) pour laquelle (lesquelles) cette reconnaissance intervient lui confèrent une valence plus ou moins impactante et plus ou moins positive – ou négative – pour le sujet concerné. De plus, rappelons l’ambivalence qui peut y être associée ainsi que l’aspect dynamique et évolutif du rapport des personnes à cette reconnaissance officielle. Enfin, il existe différents types de reconnaissance externe, dont l’ordre de réalisation peut, lui aussi, conférer un vécu différent.
En deçà de son inscription temporelle dans un parcours de vie, la reconnaissance externe du handicap, à l’instant T de sa réalisation, s’inscrit également dans un environnement, notamment familial, amical et parfois professionnel. L’extrait d’entretien suivant illustre, entre autres, l’impact sur l’entourage et, en retour, sur la personne concernée, que cette reconnaissance peut avoir. Pascal, 46 ans, décrit un trouble bipolaire ayant débuté lorsqu’il avait environ 18 ans, mais diagnostiqué en tant que tel depuis une dizaine d’années seulement. Il raconte :
« Après bon en milieu familial proche avec mon épouse et puis ma fille c’est important, mais en même temps c’est à double tranchant, du moins c’est pas à double tranchant mais c’est très difficile à vivre. Parce que dans un milieu professionnel et même familial euh… mon épouse n’a jamais voulu que ma belle- famille connaisse mon handicap parce que maintenant je suis reconnu comme travailleur handicapé mais c’est… et même les médecins m’ont dit, même le médecin, même le médecin euh… de prévention, le médecin du travail me dit actuellement, vos collègues, n’importe qui, n’est pas censé connaître vos difficultés. C’est une maladie. Le plus difficile c’est de se dire que cette maladie, les maladies psychiatriques, c’est quelque chose de honteux, c’est comme la maladie des nerfs, honteux. On n’est pas sensé… il faut pas que ça se sache. C’est comme le cancer il y a vingt ans quoi, les gens avaient… les gens devaient avoir honte du cancer, voilà c’est pareil. Là, moi, je suis en rémission mais il ne faut pas que ça se sache, et ça c’est dur à porter ça, c’est pour ça qu’en parler de temps en temps c’est important. Parce que de se dire, oui j’ai une maladie mais y a que moi qui la connais, y a que moi qui lutte. Et je lutte, non seulement je lutte, mais je lutte dans le silence. Je m’entraîne. C’est comme un sportif qui s’entraînerait, et qui s’entraînerait dans son coin, il ne faut pas que ça se voit ».
Le choix de ne pas informer la famille, réalisé par l’épouse, peut être envisagé en lien avec le poids du stigmate qui pèse également sur les proches des personnes concernées (Sartorius, Schulze, 2005). L’anticipation des risques de stigmatisation peut conduire à envisager le non-dit comme stratégie pour se protéger. Il est également conseillé au sujet de ne pas révéler le type de troubles à son entourage professionnel, quand bien même une reconnaissance officielle de « travailleur handicapé » est portée. Le fait que ce soit le médecin qui conseille ce « secret », ce non-dit, semble avoir une valeur particulière pour ce sujet qui souligne à plu- sieurs reprises : « même le médecin ». Si la place et le rôle du médecin tendent à être reconfigurés dans la perspective des pratiques de rétablissement et de pou- voir d’agir (Beetlestone, 2016), où l’on cherche à symétriser plus avant la relation (Demailly, 2016), force est de constater que celui-ci conserve une place importante pour les personnes qui s’y réfèrent. Ici, il est possible d’envisager que ces propos sur le médecin comprennent le fait que celui-ci est censé être la personne la plus au fait de ce qu’il faut dire ou non, et peut-être aussi le fait que cela ne devrait pas être honteux ; et pourtant, « même le médecin » indique qu’il faut taire la présence du trouble. Le sujet interrogé semble ainsi « obtempérer », malgré la difficulté que cela implique pour lui.
Les répercussions psychiques sur le sujet sont clairement énoncées : le sentiment de honte, et l’effort supplémentaire que cela nécessite de ne pas dire ni montrer, de cacher. La honte sous-tend une question de responsabilité. Les notions d’inclusion et de handicap, redistribuant la responsabilité entre la personne et l’environnement dans lequel elle évolue, devraient, en théorie, permettre une minimisation de la honte associée au trouble. En pratique, les propos rapportés semblent souligner l’insuffisance de la théorie, ou bien simplement l’insuffisante diffusion et intégration, dans la population générale, de ces notions.
La suite de l’entretien nous permet d’évoquer un point régulièrement soulevé par les personnes interrogées dans notre étude : celui de la barrière institutionnelle, parfois intégrée psychiquement, entre le travail dit en milieu ordinaire et celui considéré comme adapté. Cette séparation clairement marquée par les institutions apparaît comme ayant des conséquences psychiques importantes :
« Enquêteur·trice – Et vous disiez alors, je reprends vos termes, mais vous par- liez d’environnement normal, qu’est-ce que c’est pour vous la normalité, enfin par rapport à votre trouble, à vos problèmes ?
Pascal – L’environnement professionnel normal je voulais dire.
Enquêteur·trice – D’accord, ok.
Pascal – Oui, l’environnement professionnel oui, je travaille dans un… j’ai pas passé de… je suis rentré dans le… dans mon administration en passant un concours, j’ai pas accédé par le biais d’un poste réservé pour les handicapés par exemple, voilà j’y suis arrivé par mes propres moyens ».
D’après cet extrait, il semble que, si la loi sur le handicap de 2005 insiste sur la nécessité d’adapter l’environnement, cela peut avoir parfois pour conséquence de déposséder la personne de ses « réussites ». Il est considéré ici comme une force ou une réussite de ne pas se saisir des opportunités adaptées aux personnes ayant un handicap et, dans une perspective de pouvoir d’agir, d’y « arrive[r] pas [ses] propres moyens ». Les propositions d’environnement adapté sont envisagées dans ces propos, en rapport à une normalité dont elles sont exclues.
La reconnaissance officielle propose à l’individu un groupe d’appartenance, qui lui est en quelque sorte attribué (Rofidal et Pagano, 2018). Mais lorsqu’il s’agit de se reconnaître comme appartenant à un groupe stigmatisé, nous observons que les individus peuvent se positionner de manière à amoindrir voire annuler les effets de cette stigmatisation et du renversement envers soi qui en découle (l’autostigmatisation) (Corrigan, Larson et Rüsch, 2009). Nous relevons trois positions mobilisées afin de ne pas subir ou endosser le stigmate. La première position consiste à ne pas s’associer au groupe attribué. Il s’agit de ne pas reconnaître, de manière interne et/ou externe, son handicap ou ses difficultés et l’appartenance qui en découle. Cette non-reconnaissance prend diverses formes : le déni ou la dénégation des troubles peut être envisagé comme l’une d’entre elles ; les non-dits, comme évoqué dans le premier extrait, sont un autre moyen de se désolidariser du groupe stigmatisé ; enfin, le refus d’être officiellement reconnu, en tant que travailleur handicapé par exemple, est parfois mentionné.
La seconde position observée est celle qui consiste au contraire à s’associer au groupe, de manière à agir et lutter collectivement contre les stigmates qui lui sont attribués. L’action de collectifs de pairs militants contre les représentations et pratiques stigmatisantes est ce qui a donné lieu à la création de la notion de pou- voir d’agir – ou empowerment – (Deutsch, 2016). De nos jours, la restauration du pouvoir d’agir est envisagée sur un versant plus individuel et le fait de choisir de ne pas s’associer apparaît comme une manière « valable » d’exercer son pouvoir d’agir (Bacqué et Biewener, 2015). Il semble qu’il serait d’ailleurs stigmatisant d’attendre des personnes concernées par un trouble qu’elles s’engagent et luttent nécessairement contre la stigmatisation de ce trouble. D’autant plus que le cumul des stigmates peut rendre cette tâche complexe : une femme afro-américaine avec schizophrénie doit-elle alors s’engager dans les mouvements féministes et/ou anti- racistes et/ou d’usagers de la psychiatrie ?
Enfin, l’ambivalence peut parfois caractériser un mode de réaction face à l’appartenance à un groupe stigmatisé. Pour certains, il semble n’y avoir ni association ni rejet, mais un mélange de ces deux positions. C’est le cas notamment lorsque les personnes reconnaissent appartenir à un groupe, tout en mettant en avant ce qu’elles ont de différent au regard des représentations négatives associées à ce même groupe. L’extrait suivant provient de l’entretien réalisé avec Pascal, 46 ans, déjà présenté au début de cette sous-partie. Il rend compte des mouvements dynamiques et ambivalents de reconnaissance et rejet vécus par une partie des per- sonnes rencontrées :
« Ma première approche du service, ça a été la possibilité de découvrir ma maladie par l’intermédiaire d’un groupe dans lequel on était tous bipolaires, enfin bipolaires ou d’autres maladies, enfin où on était tous malades et où on discutait sur le sujet et où les personnes nous expliquaient un peu des choses en fonction de leur domaine de compétences : assistante sociale, infirmière, voilà. Et là je me suis rendu compte qu’il y avait d’autres gens comme moi euh… et c’est là qu’il a fallu, premier combat, ça été le combat du corps ça veut dire se dire: “Il faut que je me reprenne en main quoi” parce que je voyais trop de gens qui se laissaient aller et… ce miroir qu’ils m’ont renvoyé a fait que là j’ai percuté. Donc la reprise du corps ça été la première approche euh… […] Donc là une première prise de conscience et un premier travail sur le corps donc j’ai commencé à me reprendre un peu en main parce que je me suis dit : “Je ne veux pas ressembler à ces gens-là”. C’est dégueulasse mais c’est comme ça que je l’ai vu et c’est comme ça que ça m’a aidé, voilà ».
Autre conséquence de la reconnaissance officielle du handicap : celle de l’aide financière (dite allocation adulte handicapé) qui peut en découler ; conséquence pratique aux impacts psychiques indéniables. L’effet des conditions économiques des individus sur leur santé et leur santé mentale n’est plus à démontrer. Des notions telles que la souffrance psychosociale ou les déterminants sociaux de la santé rendent compte de l’intrication complexe de ces différentes dimensions. Parmi les personnes interrogées, certaines évoquent l’apaisement et parfois la gratitude associée à la possibilité de percevoir ce soutien financier. Le caractère apaisant d’une ressource qui permet, à plus ou moins long terme, de subvenir à ses besoins vitaux engendre pour certains un mouvement d’ouverture et de projection vers l’avenir et le type d’activités vers lesquelles il devient possible de s’engager.
Pour d’autres, c’est au sentiment de dépendance qu’est associée la perception de l’allocation. Une dépendance qui apparaît, dans notre exemple, accrue par rap- port à un « avant la maladie », et constitutive de la vie actuelle du sujet :
« Paul – Je ne parlerais pas vraiment de pouvoir : c’est beaucoup plus pour moi des dépendances, acceptées hein…
Enquêteur·trice – Des dépendances… aux traitements ?
Paul – Oui. Et puis économiquement, à l’allocation : je suis complètement dépendant de l’allocation. Je travaille peu – je travaille un peu mais pas beaucoup
– donc je suis complètement dépendant de l’allocation. Ma vie est faite de dépendances, elle ne tient qu’à ça.
Enquêteur·trice – C’était pas ou c’était moins le cas avant… ?
Paul – C’était moins le cas… c’était déjà un peu le cas mais c’était moins le cas quand même (petit rire), avec moins le sentiment, quand même, que ce soit le cas. Oui bien sûr, on est dépendant affectivement, on est dépendant de l’autre, on est dépendant de la famille… c’est une interdépendance même, je pense.
Enquêteur·trice – Hum… Et vous parliez d’accepter ses dépendances ?
Paul – Oui… (il souffle) Oui, surtout quand on est très bas il n’y a plus le choix : il faut les accepter oui ».
Cette dernière phrase évoque un point essentiel que nous avons occulté jusqu’alors : l’acceptation. Elle apparaît comme un moyen psychique de se positionner face à des éléments qui sont imposés. La précision du non-choix semble rendre compte du fait que c’est parfois l’ultime solution, la seule manière qu’il reste de se rendre acteur dans une situation pleinement subie. Dans la citation de P. E. Deegan (1988) mobilisée précédemment, l’acceptation est un moyen de dépasser les difficultés et d’entrevoir d’autres possibles. Accepter peut constituer dès lors un moyen au service de la restauration du pouvoir d’agir, notamment en se (re)positionnant face à une donnée avec laquelle les sujets doivent composer. La manière dont on organise et réorganise le récit de soi semble contribuer tant à construire qu’exprimer ce repositionnement.
Conclusion
Nous avons, dans cet article, caractérisé, suivant différentes dimensions, ce que recouvre la perspective de reconnaissance du handicap pour les personnes concernées. Dans la première partie, nous avons interrogé l’ampleur des impacts des notions de handicap et de rétablissement, tant au niveau des pratiques professionnelles de la relation d’aide que des personnes directement concernées. Les propos tenus dans la deuxième partie semblent en mesure de rendre compte tant de la richesse que de la complexité du savoir dit expérientiel. Si par les recherches qualitatives nous cherchons de nos jours à restaurer une place aux vécus, aux savoirs et aux propos des personnes concernées par les problématiques dont on traite, nous avons pu observer ici combien, en allant plus loin dans la participation proposée, d’autres perspectives peuvent émerger. La contribution réalisée ici va au-delà d’un « simple » récit de vie, d’une expérience personnelle ; et il semble que si l’on souhaite véritablement prendre en compte l’apport crucial des personnes concernées, il est essentiel de leur proposer et de les laisser se saisir d’opportunités qui reconnaissent pleinement ce potentiel réflexif empreint d’un vécu éminemment subjectif. Le propos n’est pas que personnel, individuel et il envisage lui aussi des éléments pratiques, philosophiques et politiques permettant de monter en complexité dans la compréhension, trop souvent réductrice, des phénomènes et des solutions à proposer. Dans la troisième partie, en examinant les impacts psychiques des différents modes de reconnaissance, il s’agit d’ajouter un pan à cette complexité, en l’envisageant sous l’angle des conséquences de nos pratiques et politiques sur la santé mentale – et plus largement sur la dignité – des personnes concernées, plus ou moins directement.
Cet article documente comment, derrière la catégorie et la notion de handicap, il y a des individus, des spécificités, des histoires, des aspirations, nécessairement différentes. L’individu dans toute sa complexité, sa multiplicité expérimente des situations d’inadaptation entre lui et l’environnement. Comment alors envisager de faire collectif, si chacun se dérobe aux catégories, que ce soient les personnes concernées ou les chercheurs ? D’aucuns diraient que ce qui est problématisé dans cet article correspond à un modèle particulier du handicap, psychique. Mais il n’y a pas si longtemps, ces personnes étaient mises au ban, à la périphérie des cités, entre elles, à l’asile. Il nous semble ainsi qu’il y a un enjeu heuristique, clinique et politique fort à repenser également ce que pourrait être le soutien social et en santé mentale pour les personnes catégorisées par le « handicap mental ». Et si la présomption d’une égalité des intelligences rendait possible l’espoir que ce handicap soit moins totalisant et soit une caractéristique parmi d’autres « au cours de la vie » ?
Et ce n’est pas parce que la perspective contemporaine est celle de l’inclusion, ni parce que nous rappelons, dans cet article, l’existence de la personne dans toute sa complexité, que nous ambitionnons d’œuvrer à une atomisation de la société. Il ne s’agit pas de considérer que la singularité contrevient à la possibilité, par endroits, de faire groupe. Au contraire. Mais ce programme inclusif ne peut se faire que sur l’établissement de catégories, fussent-elles indexées à des sous- catégories administratives ou médicales, d’autant plus quand celles-ci sont aussi porteuses d’enjeux contradictoires. Il nous faut ainsi être à l’écoute des revendications, qu’elles soient personnelles ou groupales, spécifiquement quand celles-ci viennent invalider les connaissances et les politiques à leur sujet. Soulignons ainsi l’existence d’initiatives de plus en plus nombreuses par et pour des personnes avec des troubles de santé mentale et/ou en situation de handicap9. Et soyons attentifs aux formes de reconnaissances institutionnelles de la participation des personnes concernées au rétablissement. C’est par exemple ce qui s’expérimente aujourd’hui dans la pair-aidance. Cette possibilité de rencontrer des pairs apparaît alors soumise à cette question de la reconnaissance du handicap et/ou des troubles. Trouver des pairs implique à la fois que l’on se reconnaisse et que l’on soit reconnu comme ayant un ou des vécus communs, permettant dès lors de constituer un groupe. Le soutien par les pairs, au cœur des stratégies actuelles de rétablissement des personnes, se situe donc aux confins de cette reconnaissance interne et externe évoquée dans l’article et nous semble à promouvoir.
Notes de bas de page
1 Repéré ici : https://handicap.gouv.fr/IMG/pdf/strategie_quinquennale_de_l_evolution_de_l_offre_medico-sociale_volet_handicap_psychique.pdf
2 « Représentations, stratégies et redéfinition identitaire dans le processus de rétablissement : étude explo- ratoire », étude financée par le Conseil scientifique de la recherche du Vinatier. Numéro CPP SUD EST IV N° 16/055 Réf de la délibération : A16 -378. N° IDRCB : 2016-A01049-42
3 Chaque sujet participant (n=40) a réalisé un entretien semi-directif d’environ 1 heure et la passation de l’échelle de rétablissement STORI (Andresen, Caputi et Oades, 2006
4 L’une d’entre nous se définit comme ayant des troubles de santé mentale et a une reconnaissance de « personne handicapée ». Nous avons collaboré dans le cadre de l’activité de chercheurs des deux autres contributeurs à l’Orspere-Samdarra. Cet observatoire national, sous la direction d’Halima Zeroug-Vial, est hébergé au centre hospitalier Le Vinatier et s’intéresse aux liens entre la santé mentale et les vulnérabilités sociales (précarités, migrations…)
5 Dont on retrouve un historique ici : Myriam Winance, Isabelle Ville, Jean-François Ravaud (2007), « Disability Policies in France : Changes and Tensions between the Category-based, Universalist and Personalized Approaches », Scandinavian Journal of Disability Research, n° 9, p. 160-181
6 Dans un souci d’anonymisation des données, ce nom ainsi que tous les noms de structures cités dans le texte ont été inventés par les auteurs.
7 Réalisé en appui sur nos entretiens de recherche, cette documentation des impacts psychiques n’a pas vocation à être exhaustive.
8 Idée attribuée à Aristote.
9 Nous pensons à commedesfous.com
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