aidantL’accompagnement par un aidant d’une personne vivant avec un trouble psychique ou du neurodéveloppement est un facteur très favorable pour le pronostic au long cours. Les aidants sont des partenaires essentiels pour les professionnels de la santé mentale. Toutefois, ils constituent aussi une population vulnérable. L’aidance exerce en effet un impact sur la santé psychique et physique justifiant le développement de soins dédiés aux aidants. Parmi eux, la psychoéducation, intervention pédagogique visant à informer les aidants sur le trouble psychique, à promouvoir leurs compétences d’accompagnement et à les inciter à se préserver, constitue l’une des interventions les plus efficaces. Elle est aussi une intervention thérapeutique associée à des bénéfices majeurs, à la fois pour les aidants et pour les proches accompagnés. Les recommandations de soins internationales préconisent d’ailleurs que cette intervention soit proposée précocement et systématiquement dans une logique de parcours (articulée avec les autres ressources disponibles, notamment associatives). À cet égard, la situation française est très insatisfaisante : moins de 5 % des aidants bénéficient de psychoéducation1.
La psychoéducation à destination des aidants en France
L’offre psychoéducative disponible pour les aidants en France se structure progressivement en parcours grâce à la diffusion de programmes considérés comme des références nationales. Le parcours est typiquement initié par les programmes BREF et LÉO2, issus de la recherche participative. Ces programmes initiaux, courts, sont accessibles à tous les aidants, sans contrainte diagnostique. L’objectif du programme BREF est de motiver les aidants à s’inscrire dans un parcours d’accompagnement et de les connecter aux ressources disponibles. Une famille est accueillie, en l’absence du proche accompagné, pour trois séances d’une heure chacune3. Le programme LÉO est conçu pour délivrer précocement les compétences dont les aidants ont immédiatement besoin et accueille plusieurs familles. Il est organisé en deux modules et comprend huit séances de trois heures4. Le parcours est complété par des programmes d’approfondissement, plus longs et exhaustifs5. Malgré un important effort de diffusion nationale de ces programmes au cours des dernières années, certaines populations d’aidants restent peu accompagnées. C’est le cas des frères et sœurs.
Quelles ressources psychoéducatives pour les frères et sœurs ?
L’ensemble des programmes psychoéducatifs sont accessibles aux frères et sœurs adultes. Néanmoins, ces derniers font moins de demandes, notamment lorsque la charge principale de l’aidance est assumée par les parents ou les conjoints. Stratégiquement, le programme Profamille propose une réunion uniquement destinée aux fratries afin de leur proposer une information mini- male. Souvent, les frères et sœurs ne participent qu’à l’une des trois séances du programme Bref aux côtés des aidants principaux. Plus tardivement, lorsque les parents avancent en âge, la fratrie prend leur relais dans l’accompagnement du proche concerné. Devenus aidants principaux, de nombreux frères et sœurs ont déjà participé à l’intégralité des programmes BREF, LÉO ou Profamille. Sur le plan associatif, ils peuvent participer aux groupes de paroles dédiés aux fratries proposés par l’Unafam.
Typiquement, les troubles du neurodéveloppement surviennent au cours des premières années de vie, les troubles schizophréniques ou de l’humeur à l’adolescence et chez les adultes jeunes. Les frères et sœurs concernés sont alors des enfants, des adolescents ou de jeunes adultes. On parle de « jeunes aidants ». Les acteurs engagés auprès de cette population défendent le terme de « jeunes proches » pour souligner que ces jeunes personnes ne doivent pas devenir les soignants de leur frère ou sœur, mais rester des êtres en construction et pouvoir bénéficier du soutien nécessaire de la part de leurs parents. Les jeunes proches s’adaptent au manque de disponibilité et à la complexité du quotidien. On leur demande de comprendre et d’assumer des choses qui parfois les dépassent. En parallèle des aidants principaux, ils vivent leurs propres expériences et ont donc des besoins spécifiques.
En l’absence de programmes psychoéducatifs spécifiques aux jeunes proches, le programme BREF, unifamilial, permet l’aménagement d’une séance supplémentaire qui leur est réservée. Cette séance permet une réponse individualisée en s’adaptant au niveau de compréhension du jeune proche et en se focalisant sur ses questions prioritaires. Qu’est-ce qu’un trouble psychique ? Quelles en sont les causes ? Comment gérer ma relation avec mon frère ou ma sœur, mes parents ? Quelles ressources existe-t-il pour moi ? Les programmes BREF et Profamille s’attachent également à sensibiliser les parents aux besoins, aux attentes et aux émotions des membres de la fratrie. Des associations dédiées aux jeunes proches permettent de répondre à leurs besoins particuliers6. Ces dernières offrent des temps de répit, de l’information, du soutien (hotline téléphonique). Elles permettent de rencontrer d’autres jeunes dans la même situation et de rompre l’isolement. Ces ressources nécessitent d’être mieux connues, diffusées et complétées pour devenir accessibles à tous les jeunes proches. Des stratégies complémentaires méritent d’être explorées, telles que des programmes psychoéducatifs digitaux ou des plateformes web7 tirant parti de l’aisance naturelle des jeunes proches à recourir aux ressources numériques.
Notes de bas de page
1 Petitjean, , Bralet, M.-C., Hodé, Y. et Tramier, V. (2014).Psychoéducation dans la schizophrénie. EMC — Psychiatrie, 1-11.
2 Les programmes psychoéducatifs BREF et LÉO ont été développés par le centre lyonnais des aidants en psychiatrie (CLAP au centre hospitalier le Vinatier) en partenariat avec l’Unafam et le collectif schizophrénies. Le CLAP propose des formations accessibles aux professionnels de santé et aux bénévoles d’association de familles, au terme desquelles il est possible de mettre en place et d’animer les programmes BREF et LÉO.
3 Co-animées par deux professionnels de santé, les deux premières séances sont centrées sur le proche, les troubles psychiques et l’organisation des soins. La troisième séance compte également la présence d’un bénévole d’une association de famille. Elle explore l’impact de la situation sur les aidants eux- mêmes.
4 Le premier module est centré sur « Comment mieux accompagner son proche (y compris en situation de crise) ? » et s’appuie sur des techniques validées, dérivées de l’approche motivationnelle ; le second module se focalise sur « Comment prendre soin de soi ? » et est construit à partir du modèle ZRM (modèle de ressources zurichois, d’autogestion, permettant de développer un fort pouvoir motivationnel, indispensable aux familles, pour faire face aux nombreux bouleversements liés à la situation d’aidance).
5 Tels que Profamille (en lien avec la schizophrénie) ou Connexions familiales (en lien avec les troubles de personnalité borderline).
6 Telles que les associations : Jeunes aidants ensemble (Jade), Les funambules et La pause brindille.