Dans les rues labyrinthiques de la ville, je me sentais comme une âme perdue, accablé par l’anxiété qui me serrait le cœur. Chaque soir, alors que le soleil déclinait à l’horizon, une question lancinante me hantait : où trouverais-je refuge pour la nuit ? Les ruelles sombres et les coins oubliés se transformaient en un dédale oppressant où je cherchais désespérément un abri. Chaque coin de trottoir, chaque banc public semblait offrir un mince espoir, mais aussi une source d’angoisse. L’idée de devoir passer la nuit à la merci des éléments, sans aucune certitude quant à ma sécurité, me plongeait dans une anxiété glaciale qui m’empêchait de trouver le repos. Même lorsque la fatigue m’accablait et que le sommeil se faisait pressant, une autre anxiété persistait : celle de devoir faire la manche pour survivre. Tendre la main vers des passants indifférents, quémander quelques pièces pour subsister, était comme arracher à chaque fois un morceau de ma dignité. Chaque geste de générosité était accueilli avec gratitude, mais aussi avec une pointe de honte et d’humiliation. Chaque regard dédaigneux, chaque refus poli renforçait le poids de cette angoisse. Lorsque la nuit tombait et que les rues se vidaient, une autre anxiété m’envahissait : celle de l’insécurité permanente. Être sans-abri, c’est être constamment exposé aux dangers qui rôdent dans l’obscurité. Chaque bruit inconnu, chaque ombre qui s’étirait dans la nuit, ravivait en moi une peur viscérale, une anxiété palpable qui me paralysait.
Ainsi allait ma vie de sans-abri, une existence marquée par l’anxiété omniprésente qui m’étreignait à chaque instant. L’incertitude, ne pas savoir où dormir, la honte de devoir mendier, la peur constante de l’insécurité… Toutes ces angoisses s’entrelaçaient pour former un fardeau insoutenable, une charge que je portais chaque jour sur mes épaules, comme une sentence inévitable. Chaque jour devenait une épreuve de survie, une lutte acharnée contre les démons qui tourmentaient mon esprit, dans l’attente incertaine d’un lendemain meilleur. Il y avait une autre peur, encore plus insidieuse, qui venait se greffer à cette existence déjà précaire : celle de sombrer dans le même abîme que tant d’autres avant moi. Je voyais, à chaque coin de rue, des visages creusés par la misère, des corps affaiblis par la vie de la rue, mais surtout des âmes détruites par les drogues. Ces substances qui promettaient l’évasion, un répit temporaire dans la douleur quotidienne, finissaient par engloutir totalement ceux qui y succombaient. L’anxiété de devenir comme eux, de perdre complètement le contrôle de ma vie, me hantait jour et nuit. L’idée même de céder à cette tentation, d’utiliser la drogue comme un refuge pour fuir l’angoisse permanente, me terrifiait. Pourtant, l’épuisement mental, la pression constante et le désespoir grandissant rendaient cette tentation de plus en plus forte.
Et puis, un jour, j’ai cédé. Je me souviens de ce moment avec une clarté douloureuse, comme si le temps s’était arrêté pour me montrer ma propre chute. La première fois que j’ai consommé, c’était une tentative désespérée d’échapper à cette vie de tourments. Pendant un instant, tout semblait s’effacer : l’angoisse, la peur, la douleur. Toutefois, ce répit n’était qu’une illusion, un piège cruel qui s’est refermé sur moi plus rapidement que je n’aurais pu l’imaginer. Ce qui avait commencé comme une fuite est vite devenu une prison. La drogue, loin de me libérer, m’a enchaîné à une nouvelle forme d’angoisse, encore plus destructrice que celle que j’avais fuie. Mon existence, déjà précaire, s’est transformée en un cauchemar éveillé, où chaque instant de lucidité était un rappel de la déchéance dans laquelle j’étais tombé. Les rues que j’avais autrefois parcourues en quête de survie étaient désormais parcourues dans un état de brouillard constant, où l’urgence de trouver ma prochaine dose surpassait même la recherche d’un abri ou d’un repas. Malgré la spirale infernale dans laquelle je m’étais enfoncé, quelque chose en moi refusait de lâcher prise. Peut-être est-ce cette même anxiété de finir comme tant d’autres que je voyais s’éteindre autour de moi qui m’a poussé à me battre.
Un jour, après des mois de lutte, j’ai réussi à rompre les chaînes de la dépendance. C’était comme émerger d’un long cauchemar, retrouver une part de moi-même que je croyais perdue à jamais. Même après être sorti de cet enfer, l’anxiété ne m’a jamais quitté. Elle avait changé de visage, se transformant en une vigilance constante, une peur de rechuter. La route vers la rédemption est longue, semée d’embûches et l’ombre de la dépendance plane toujours au-dessus de moi, comme une menace silencieuse.
Quelque chose a émergé de cette expérience, une force et une volonté de redonner ce que j’avais moi-même reçu. Après avoir réussi à me sortir de cette spirale destructrice, j’ai ressenti un appel irrésistible à aider ceux qui traversaient ce que j’avais vécu. Je suis devenu pair-aidant, offrant mon expérience et mon soutien à ceux qui se battent contre les mêmes démons. Chaque jour, je rencontre des personnes qui, comme moi autrefois, sont perdues dans l’obscurité de la rue et de l’addiction. À travers mon histoire, je leur montre qu’il est possible de s’en sortir. Être pair-aidant n’est pas seulement une manière de donner un sens à ma propre souffrance, mais aussi une façon de guérir. En aidant les autres, je continue de me sauver moi-même, de repousser les ombres qui menacent toujours de revenir. Chaque personne que j’accompagne vers la lumière est une victoire, non seulement pour elle, mais aussi pour moi. Cela me rappelle que, même dans les moments les plus sombres, l’espoir peut toujours renaître.
Aujourd’hui, même si l’angoisse demeure, je continue d’avancer, un pas après l’autre, déterminé à ne plus jamais me laisser submerger par cette obscurité. La vie m’a appris une leçon amère mais précieuse : il est possible de tomber, mais aussi de se relever. Être debout chaque jour est une victoire sur les démons qui m’ont autrefois enchaîné. Le chemin a été long et semé d’embûches. Je marche aujourd’hui aux côtés de ceux qui, à leur tour, cherchent la lumière au bout du tunnel.