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L’accompagnement sexuel: un droit liberté ?

Marcel NUSS - Président de l’Appas Erstein

Année de publication : 2016

Type de ressources : Rhizome - Thématique : SCIENCES HUMAINES, Sociologie

Télécharger l'article en PDFRhizome n°60 – Sexualités (Juin 2016)

L’Association pour la promotion de l’accompagnement sexuel (Appas)

Les membres fondateurs et/ou administrateurs de l’Appas sont psychologues, sexologues, juristes, avocates, directeurs d’établissements médico-sociaux, philosophes, accompagnants sexuels, parents de personnes déficientes intellectuelles, traductrices, écrivains, formateurs, etc. Un quart d’entre eux est en situation de handicap physique. En un an, elle a comptabilisé 190 demandes d’accompagnement sexuel, 118 personnes postulant à la formation d’accompagnants sexuels, dont près de la moitié sont des hommes. Vingt personnes ont été formées en 2015, dont douze pratiquent plus ou moins régulièrement – il devrait y avoir au moins le double d’ici fin 2016 – et, si nous comptons les quatre personnes formées en Suisse et les trois escorts-girls qui ont rejoint spontanément l’association, il y a aujourd’hui dix-neuf accompagnant(e)s sexuel(le)s qui proposent leur savoir-faire et leur savoir-être à des personnes en situation de dépendance de tous âges, souffrant de misère affective et sexuelle ; les trois quarts des accompagnants sexuels viennent du milieu médical, médico-social, associatif, sanitaire et paramédical.

Nous vous invitons à vous rendre sur le site de l’Appas : http://www.appas-asso.fr/

Paradoxe français

La France aime cultiver les paradoxes.

Bien que l’Appas contrevienne à la loi sur le proxénétisme, celle-ci forme depuis mars 2015, en toute légalité, des accompagnants sexuels et met régulièrement en relation, en toute illégalité, lesdits accompagnants sexuels avec des personnes handicapées ou en perte d’autonomie souhaitant bénéficier d’un accompagnement à la vie affective, intime, sensuelle et/ou sexuelle. Et ce en toute clarté et en toute transparence. Pourtant, bien que pouvant être poursuivie pour proxénétisme bénévole et, sachant que la pénalisation des clients de prostituées risque d’être votée, l’association maintient son cap, restant fidèle à ses engagements, à son éthique et à sa volonté d’obtenir la reconnaissance de l’accompagnement sexuel en France, à l’instar de nombreux pays d’Europe où les bienfaits de celui-ci, très particulier et si humanisant, ont été largement prouvés ; comme l’Appas l’a également démontré depuis qu’elle milite en faveur de cette cause si polémique dans l’Hexagone.

Du reste, forte de ses nombreuses avancées, de son prix « coup de cœur » décerné le 15 juin 2015 par l’Ocirp1, du soutien de certaines personnalités politiques ainsi que de la société civile, l’association veut obtenir une modification de la loi sur le proxénétisme ou, a minima, une jurisprudence respectant la liberté d’avoir des expériences sexuelles tarifées à des personnes qui en sont privées du fait de leur dépendance physique, mentale ou psychique.

L’Appas est donc gérée par des personnes responsables et pleinement conscientes des implications et des « risques » potentiels de leur engagement en faveur d’une cause à but humaniste, humanitaire et humanisant. Toutes s’opposent avec force et convictions aux diktats iniques, dogmatiques, désincarnants, désexualisants, discriminants et liberticides des adversaires à l’accompagnement sexuel, négligeant par là même les souffrances qui sont à l’origine de cet accompagnement et de leurs conséquences psychologiquement destructrices. Mais, tandis que les membres de l’Appas respectent sans détour aucun la position de leurs opposants, le contraire n’est malheureusement pas vrai puisque ceux-ci n’ont qu’une volonté : obtenir l’interdiction de pratiquer l’accompagnement sexuel en France, au même titre que la prostitution volontaire et indépendante.

Fondements et avenir de l’accompagnement sexuel en France

En fait, ce n’est pas tant l’exercice de l’accompagnement sexuel qui pose problème aux détracteurs de cette liberté spécifique mais le fait que celui-ci soit rémunéré, relevant ainsi juridiquement d’une forme de prostitution. S’il était fait de façon bénévole, il ne gênerait personne en dehors des esprits puritains. Or, l’Appas est favorable à la rémunération de l’accompagnement sexuel. D’une part, parce que tout travail mérite salaire – et l’investissement personnel, la profonde humanité, les compétences et les capacités que requiert cette activité sont particulièrement importants. D’autre part, il ne faut pas que ce type d’accompagnement devienne un dû au regard des bénéficiaires, ce qui serait le cas s’il était gratuit, les maintenant ainsi insidieusement dans une posture d’assistés, alors qu’il a vocation à être responsabilisant et autonomisant.

L’accompagnement sexuel relève d’un choix individuel et tout choix a un coût, être ou devenir citoyen à part entière est à ce prix. Pour l’Appas, l’accompagnement à la vie affective, intime, sensuelle et/ou sexuelle ne doit pas seulement permettre d’accéder à une liberté légitime, à l’exploration et à la découverte de soi-même, de sa corporéité et de sa charnalité, il doit aussi avoir une portée éducative et valorisante, voire libératrice.

L’accompagnement sexuel est un droit-liberté. À ce titre, comme toute liberté individuelle respectueuse de son prochain et reposant sur un consentement mutuel, il doit être défendu.

Cependant, force est de constater qu’aujourd’hui que l’intransigeance des détracteurs de cette cause rend le dialogue quasi impossible. Ce qui est bien dommage.

Pourtant, l’Appas n’aura de cesse d’être entendu, de faire entendre la voix des personnes qu’elle défend et des professionnels du médico-social qui sont démunis face à cette réalité si douloureuse et par trop niée par des esprits intolérants et sourds à la vie, donc à toute forme de liberté individuelle.

La liberté, il y a ceux qui en parlent et ceux qui la défendent en actes concrets. L’Appas agit !

Pour aller plus loin …

Nous vous invitons à lire les ouvrages : Nuss, M. (2015). En dépit du bon sens. Éditions de l’éveil ; Nuss, M. (2011). Je veux faire l’amour. Éditions autrement.

Notes de bas de page

1 Organisme commun des institutions de rente et de prévoyance (Ocirp).

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