Un jour ensoleillé de décembre, Frédéric accueille l’équipe de Rhizome dans le centre où il vit la semaine, à la périphérie d’une ville moyenne. L’entrée franchie, nous longeons un couloir étroit et montons un étage. Nous nous installons à une petite table sur la terrasse de sa chambre. Son frère s’éloigne, pour laisser Frédéric évoquer sa relation avec lui. Le pro- pos ci-dessous est rédigé à partir de notre échange.
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« Je suis né en 1979 à Pontarlier dans le Doubs. J’ai 2 ans à la naissance de mon frère. Nicolas est né à Metz puis ma famille a déménagé de Lorraine et s’est installée dans l’Ain. Au début, c’était difficile, j’étais un peu jaloux. Comme ma naissance ne s’était pas très bien déroulée, j’avais besoin de beaucoup d’attention, on s’occupait énormément de moi, on m’emmenait faire des examens, je passais du temps à l’hôpital. Finalement, ça s’est bien passé avec mon frère et on jouait beaucoup quand on était petits : on conduisait le tracteur, on faisait du vélo, on jouait à des parties de foot ou de baby-foot. Mon frère était gentil et essayait de comprendre, mais ce n’était pas toujours évident pour lui. Quand on jouait au Monopoly par exemple, je voulais tout de suite être en prison. Je ne me pliais pas bien aux règles ou alors je rigolais et ce n’était pas simple. On était à l’école ensemble à Saint-Julien-sur- Veyle, mais on n’avait pas les mêmes copains.
Ensuite, j’ai été à Charles-Robins, j’apprenais bien. Et puis, j’ai été à Péronnas et là, les autres me faisaient faire n’importe quoi, ils n’étaient pas très gentils, c’était le collège quoi. Ils me traitaient de gogol, de mongol, c’était dur. Après je suis parti de Péronnas pour l’Arbresle. Là-bas, j’ai été suspendu du centre parce que je disais aux autres des choses pas spécialement faciles. Ils ne me comprenaient pas. Je suis revenu un petit moment après. Ensuite, je suis parti de l’Arbresle et mes parents m’ont mis à Belley, là je suis resté longtemps, jusqu’en 2008. Là ils étaient gentils, c’était un bon centre, des fois je provoquais un peu les autres, mais j’ai été convoqué par le directeur juste une fois et après ça allait mieux. Ensuite, ils m’ont donné un cachet, le risperdal, et puis le didiperon, ce n’était pas évident, ça provoquait des angoisses, mais mainte- nant je n’ai plus de risperdal le matin, je n’en ai que le soir, un petit peu. Avec mon frère, des fois, on va boire un verre tous les deux et bientôt je viens faire le repas de Noël à Lyon. On n’a pas trop les mêmes goûts, je suis plutôt basket alors que mon frère est rugby. Au rugby, il se faisait nommer “le dormeur”. Le divorce des parents a été un moment difficile. J’ai essayé d’être là pour lui et puis la thérapie l’a aidé, lui aussi. Pour Noël, il m’a offert un iPhone, c’est un très beau cadeau. Je m’en sers pas mal, je vais sur internet, j’ai pris des photos de ma copine Justine et j’écoute de la musique. Lors du projet personnalisé, on parle de ce que je veux faire et de comment s’est déroulée l’année. Des fois, je provoque un peu les autres et après ça se calme un petit peu. Mais, par exemple, des fois, je tape aux murs. Quand il y avait eu le confinement, c’était un peu difficile. Quand on fait le projet personnalisé, tu dis comment ça se passe, ce qui est difficile, ça m’aide beaucoup. C’est très bien que mon frère soit là. Il m’écoute et c’est très important pour moi. Souvent il est d’accord. »
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L’entretien terminé, Frédéric fait remarquer à Nicolas que sa montre connectée affiche une heure de retard, il lui propose alors d’y jeter un œil. Les deux frères se penchent tous les deux au-dessus de l’objet à réparer. Une douceur se dégage du moment. Ils sont là l’un pour l’autre.